Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

 

 

Rechercher

16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 05:03

14 mai 2011

Les Chroniques de Luc Torreele


Note de Juliette: La France ne serait-elle pas en train d'utiliser le clan Ben Ali-Trabelsi comme couverture pour masquer ceux qu'elle ne poursuit pas? Se venge-t-elle sur ceux qui n'ont pas réussi à respecter le pacte de pion...? 


Les uns ont réussi à prendre la fuite. Les autres ont été arrêtés et incarcérés. Certains ont été assignés à résidence. Le point sur l’enquête visant les membres des familles Ben Ali et Trabelsi, et leurs principaux affidés.

 

Depuis la chute et la fuite de Zine el-­Abidine Ben Ali, le sort réservé aux membres de son clan et de celui de son épouse, Leïla Trabelsi, intéresse tout particulièrement les Tunisiens, qui, méfiants et sourcilleux, veulent absolument savoir ce qu’ils sont devenus.

 

Les deux clans comptent pas moins de 142 membres, y compris par filiation et par alliance. En tête des prédateurs figurent les frères et sœurs de Zine et de Leïla, une dizaine chacun, et leurs enfants. La Banque centrale (BCT) a ainsi recensé cent ­quatre-vingts entreprises appartenant aux deux clans. Celles-ci ont bénéficié de 2,5 milliards de dinars (1,3 milliard d’euros) de crédits bancaires, la plupart du temps sans garanties, soit 5 % des financements du secteur. Au cours des derniers mois, quatre grands projets ont mobilisé plus de la moitié de ces crédits : Carthage Cement, propriété de Belhassen Trabelsi  ; une sucrerie lancée par le même Belhassen Trabelsi ; l’acquisition par Sakhr el-Materi de 20 % de l’opérateur mobile Tunisiana ; le financement des 51 % de participations du couple Cyrine Ben Ali et Marouane Mabrouk dans le capital de l’opérateur Orange Tunisie, lancé en partenariat avec France Télécom.

 

Le grand déballage n’en est cependant qu’à ses débuts, les familles gravitant autour de Ben Ali ayant acquis des positions dominantes dans tous les secteurs de l’économie : concessions automobiles, télécommunications, banque et assurance, transport aérien, immobilier, médias, grande distribution, agriculture et agroalimentaire. Sur les 3 300 dossiers reçus à ce jour par la Commission d’investigation sur les faits de corruption et de malversations, présidée par Abdelfattah Amor, une centaine seulement ont été examinés. Mais déjà, Amor est catégorique : les familles entourant Ben Ali « avaient tous les droits : autorisations indues, crédits sans garanties, marchés publics, terres domaniales… […] Le mode de gouvernement n’était ni présidentiel ni présidentialiste, mais bel et bien totalitaire ». Aux yeux de Ben Ali, il y avait d’un côté « ses » familles, de l’autre les Tunisiens. Rien qu’à l’étranger, sans parler de Dubaï, où ils avaient l’habitude de placer leur argent, les avoirs du clan Ben Ali jusque-là identifiés sont estimés à 80 millions de francs suisses (62 millions d’euros) à Genève, et entre 10 et 20 millions de dollars canadiens (7,4 et 14,8 millions d’euros) au Canada. Mais quid de leurs détenteurs ? Lesquels d’entre eux ont réussi à s’enfuir pour échapper aux poursuites ? Lesquels ont été arrêtés et sous quels chefs d’inculpation ? Qui est en résidence surveillée ? Qui n’a pas été inquiété ?

 

En fuite

Outre Zine el-Abidine Ben Ali (74 ans) et son épouse Leïla Trabelsi (53 ans), qui ont profité de la voie de sortie que leur a offerte l’armée le 14 janvier, deux barons du clan se trouvent aujourd’hui à l’étranger :Belhassen Trabelsi, le très influent frère de Leïla, et Sakhr el-Materi, gendre de l’ex-président. Le premier, surnommé « le parrain », a pu, quelques heures avant la fuite de Ben Ali, embarquer in extremis avec son épouse, Zohra Djilani, et leurs quatre enfants, ainsi que leur nounou asiatique, à bord de son yacht, leSophie, amarré dans le port de plaisance de Sidi Bou Saïd, à quelques minutes du domicile familial. La veille, il avait chargé le commandant du yacht, Ilyes Ben Rebeh, de faire le plein de carburant.

 

Le matin du 14 janvier, après les formalités d’usage, le Sophie quitte le port. À peine sorti du golfe de Tunis, ­Belhassen ordonne au ­commandant de couper la radio et de ne pas répondre aux appels sur son téléphone portable, avant de lui enjoindre de mettre le cap sur le port de Trapani, en Sicile. Une fois arrivé à destination, il renverra le yacht et Ben Rebeh en Tunisie. On ne retrouvera la trace des fuyards que le 21 janvier, à l’aéroport de Montréal, au Canada, où ils atterrissent à bord d’un jet privé. Belhassen et les siens s’installent au Château Vaudreuil Suites Hôtel, dans les environs de la métropole québécoise. Mais à la suite de manifestations hostiles d’étudiants tunisiens dans la ville, ils sont obligés de quitter les lieux et résident depuis dans un lieu resté secret dans la région de Montréal. La Tunisie a demandé le gel des avoirs de Belhassen au Canada, ce qui a été fait, mais aussi son extradition, ce qui est plus long à obtenir, l’intéressé étant titulaire d’un permis de séjour permanent. Hamadi Touil, son bras droit et prête-nom dans les affaires, a quitté Tunis le 15 janvier muni d’un passeport diplomatique pour se rendre également – via Paris – à Montréal, où il est arrivé le 17 janvier.

