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12 décembre 2008 5 12 /12 /décembre /2008 10:51

Chronique de Jérôme Carlos
http://chronique.blesshnet.com/index.php?blog=1&cat=17
Publié le 18 avril 2007

 

Admirable doyen Honorat Aguessy. Nous suivons avec intérêt, depuis des décennies, son non moins admirable combat en faveur du panafricanisme. Il convoque, du reste, dès lundi prochain, dans notre douce et calme cité historique de Ouidah, un panel international pour y réfléchir.

Les participants à cette belle aventure intellectuelle revisiteront, sans nul doute, le rêve d’une Afrique unie et solidaire au fil des idées de Du Bois, de Garvey ou de Nkrumah, des astres majeurs dans la galaxie du panafricanisme. Ils pourront ainsi mieux s’arc-bouter à Victor Hugo qui nous assure que « Il n’y a rien que le rêve pour créer l’avenir. L’utopie d’aujourd’hui, c’est la chair et le sang de demain. »

Le vrai problème du panafricanisme, hier comme aujourd’hui, est de savoir comment le rêve pourrait s’incarner, comment le verbe pourrait se faire chair, comment l’idée d’une chose pourrait se matérialiser en la chose. Foisonnent des exemples de peuples qui ont su se donner la main, se remembrer pour s’imposer à la fin comme des entités humaines fortes.

Comment admettre, dans ces conditions, avec tant de références historiques, que la désespérance soit africaine, que le découragement soit africain ? Oui, « Africa must unite », c’est-à-dire, l’Afrique doit s’unir, du titre d’un ouvrage célèbre de Kwame Nkrumah. Mais « Africa must unite » ne doit pas être réduit à un slogan. Il doit prendre la forme d’une invite forte à élever les consciences africaines à la hauteur de leurs responsabilités historiques, dans un monde sans frontière où l’isolement est un leurre et le repli sur soi une mort anticipée.

Cinquante ans après l’accession du Ghana de Kwame Nkrumah à la souveraineté sous le signe d’une Afrique unie, jamais l’Afrique n’a été aussi désunie, chacune des entités territoriales la composant étant en proie à une crise profonde. Le développement est vécu comme un mirage qui n’embraye sur rien et lance les hommes et les femmes dans une course éperdue vers le néant.

C’est curieux tout de même qu’un continent qui est magnifiquement doté par la nature, avec ses fleuves et ses forêts, ses bords de mer et ses montagnes, ses ressources du sol et du sous-sol, ses hommes, ses femmes et leur immense patrimoine culturel, c’est curieux qu’un tel continent n’ait rien de mieux à gérer que des conflits et des guerres.

Du nord au sud, d’est en ouest, l’Afrique se déchire et s’embrase. Ceux et celles qui sont supposés être des frères et des sœurs et promis comme tels au grand dessein panafricaniste de l’union et de la solidarité en sont encore à se regarder en chiens de faïence et à se trucider gaiement.

En Algérie, la guerre de libération a peut-être aidé à résoudre la question coloniale. Mais elle a laissé intacte la question nationale. Le Mali n’en finit plus d’intégrer ses Touareg. La Mauritanie se défait difficilement de son apartheid qui oppose arabo berbères et négro-africains. Tandis que le Sénégal que nous croyions solidement et organiquement organisé autour d’une langue et d’une religion, traîne la Casamance, depuis plus de vingt ans, comme une plaie suppurante.

Le Liberia, la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire et même la Guinée- Conakry sont tombés un à un dans la fournaise de la guerre civile. Avec des destructions sans nombre qui laisseront longtemps ces pays anémiés, exsangues. Mais nous n’avons parlé jusque là que d’Etats de l’Afrique de l’Ouest, sans exonérer pour autant d’épreuves les autres qui n’ont pas été cités.

La situation qui prévaut dans les autres parties de l’Afrique est encore plus dramatique. Avec le Soudan et ce gros abcès appelé le Darfour. Avec la Somalie qui n’en finit plus de sombrer dans l’anarchie. Avec le Tchad qui trouve dans la guerre entre clans rivaux une sorte d’oxygène vital. Avec la République démocratique du Congo, ce grand convalescent qu’on vient de retaper à coups de milliards d’euros ou de dollars sans qu’on soit pour autant encore bien fixé sur son état de santé. Avec la Centrafrique qui s’essaie à juguler une rébellion armée. Sans oublier des pays naguère en guerre comme l’Angola, ou le Congo Brazzaville. Les uns et les autres pansent des plaies anciennes sans savoir vraiment de quoi demain sera fait ou si le volcan des haines et des frustrations reprendra du service, projetant à la ronde ses laves mortifères.

Si l’Afrique, après plus de quatre décennies d’indépendance ne gère essentiellement que des conflits, il importe alors, d’interroger le panafricanisme, moins sous l’angle du
rêve que sous l’éclairage des conflits qui déchirent actuellement l’Afrique.

Les conflits qui déchirent l’Afrique nous paraissent en effet, paradoxalement le terrain où prend sens le panafricanisme en tant que champ de réflexion et de recherche, en tant que possibilité d’action et de réalisation. Les conflits deviennent ainsi des symptômes patents qui renseignent sur les raisons du blocage du rêve panafricaniste, des révélateurs intéressants pour pister les raisons de nos échecs.

Il importe moins de résoudre certains conflits, qui de par leur nature ne peuvent trouver de solution durable que d’entendre et de comprendre les enseignements profonds des conflits pour espérer nous guérir définitivement d’un certain nombre de maux récurrents. Ceux-ci semblent nous indiquer que l’Afrique a mal à son héritage colonial qu’elle a souvent trop vite assumé comme un nouvel évangile, sans la distanciation critique suffisante. Ceux-ci semblent également nous indiquer que sans la résolution préalable d’un certain nombre de contradictions structurelles le rêve d’une Afrique unie, conformément à celui des pères fondateurs du panafricanisme, risque de tourner en un rêve vain. A se laisser ainsi aller à dormir sur des contradictions qui s’aiguisent ne prédispose pas à faire des rêves d’unité.

En d’autres termes, l’Afrique ne peut aller à l’unité avec des habits d’emprunts, à fort relent d’un nationalisme destructeur qui découpe des communautés humaines vivantes et saucissonne des aires culturelles entières. Et si le mal de l’Afrique n’était rien d’autre que ses frontières absurdes ? Il faut appeler à la rescousse la recherche pour un renouvellement du panafricanisme, en passant du rêve des pères à la radiographie des maux qui minent le continent. C’est en sachant précisément où l’on a mal et de quel mal l’on souffre que l’on sait mieux s’armer pour combattre ce mal.

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