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4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 01:35

2 janvier 2010
Jeune Afrique


Du petit commerçant à l’ingénieur en passant par le médecin traditionnel, les Chinois s’installent, toujours plus nombreux, dans la capitale. Sans pour autant s’intégrer.

« Ici on entre fatigué, on ressort détendu. » La ­patronne du bar-massage Dong Fang est fière du bien-être ­qu’elle et ses quatre masseuses professionnelles procurent à ses clients. Celle que ses employés surnomment « Mme Aïcha » exhibe ses diplômes de l’université du Liaoning (nord-est de la Chine). « Ici, on n’est pas chez des charlatans », insiste-t-elle, s’indignant des pratiques des « faux masseurs » chinois qui pullulent à N’Djamena… et qui ne sont souvent que des maisons closes déguisées.

Dans leurs boutiques de la capitale, sur les chantiers pétroliers ou du BTP, les ressortissants chinois sont partout. Originaires de régions et de milieux sociaux différents, ils seraient environ 2 100, selon les autorités ­tchadiennes. Leur nombre est en constante augmentation, notamment depuis 2006 et la signature de contrats pétroliers.

Il y a parmi eux beaucoup de petits commerçants. Entrepreneurs aventuriers, ils ont bourlingué avant de réussir leur installation. Au Grand Magasin chinois, dans le marché de mil de N’Djamena, on travaille en famille. Installé au comptoir de ce bazar qui vend aussi bien des parfums que des stylos made in China, Qu Weiguang, 38 ans, associé à ses cousins, fait des affaires. La boutique, qui ne désemplit pas, vend gadgets et autres « chinoiseries ». « Mon oncle a monté des boutiques en ­Centrafrique et au Congo avant de se lancer au Tchad. C’est lui qui m’a fait venir ici », ­explique ce Cantonais.

Un peu plus loin dans le marché, Ma Lizhao, qui a déjà monté un hôtel, tient un magasin de ­portes et ­fenêtres. Après quatorze ans de Tchad, ce quarantenaire jovial ­compte sur la frénésie de construction qui touche N’Djamena depuis l’arrivée des pétrodollars. Il a fait venir cinq membres de sa famille pour faire tourner son hôtel et se concentrer sur son nouveau business.

La boutique de chaussures qui jouxte celle de Ma est aussi tenue par des Chinois, natifs du Zhejiang (près de Shanghai). Le vendeur, Allen Chen, 24 ans, arrive tout juste du Ghana où il gérait aussi un magasin. « Nous testons le marché quelques mois. Si la clientèle ne vient pas, nous ferons autre chose », explique-t-il, pragmatique. Le jeune Chinois et son oncle Nai envisagent aussi de construire une usine de tubes en plastique, des produits qui manquent au Tchad.


Sens des affaires

Un sens aigu des affaires permet à ces Chinois issus de milieux ­modestes de s’en sortir mieux qu’au pays. « Avec l’argent gagné ici, je me fais construire une maison en Chine », explique Mme Aïcha. Pour les petits commerçants, le lien avec la terre natale est très fort. D’abord, il y a la famille qu’ils ont laissée derrière eux, ensuite il y a la relation avec les fournisseurs chinois qu’il faut renforcer. Mme Aïcha fait plusieurs voyages chaque année pour s’approvisionner en lotions traditionnelles. Ma Lizhao visite régulièrement les usines chinoises pour choisir les fenêtres les plus adaptées au marché tchadien.

Ces petits boutiquiers ne ­fréquentent que des Chinois, si possible de la même région qu’eux. La langue reste une barrière difficile à franchir. M. Chen a essayé sans succès de se mettre au français. « Trop difficile », dit-il. Les plus jeunes parlent un peu anglais, mais il est peu utile ici. Leur vie sociale est donc des plus réduites. « Nous sommes là pour le travail, pas pour nous faire des amis », justifie Mme Aïcha. Même s’ils restent plusieurs années loin de chez eux, tous disent vouloir revenir en Chine pour leurs vieux jours, quitte à laisser leur affaire à d’autres Chinois.


Communiquer par signes

Pour la vie quotidienne, ils sont assistés par des Tchadiens qui communiquent avec eux par des gestes et dans un français rudimentaire. Difficile dans ces conditions d’approfondir les liens. Se marier avec un Tchadien ? « C’est inenvisageable », explique le jeune Allen Chen, qui compte épouser une de ses compatriotes quand ses affaires auront prospéré.

Avec la reprise des relations avec la Chine sont arrivés les employés des grandes compagnies. Fan, 38 ans, est chef comptable à la China National Petroleum Company (CNPC), qui explore la zone pétrolière de Bongor (Sud-Ouest). Il a d’abord travaillé en Mongolie puis au Vietnam avant d’arriver ici. Il vit avec une quarantaine de compatriotes dans une des « maisonnées » chinoises du quartier aisé du canal Saint-Martin, installées par les compagnies pétrolières CNPC et Great Wall, la compagnie de BTP Long River Investment Chad (LRIC) ou encore celui de la téléphonie ZTE. Ce Pékinois regrette le climat frais de sa ville et se consacre avant tout à son travail. Marié en Chine, Fan vient d’avoir un bébé et confesse que son épouse et son enfant lui ­manquent, mais les grandes compagnies chinoises n’ont pas l’habitude de déplacer les familles des expatriés.

Les relations avec les Tchadiens sont souvent tendues : « Ils sont paresseux, distraits et revendicatifs », lâche Fan. Et ceux qui collaborent avec les Chinois se plaignent aussi. Jean-Marie, ancien gestionnaire sur une base vie de la CNPC dans le Sud, s’insurge contre le management à la chinoise. « Ils préfèrent rester entre eux. Dans le travail, les cadres n’hésitent pas à nous insulter et à nous menacer. Ils ont même refusé de payer les heures supplémentaires », s’insurge-t-il.

Pour Ouyang Ziqi, traducteur à la mission agricole, ces tensions peuvent s’aplanir par une meilleure communication. « Chacun doit faire un effort, nos ­cultures sont aux antipodes. Nous devons ­apprendre le français et la culture locale, mais les Tchadiens doivent aussi se montrer plus ouverts. » Un conseil que s’est appliqué ce jeune Chinois qui s’est lié d’amitié avec des Tchadiens, l’un des seuls Chinois à l’aise dans l’ambiance des maquis de N’Djamena.

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