 

Mohamed Sakhr el-Materi, 29 ans, était au Canada le 11 janvier pour une échographie de sa femme, Nesrine, enceinte. Après avoir déposé en route son épouse et leur fille dans un hôtel proche de Disneyland, dans la région parisienne, il est retourné à Tunis le 13 janvier pour assister à la session plénière de la Chambre des députés convoquée pour apporter son soutien à Ben Ali face à la révolte populaire. Ce jour-là, Sakhr jure qu’il est prêt à rendre des comptes devant la justice à propos de son enrichissement, jugé indécent, depuis son mariage avec la fille de Ben Ali. Mais dans la matinée du 14 janvier, il quitte le pays pour Dubaï à bord du jet privé d’Aziz Miled. Après la fuite de Ben Ali en fin de journée, Materi rejoint son épouse et sa fille à Paris pour les emmener vers une destination inconnue. Ils se trouveraient aujourd’hui à Dubaï, le séjour au Canada, où ils possèdent une propriété, se révélant hasardeux.

 

Arrêtés et/ou poursuivis

La plus grosse prise est l’arrestation, le 14 janvier au soir, juste après la fuite de Ben Ali, du général Ali Seriati, patron de la garde présidentielle, et de quatre de ses comparses. Seriati est aujourd’hui détenu dans une cellule individuelle à la base aérienne d’El-Aouina, mitoyenne de l’aéroport de Tunis-Carthage. Il est accusé de « complot contre la sûreté nationale, agressions préméditées, incitation à la violence et utilisation d’armes, meurtres et pillages sur l’ensemble du territoire ». Il était notamment le chef des snipers de triste mémoire qui ont abattu de sang-froid des manifestants désarmés à Sidi Bouzid, Kasserine et Thala, au plus fort de la révolte populaire. Il est par ailleurs soupçonné d’être le planificateur d’une série d’attaques destinées à semer le chaos dans le pays, notamment contre des édifices publics et des propriétés privées.

 

Deux semaines plus tard, c’était au tour de Rafik Belhaj Kacem d’être interpellé à son domicile, où il était en résidence surveillée. L’ancien ministre de l’Intérieur, qui avait conduit la répression sanglante de la contestation, est réputé proche de Seriati, Leïla, Abdelwahab Abdallah et Abdallah Kallel, un clan dans le clan dont on devrait reparler.

 

D’autres arrestations ont été opérées. Le jour même de la fuite de Ben Ali, une trentaine de membres du clan, alertés par Leïla, ont tenté de prendre le premier vol pour l’étranger, mais n’ont pu embarquer faute de place. Ils ont été « cueillis » dans le salon VIP de l’aéroport de Tunis-Carthage, où l’armée les avait opportunément regroupés. Vingt-cinq d’entre eux ont été maintenus en détention à la caserne d’El-Aouina pour tentative d’exportation illicite de devises. Parmi eux figurent le neveu terrible de Leïla, Imed, l’un de ses frères, Mourad Trabelsi, ainsi que deux de ses sœurs, Samira épouse Meherzi et Jalila épouse Mahjoub. Ont également été arrêtés Kaïs et Sofiène Ben Ali, fils de feu Moncef Ben Ali, le frère de l’ex-président, condamné en France pour trafic de drogue (dans l’affaire de la « couscous connection »).

 

Neuf membres du clan sont poursuivis pour « trafic, possession et commerce d’armes », dont Belhassen Trabelsi, Sakhr el-Materi (tous deux en fuite), Mourad Trabelsi et Hayet Ben Ali, la sœur du président déchu, qui réside en Allemagne. Enfin, douze autres sont accusés d’« acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers en Tunisie et à l’étranger » : Ben Ali, son épouse Leïla et des frères, sœurs et neveux de celle-ci – Belhassen, Moncef, Imed, Naceur, Adel, Moez, Jalila, Houssem et Samira. Sakhr el-Materi est également cité.

 

En résidence surveillée

Les trois principaux collaborateurs politiques de Ben Ali ont été assignés à résidence, et le bureau politique de l’ex-parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), dont ils étaient membres, a été dissous. Abdelwahab Abdallah, le « ministre de la propagande », n’était déjà plus à son bureau le jour de la fuite de Ben Ali. Il s’est caché plusieurs jours chez l’un ou l’autre de ses proches et a même fait courir le bruit qu’il avait pu fuir en France et se trouvait chez l’un de ses amis parisiens. Il sera finalement localisé dans la banlieue de Tunis une semaine plus tard et placé en résidence surveillée, mais il demeure injoignable à son numéro habituel de téléphone portable. Son épouse, Alya, a été littéralement chassée de la présidence de la Banque de Tunisie, à la tête de laquelle son mari l’avait propulsée avant qu’elle n’introduise d’autorité Belhassen Trabelsi dans le capital de la banque afin de lui permettre d’en prendre le contrôle.

