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7 février 2010 7 07 /02 /février /2010 00:00

7 février 2010
Juliette Abandokwe


Je lisais une correspondance sur internet, dont l’auteur ne voyait pas la nécessité d’investiguer la mort de Charles Massi, vu qu’"un rebelle est un ennemi de l’Etat et de la nation centrafricaine". Je me suis dit que c'était une belle simplification, et un sacré culot, je dirais même plus, une tentative de falsification de l’Histoire. Une clarification du vocabulaire est vraiment nécessaire d'abord, sinon, le néophyte ne comprendrait même pas pourquoi tous ces centrafricains demandent une enquête sur la mort de Charles Massi en détention, un simple rebelle qui ne fait qu'ennuyer le pouvoir!

Pour ce faire, il donc utile d'abord de se demander ce qu'est 
un rebelle centrafricain... 

Le mot "rebelle" est tout d'abord le terme utilisé pour qualifier quelqu'un qui n'est pas d'accord avec le pouvoir central, et qui se rebelle donc. Evidemment ça ne va pas arranger ce pouvoir central et sa clique, donc il va pourchasser le-dit rebelle. 

La question suivante est de savoir ce qu'on entend par "nation centrafricaine". Est-ce le-dit pouvoir central, dont le chef est arrivé au pouvoir par les armes en tant que rebelle? Donc le fait d'avoir réussi son coup d'état, il n'est plus un rebelle accessoirement. Il est maintenant devenu "président". Belle métamorphose à vrai dire. Car on l'a compris, le rebelle est en réalité un fauteur de trouble, qu'il faut éliminer à tout prix. Pourquoi? mais parce que justement, par un tour de polichinelle, il peut se retrouver président du jour au lendemain.

La "nation centrafricaine" peut aussi vouloir dire "la société civile centrafricaine". 

Quand on a un président qui s'impose par la force, on peut bien s'imaginer que le peuple ne le suivra pas forcément. Quand il s'agit en plus d'un général qui ne connait que le langage de la violence et du pillage systématisé, on peut d'autant plus s'imaginer que la société civile ne voudra pas vraiment de lui comme chef d'état. Donc pour rester chef, il doit frauder les élections. Obligé !

De fil en aiguille on peut donc se demander ce que signifie être ennemi de l'Etat ou ami de l'Etat. 

De toute évidence, l’état-nation du président d’aujourd’hui n'est pas l’état-nation des centrafricains. Il y a  même incompatibilité évidente. Le siège présidentiel et le butin de guerre d’un côté, et le peuple de l’autre. Comme tout président est sensé gouverner le pays pour le bien du peuple, et non pour le bien de sa poche, il devient évident que ce président - ancien rebelle n'est pas vraiment l'ami de son peuple. S'il n'est pas ami de son peuple, au vu des exactions économiques faramineuses envers le peuple centrafricain, on pourrait même oser dire qu'il est l'ennemi du peuple… Peu le disent tout fort, les autres craignent la bastonnade nationale qu’il risquent de recevoir s’ils s’expriment… La vie est déjà un tel combat quotidien pour la société centrafricaine, alors inutile d’en rajouter ! Avec une espérance de vie à la naissance de 37 ans, on s’imagine un peu l’âpreté du combat…

On pourrait même s’imaginer que l’ennemi du pouvoir – le rebelle - pense plus au bien-être du peuple centrafricain que le pouvoir. Le facteur « intérêt » est évidemment une possibilité non négligeable, mais on ne peut pas généraliser sans preuves.

Et ne dit-on pas que l’ennemi de mon ennemi est mon ami ?

Charles Massi n’est certainement pas l’ennemi du peuple juste parce que le régime le considère comme un trouble-fête. Il faudrait d’ailleurs demander au peuple ce qu’il en pense avant d’avancer des arguments simplistes. Une enquête sur sa disparition, demandée d’ailleurs globalement par la classe politique opposante au pouvoir (ennemie de l’Etat également ?), et certainement par beaucoup de centrafricains qui n’ont pas forcément le pouvoir de s’exprimer de façon à être entendu, servirait surtout à confirmer la gouvernance assassine du pouvoir. Car Massi n’était pas n’importe quel rebelle : comme par hasard, le président ne le portait pas dans son cœur, déjà avant qu’il ne devienne véritablement rebelle. En confirmant l’implication du pouvoir dans sa mort, nous aurions affaire plus précisément à un règlement de compte. 

En Afrique centrale en général, les opposants aux régimes brutaux et définitivement anti-patriotiques que nous connaissons aujourd’hui, sont souvent à 10 000 lieues d’être des ennemis du peuple. Des ennemis de la clique au pouvoir oui, mais pas de la société civile dont ils sont d’ailleurs généralement issus. 

Certes il y a les opportunistes opposants, et c’est une race qu’on commence à bien identifier. Ce ne sont pas des opposants au vrai sens du terme et leur pseudo-opposition n’est que très ponctuelle. Je les appellerais plutôt « les frustrés de la mangeoire…. ». Mais c’est un autre débat. Je parle de ceux – minoritaire à vrai dire - qui cherchent véritablement à marquer de leur empreinte le développement socio-économique et le destin de leur pays.

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