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4 juillet 2010 7 04 /07 /juillet /2010 13:47

29 juin 2010

Richard Werly

Le Temps

 

Patricelumumba-98613.jpgPatrice Lumumba fut le 1er remier ministre du Congo indépendant

(Photo : wikipedia)

 

 

Invité aux cérémonies du cinquantième anniversaire de l’indépendance, ce mardi, le souverain Albert II est confronté à Kinshasa à la part d’ombre de son frère Baudouin 1er. Les héritiers du héros de l’indépendance assassiné Patrice Lumumba réclament justice.

 

 Le ministre des Finances belge Didier Reynders craignait une polémique autour du faste de la visite royale. Après avoir, ce printemps, autorisé Albert II à se rendre à Kinshasa pour assister ces mardi et mercredi aux cérémonies du cinquantième anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo (RDC), le gouvernement avait donc prié le monarque et son épouse, la reine Paola, de limiter leur délégation.

 

 Las. C’est une autre bombe, celle de l’histoire et de ses zones d’ombre, qui a précédé l’arrivée, lundi soir, d’Albert II et de sa suite dans la capitale de l’ancien Congo belge. Une bombe du nom de Patrice Lumumba, ce premier ministre charismatique et révolutionnaire qui, lors de la proclamation de l’indépendance en 1960 et en présence du roi Baudouin 1er, avait eu « l’outrecuidance » de s’en prendre durement à la domination belge dans un discours au vitriol. Avant d’être destitué en septembre, traqué puis assassiné le 17 janvier 1961… par les sicaires katangais de l’ex-colonisateur.

 

 « Crimes de guerre »

 

 La bombe en question est une plainte, déposée, mardi 22 juin, à Bruxelles et Kinshasa par les trois fils de Patrice Lumumba, François, Guy et Roland. Elle accuse de « crimes de guerre » une dizaine de citoyens belges et exige de rouvrir ce dossier empoisonné « au nom de la lutte contre l’impunité ». Avec, en plus, un pavé dans ce marigot de l’histoire, puisqu’un échange de lettres, selon les fils de Lumumba, démontre que le très pieux – mais aussi ultra-conservateur et très fier de l’œuvre coloniale belge – Baudouin 1er aurait donné son aval à la liquidation du premier chef du gouvernement du Congo libéré. De quoi transformer la célébration de ce mardi en affaire d’Etat.

 

 Le contexte et les hommes, en outre, ont tout pour donner des cauchemars à Albert II. Invité par l’actuel président congolais Joseph Kabila, le souverain a promis de « cicatriser les plaies » dans ces terres africaines cruellement exploitées et annexées par son ancêtre Léopold II. Alors qu’à l’inverse l’ancien ministre belge des Affaires étrangères Karel De Gucht, aujourd’hui commissaire européen au Commerce, n’hésitait pas en 2007-2008 à sermonner le jeune chef d’Etat, frôlant l’insulte.

 

 Mieux : les enfants de Lumumba, en ressortant le cadavre de leur père torturé par les Katangais avant d’être tué en présence de policiers belges qui avoueront avoir dissous son cadavre dans de l’acide, réveillent la question minée des crimes « imprescriptibles » que la fameuse loi belge de « compétence universelle » se proposait de juger. « Après tout, de quel droit notre pays s’arrogerait-il le droit de juger le reste du monde tout en s’exonérant de balayer devant sa porte ? » s’exclame la journaliste du Soir Colette Braeckman.

 

 Rien ne dit, bien sûr, que la justice donnera suite à la plainte. Cela devrait se décider en octobre. Mais un rejet de celle-ci serait risqué vu que la Belgique est par ailleurs vilipendée par les partisans de l’ex-vice-président congolais Jean Pierre Bemba, arrêté à Bruxelles le 25 mai 2008 et transféré à la Cour pénale internationale de La Haye qui l’a inculpé de crimes contre l’humanité. Or Bemba reste très populaire à Kinshasa…

 

Eviter l’esclandre

Albert II, face à cela, ne pourra qu’accuser le coup et miser, pour éviter l’esclandre, sur le protocole… Et les règlements de comptes intracongolais. Au début des années 1990, l’un des fils de Patrice Lumumba, François, a tenté en vain de faire revivre un parti au nom de son père, avant de rejoindre l’opposition à Joseph Kabila et d’envisager un temps de se présenter contre lui à la présidentielle de 2006.

 

Personne, au sein du pouvoir congolais actuel, n’a donc intérêt à remettre de l’huile sur le feu. D’autant qu’avec 60% de la population âgée de moins de 20 ans, et des élites affairées à commercer avec la Chine l’exploitation de leurs ressources naturelles, le nom de Lumumba et son idéal révolutionnaire font de moins en moins recette.

 

En Belgique, en revanche, beaucoup aimeraient bien voir s’ouvrir, cinquante ans après, les sordides placards de la décolonisation. Un historien flamand, Ludo De Witte, qualifie ainsi la mort de Lumumba de « péché originel du roi Baudouin enfermé toute sa vie dans un pacte du silence avec les complices du crime ».

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