 

Abdallah Kallel, autre faucon du régime de Ben Ali, a été « démissionné » de la présidence de la Chambre des conseillers (Sénat) pour être assigné à résidence. Maître de la « cuisine politique », Abdelaziz Ben Dhia, qui se trouvait au palais de Carthage le 14 janvier, a appris la fuite de Ben Ali devant son écran de télévision. Depuis, il est chez lui sous étroite surveillance.

 

En liberté

D’autres personnalités proches de Ben Ali ont été simplement relevées de leurs fonctions, à l’instar des membres du cabinet présidentiel, dont notamment Iyadh Ouederni, ministre-­directeur du cabinet présidentiel, qui était aussi au service de Leïla. Les trois filles de Ben Ali nées de son premier mariage avec Naïma, fille d’un ex-général, ainsi que leurs maris, n’ont pas été inquiétées : Dorsaf épouse de Slim Chiboub, Ghazoua épouse de Slim Zarrouk et Cyrine épouse (en état de séparation depuis un an) deMarouane Mabrouk. Néanmoins, Slim Chiboub, qui se trouvait en Libye au moment de la fuite de Ben Ali, n’est toujours pas rentré au pays.

 

Si les principaux barons du clan et leurs proches affidés sont bien connus, les personnes qui se sont enrichies à la faveur de leurs liens avec les Ben Ali et les Trabelsi, ou qui ont été leurs complices actifs au sein des institutions, de l’administration, des banques et de l’appareil d’État le sont moins ou pas du tout. Il appartiendra à la justice de déterminer la responsabilité des uns et des autres. C’est pourquoi Mohamed Ghannouchi, Premier ministre du gouvernement provisoire, a rappelé que, conformément aux règles du droit et au principe de la séparation des pouvoirs, les autorités ne pouvaient pas livrer des noms en pâture sans décision judiciaire. Du coup, nombreux sont les Tunisiens qui, gagnés par la suspicion, se demandent si ceux qui ont failli à leur mission ou profité de leur position auront à s’expliquer un jour devant la justice pour que le « système Ben Ali » ne puisse plus renaître de ses cendres, pas même sous une forme déguisée. 


La justice française saisit les comptes bancaires de membres du clan Ben Ali


L’enquête préliminaire que mène la justice française pour détournements de fonds et blanchiment visant des proches de Zine el-Abidine Ben Ali, l’a conduite à saisir plusieurs millions d’euros sur leurs comptes en banque.

 

Douze millions d’euros. Répartis sur douze comptes, appartenant à quatre membres du cercle rapproché de l’ancien président tunisien. La justice française a saisi ces sommes dans le cadre d’une enquête ouverte en janvier dernier après que les organisations Transparence International (TI) France, Sherpa et la Commission arabe des droits humains ont déposé une plainte pour corruption, détournements de fonds et blanchiment.

 

La justice avait déjà, le 1er février, saisi un avion appartenant à la famille Ben Ali dans le cadre de cette enquête qui cherche à recenser et immobiliser les biens détenus en France par le clan.

 

Cette saisie (sur les comptes bancaires, NDLR) « est une étape, mais c'est une goutte d'eau dans l'océan des détournements », a réagi Me William Bourdon, avocat des plaignants et président de Sherpa.

 

Une Bentley, deux Mercedes, une Porsche

« On est sur les montants modestes. On ne voit que la partie émergée de l'iceberg car qu'en est-il des avoirs immobiliers qui constituent l'essentiel ? », a estimé de son côté le président de TI France, Daniel Lebègue. Il évoque à titre d'exemple un « grand appartement » à proximité de l'avenue Montaigne à Paris « avec un garage où se trouvent une Bentley, deux Mercedes, une Porsche ».

 

Car pour les associations, la fortune des Ben Ali repose sur autre chose que sur les « seuls salaires et émoluments » du président chassé du pouvoir par le peuple le 14 janvier dernier. Ils réclament donc le recensement de ces richesses et leur restitution au peuple tunisien. Selon une source proche du dossier, une trentaine de biens, immobiliers ou non, auraient été identifiés en France comme susceptibles d'appartenir au clan des Ben Ali, dont une dizaine en banlieue parisienne.

 

TI France et Sherpa réclament donc la désignation d'un juge d'instruction qui dispose de prérogatives plus larges que le parquet, afin de pouvoir prendre en charge la restitution des biens à la Tunisie.

 

« La désignation d'un juge d'instruction s'impose pour enquêter dans ce dossier, comme c'est déjà le cas pour l'instruction sur les biens mal acquis », a estimé Me Bourdon, en référence à une enquête sur les biens détenus en France par les proches de trois autres chefs* d'État africains.

 

* Les présidents du Gabon, de la Guinée équatoriale et du Congo-Brazzaville : Bongo, Obiang et Sassou

Partager cet article
Repost0

commentaires

Textes De Juliette