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11 avril 2008 5 11 /04 /avril /2008 16:53

10/04/08
Source: Le JDD

 

Pour sa première visite en Afrique, Alain Joyandet, nommé le 18 mars dernier secrétaire d'État à la Coopération, en lieu et place de Jean-Marie Bockel, a choisi le Gabon d'Omar Bongo. Un choix dénoncé par un collectif citoyen - la Cellule Françafrique - qui a procédé jeudi à la saisie symbolique d'un des 33 appartements détenus en France par le président africain. "Un bien mal acquis", résume-t-il.

Le collectif citoyen a pos
é un scellé sur la porte d'entrée d'un hôtel particulier appartenant à Omar Bongo. (Marianne Enault)

"Omar Bongo, dictateur durable". Ce jeudi midi, le slogan s'affiche sous les fenêtres du 4, rue de la Baume, dans le très chic huitième arrondissement parisien. Un collectif de citoyens, regroupés sous le nom de "Cellule Françafrique", allusion pas du tout voilée à la "Cellule Afrique" de l'Elysée, ont donné rendez-vous aux journalistes afin de procéder, expliquent-ils, "à la saisie citoyenne d'un bien mal acquis" par le président Omar Bongo, au pouvoir au Gabon depuis 1967.

Le bien en question est un hôtel particulier - 2000 mètres carrés de logement et 500 mètres carrés de jardin - d'une valeur totale de 18 875 000 euros. Les propriétaires de cet immeuble - l'un des 33 biens immobiliers que possède la famille Bongo en France - sont Omar Denis, 13 ans, et Yacine Kini, 16 ans. Deux des fils du chef d'Etat africain. Cet hôtel particulier était notamment visé par la plainte déposée l'an dernier par trois associations françaises pour "recel de détournement de biens publics". Une plainte qui vise les "biens mal acquis" par plusieurs potentats africains, explique le collectif, c'est-à-dire "acquis sur le dos de la population gabonaise", alors même que 83% des Gabonais vivent en dessous du seuil de pauvreté selon le rapport de la Banque mondiale de 2000.

Jean Denard, Grégoire Eyadema et Antoine Houphouët-Boigny

Fin 2007, la justice française a classé cette plainte, faute d'infraction suffisamment caractérisée. "Une décision politique", résument les membres de la Cellule Françafrique, créée au début de l'année dernière en marge du Forum social mondial. Pour la plupart, ils travaillent pour les ONG françaises à l'origine de la plainte, dont l'association Survie. Mais jeudi, c'est en tant que citoyens qu'ils agissaient. "En tant que citoyens français, nous refusons ce que le gouvernement fait en notre nom en Afrique", expliquent-ils. Pour l'occasion, ils ont pris les noms "d'éminents membres de la Françafrique": Jean Denard - Bob Denard le mercenaire -, Grégoire Eyadema - Gnassingbé Eyadema, président du Togo pendant 38 ans, Antoine Houphouët-Boigny - Félix Houphouët-Boigny, président de Côte d'Ivoire de 1960 à 1993.

Ray Ban sur le nez, vêtus d'un t-shirt "Instaurer des dictatures nuit gravement à la santé", ils procèdent à la saisie symbolique de l'hôtel particulier et se disent pour l'occasion "huissiers citoyens". Ils déploient un scellé "bien mal acquis" sur la porte de l'immeuble. Marc Ona, défenseur gabonais des droits de l'Homme, assiste à la scène. Dans un geste symbolique, ils lui remettent le faux titre de propriété de l'immeuble. Le militant africain remercie "la société civile française". "Quand votre voisin pleure, celui d'à côté prend le relais", dit-il, visiblement ému, avant de dénoncer le "génocide économique" en cours en Afrique. "Autant, les ressources de nos pays ont été pillées par nos dirigeants, autant les responsables politiques français en ont bénéficié", juge-t-il.

Devant le 4 rue de la Baume, des pancartes dénoncent les ''bien mal acquis'' par le potentat africain. (Marianne Enault)

"Omar Bongo a eu la peau d'un ministre français"

Par cette action symbolique, ces citoyens entendent dénoncer la promesse non tenue par le candidat Sarkozy. "Il nous faut construire une relation nouvelle", avait-il déclaré pendant la campagne présidentielle. Près de onze mois après son accession au pouvoir, les imbrications politico-économiques entre la France et l'Afrique semblent toujours prégnantes. Pour preuve, selon le collectif, les derniers événements: Omar Bongo fut le premier chef d'Etat reçu par le président Sarkozy, qui avait lui-même quelques mois plus tôt conclu sa première tournée africaine par Libreville en vantant les mérites de la "démocratie gabonaise", alors même que les autorités annonçaient l'interdiction d'une trentaine d'ONG. Dernier épisode en date, relève le collectif, "Omar Bongo a eu la peau d'un ministre français". Mi-mars, le remaniement ministériel a en effet vu Jean-Marie Bockel passer du secrétariat à la Coopération à celui des Anciens Combattants. Pour beaucoup, l'ancien socialiste a payé ses déclarations sur la rupture avec la Françafrique et la mauvaise gestion des revenus pétroliers par les présidents de certains pays africains.

Son remplaçant a choisi jeudi le Gabon pour sa première visite officielle en Afrique. "Le successeur de Bockel va faire des courbettes devant le potentat gabonais pour le remercier!", dénoncent les membres de la cellule Françafrique. "Encore un signe qui montre qu'on est plus dans la continuité que dans la rupture", note Grégoire "Eyadema<". Et d'ajouter: "La France piétine les droits de l'Homme quand il s'agit de protéger ses intérêts économiques." Du côté du gouvernement, Alain Joyandet a promis jeudi d'agir "assez discrètement". "Je veux construire des relations bilatérales, je n'ai pas du tout l'intention de me laisser enfermer dans les grands mots", a-t-il déclaré sur RFI. Réponse du collectif: "Nous demandons à Joyandet d'être un peu moins discret, d'avoir le même courage que Bockel et de prôner une vraie rupture." Mais l'heure n'est pas vraiment à l'optimisme au sein de la cellule: le secrétaire d'Etat se rendra prochainement à Brazzaville pour inaugurer la nouvelle exploitation pétrolière de Total.

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