Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

 

 

Rechercher

1 février 2010 1 01 /02 /février /2010 23:40

1er février 2010
Jean-François Channon
Le Messager


Les premiers signes forts de la lutte contre l’atteinte à la fortune publique ont été enregistrés en 1999 : l’interpellation, l’incarcération et la condamnation de Mounchipou Seidou et la plupart de ses collaborateurs de l’époque (20 ans de prison pour la plupart). On pensait alors que désormais, les ministres et autres gestionnaires de la fortune publique, allaient avoir quelques retenues et même des frayeurs avant de toucher à l’argent public. Que nenni ! Depuis lors, les détournements se sont tout simplement amplifiés. Au point où, de nos jours, le Cameroun est, selon plusieurs études des spécialistes, l’argent public échoue chaque année à un pourcentage élevé, dans les poches des ministres et autres gestionnaires des crédits. L’explication à ce fait se trouverait selon divers constats, dans les méthodes adoptés dans la gestion des fonds publics au Cameroun.

Du temps du feu président Ahmadou Ahidjo, il était pratiquement impossible, en tout cas bien difficile, pour un ministre de la République de détourner ou de mettre la main sur l’argent qui appartient à l’Etat. En tout cas, il fallait faire preuve d’une habilité et d’un courage à la limite de la témérité pour arriver à une telle fin. Dès son arrivée au pouvoir, le président Paul Biya adopte dans un premier temps le même système fait de rigueur dans la gestion de la fortune publique dans les départements ministériels et les autres administrations publiques et parapubliques. Mais depuis plus d’une décennie, sous le prétexte légitime ( ?) des effets déclarés pervers de la crise économique, des mesures dites de « facilitations d’accès aux espèces », pour les gestionnaires publics, principalement les membres du gouvernement, ont été adoptées. C’est par exemple ainsi que la loi interdit aux ministères d’ouvrir des comptes bancaires. La transaction étant assimilée à un détournement de fonds publics, donc un crime.

On gère les espèces

Dans le fond, la mesure (elle date de l’époque de l’ex ministre d’Etat de l’Economie et des finances, Edouard Akame Mfoumou) visait à éviter entre autres, que l’argent public, une fois logé dans une banque commerciale ne produise des intérêts multiformes difficiles à contrôler, et qui profiterai inéluctablement à des particuliers, dont les principaux gestionnaires desdits comptes qui s’enrichiraient ainsi sur le dos de l’Etat. C’est ainsi que tous les départements ministériels au Cameroun reçoivent l’argent mis à leurs dispositions dans le cadre du budget annuel de l’Etat à travers le Trésor public. C’est-à-dire que les ministres gèrent en fait les espèces qu’ils retirent du Trésor public. Seulement dans la forme actuelle, la mesure amène les ministres, seuls ordonnateurs, à manipuler au quotidien des espèces sonnantes et trébuchantes. On se rend compte que c’est seul le ministre qui ordonne, en « parfaite » collaboration avec le ministre en charge des Finances, le déblocage par le trésor public des sommes d’argent placées dans les différentes lignes du budget de son département ministériel. Il s’agit là d’une véritable manne pour certains dans le contexte camerounais. L’argent ainsi débloqué, et qui s’élève parfois à des centaines de millions Fcfa que l’on transporte très souvent dans des « sacs mbandjock », est placé dans les coffres souvent localisés pour la plupart du temps dans les cabinets ministériels et les bureaux des directeurs en charge des affaires financières. Le ministre peut ainsi en assurer la gestion et en disposer comme il veut et l’entend.

Un ancien ministre que Le Messager a approché explique : « Vous savez que les ministres jouent aux élites et défenseurs du régime dans leurs régions d’origines. Ils ont ainsi besoin d’argent supplémentaires pour les campagnes électorales du RDPC et autres déploiements sur le terrain. Ils prennent cet argent inévitablement dans les caisses de l’Etat qui sont dans leurs bureaux. Il est difficile de penser et de croire qu’un directeur des affaires financières d’un ministère au Cameroun, en l’état actuel des choses, pourrait dire non à un ministre qui lui demande de lui donner de l’argent qu’il garde dans le coffre fort de son bureau, et dont il sait que le ministre est le seul ordonnateur. Quel que soit le motif. Il peut ainsi en prendre autant qu’il veut, pour des motifs qu’il n’est pas tenu d’expliquer à son directeur en charge des affaires financières. Jusqu’à ce qu’au bout de l’exercice, il se rende compte qu’il a utilisé près d’un milliard ou alors la moitié, sans qu’il puisse apporter des justifications fondées. A ce moment, il somme le directeur des affaires financières de « collaborer « , en faisant fabriquer des justificatifs susceptibles de convaincre les contrôleurs d’Etat à leur arrivée. Et puis, il faut le savoir, très souvent, et cela arrive régulièrement, les contrôleurs se laissent souvent corrompre. En tout cas, la solution à ce problème, c’est de revenir à un placement de l’argent public des ministères dans les banques. Avec notamment un système de contrôle qui permet de laisser à chaque fois une traçabilité de la gestion de l’argent public. »

Au final, le système semble donc à la fois complètement pourri et « mis à disposition » pour les détournements. En ce sens que les ministres qui ont à leur portée de l’argent en espèces, peuvent l’utiliser comme ils l’entendent. Et la tentation humaine normale à la confusion est donc logiquement forte.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Textes De Juliette