1er janvier 2012
Louis Marie Kakdeu
Message de Paul Biya à la Nation le 31 décembre 2011
Lorsqu’un Chef d’Etat s’adresse à la Nation à cette occasion, on s’attend à ce qu’il fasse le bilan de l’année écoulée en tirant les perspectives sur la nouvelle année à venir. On s’attend à ce qu’il parle de ce qu’il a fait et de ce qu’il fera. Paradoxalement, le président Biya vient de s’adresser à la Nation comme s’il venait de prendre le pouvoir au Cameroun. Le seul bilan de l’année 2011 évoqué est son élection à la tête de l’Etat. Il parle des élections dont les « dysfonctionnements seront corrigés » et de sa campagne électorale qui a proposé la « nouvelle dynamique » aux Camerounais.
Pour le reste, c’est du « y en a marre ». Car, cela fait 30 ans qu’il parle de la relance économique et de la lutte contre la corruption. Une telle banalité rabâchée de la même manière chaque année et sans un peu d’égard à l’endroit du peuple affamé qui écoute, ne peut pas permettre de sceller le pacte de confiance que le Président réclame à travers son élection sans félicitations le 09 octobre dernier.
Pire encore, il dit que nous sommes « au seuil de la première étape de notre ‘longue marche’ vers l’émergence ». Dans l’environnement cognitif camerounais, à quelle réalité fait-il référence ? Biya considère-t-il qu’en 30 ans de règne, on n’est qu’à la « première étape » ? On a plutôt l’impression que Biya a volé cette phrase à un Président comme Lula qui a résolument engagé le Brésil sur le chemin de l’émergence.
En 2006, on pouvait se féliciter que Biya reconnaisse ses manquements pour la première fois à travers son discours au troisième congrès extraordinaire du RPDC. Mais, depuis lors, il ne fait que cela. En formulant son vœu de République exemplaire, on se demande s’il prend en compte l’exigence de la démission des responsables en cas d’échec. Biya ne doit pas se contenter aujourd’hui de dire qu’il a échoué. Il doit démissionner afin que s’accomplisse les vœux « d’Etat juste » et de « Nation respectée à l’extérieur » où l’on travaille pour « améliorer les conditions de vie de notre population qui ne sont pas toujours dignes d’un pays comme le nôtre ». Il ne doit plus se contenter de faire son mea culpa : « Je pense que, dans le passé, l’action gouvernementale a souffert d’un déficit d’esprit d’entreprise et que l’administration a péché par immobilisme. Nous devons venir à bout de cette inertie qui nous a fait tant de mal. » Il doit montrer un comportement « exemplaire ». Dans l’imaginaire populaire des Camerounais, il en ressort qu’ils veulent que « l’exemple vienne d’en haut ».
Le profil de Biya vieux de 30 ans « d’immobilisme » n’est plus propice pour tenir des discours nationalistes de développement. Un nouveau leader dynamique ferait foule à sa place avec une déclaration comme la suivante : « je crois que nous devrions faire de la relance une véritable cause nationale. (…) faire décoller le Cameroun, comme l’ont fait il y a une trentaine d’années les nouveaux ‘dragons’ asiatiques. Ce ‘patriotisme’ économique pourrait rassembler toutes les forces vives du pays. »
Biya n’est plus un modèle de patriotisme car, la majorité des Camerounais ayant choisi de s’abstenir de voter bien sûr, pensent que pour le bien du pays, il ne devait plus se présenter aux dernières présidentielles. Il fait donc partie, aux yeux de la masse, de ceux qu’il critique à savoir : ceux qui ne recherchent dans un élan de « népotisme » que leur « profit personnel au détriment de l’intérêt général, lequel devrait pourtant être la règle d’or du service public ». De nos jours, Biya n’est pertinent que pour ses « créatures » au moment où lui-même affirme qu’il est temps pour toute la population (« vous ») de « recueillir les fruits des sacrifices » consentis.
Au moment où l’on achève la lecture du discours de Biya, on ne sait pas ce qu’il fera en 2012 sinon la « relance de la croissance », un concept en vogue que prononcent tous les chefs d’Etat dans l’actualité. Sauf que ce concept doit s’accompagner d’un programme d’action harmonieux. Bien sceptique, on est quand même en droit de se demande si un jour, sous Biya, il y avait déjà eu croissance économique au Cameroun pour qu’il soit en droit de parler de « relance » de nos jours. Pour l’opinion camerounaise, le régime de Biya n’a été marqué que de « crises » au point où il est obligé de se dédouaner pour en parler : « Il n’est pas question ici de chercher des excuses pour nos performances insuffisantes mais simplement de rappeler les faits ».
Au demeurant, on comprend que le Cameroun des « grandes réalisations » se conjugue encore au conditionnel (« Si, comme je le pense, nous réussissons à relancer vigoureusement notre activité économique, la situation de l’emploi devrait sensiblement se détendre »). Chaque Camerounais devra encore se résoudre de sa battre par lui-même comme on le fait jusqu’à présent. D’ailleurs, Biya le dit : « Il en ressort que nous devrons de plus en plus compter sur nos propres efforts, nous inspirer de l’expérience des pays émergents ». En un mot : « Retroussez les manches », il l’avait déjà dit !