Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

 

 

Rechercher

16 avril 2009 4 16 /04 /avril /2009 10:20

15 avril 2009
Jean-Jacques Dikongue
Camerounlink 


La Somalie serait, est lit-on un peu partout dans la presse hexagonale et occidentale, un vaste théâtre spécialisé dans une industrie d’un autre genre, qui est entrain de prendre de l’ampleur et dont le centre névralgique serait Puntland : la piraterie.

On a eu droit à l’époque aux ‘tirailleurs sénégalais’ malgré l’héroïsme et la bravoure de leurs actes ; aujourd’hui nous avons les ‘pirates somaliens’. Générique moins glorieux cependant. Mais que valent l’héroïsme et la bravoure au regard du massacre de Thiaroye et du sort de ces africains dont les enfants ou petits enfants sont aujourd’hui objets de traitements encore plus humiliants.

Comme à l’accoutumée, les débats sur les conséquences donc sur les intérêts des puissants prennent le pas sur les causes, c’est-à-dire les raisons des faibles. C’est à croire que jamais la raison du faible ne trouvera grâce aux yeux de la Justice. On procède par la généralisation pour mieux travestir la réalité mieux, camoufler partie de la vérité. Ainsi on peut amplifier les faits pour justifier une répression ou alors nier pour ne pas dire dissimuler la réalité. Car une question et une seule nous interpelle dans cette mue opérée par les somaliens. Comment peut-on passer de la pêche avec des outils rudimentaires, archaïques pour des professionnels de la flibusterie avec une organisation que l’on nous vend comme très structurée et bien armée ? Parlons-nous des somaliens vraiment ? Ou-doit-on lire derrière cette amplification qui, sans nier les actes de piraterie, nous rappelle somme toute l’opération de communication qui a précédée l’invasion et la destruction de l’Irak. A qui pourrait profiter cette industrie du crime au final ?

Il est évident que lorsque l’autoroute maritime de plus de 30 % du commerce mondial est ainsi exposée à des actes de barbarie, de terrorisme pour verser dans le vocabulaire usité, ceci pose un réel problème. Loin du famélique squelettique et mourant somalien qui a rendu ‘célèbre’ un politicien/médecin, spécialisé dans le port de sac de riz sur les plages, l’image du somalien ne semble plus associée à la famine, mais plutôt au banditisme de grande envergure parce que menaçant les intérêts des groupes pétroliers et s’en prenant malheureusement aux civils aussi.

Qu’est-ce qui peut donc faire basculer une population de pêcheurs à abandonner une activité dont elle était si fière de pratiquer pour une autre dont les risques sont hautement dangereux pour elle, posions-nous comme question.

Dans son édition du 27 novembre 2008, l’hebdomadaire allemand « Die Zeit », titrait son article de la façon suivante « Qui sont les vrais pirates ? »*. La première phrase de l’article commençait par : « Des décennies durant, Européens et Asiatiques pillent les eaux somaliennes. Appauvris, les pêcheurs basculent et deviennent des flibustiers, plongeant le monde dans la frayeur. »*. Nous livrant au moins une partie de la réponse à la mue opérée par les somaliens.

Sans poser de regard moral, ou nulle autre considération autre que la seule compréhension du phénomène, on peut aisément saisir le sens et la raison de la conversion du somalien dont il est question ici. Elle n’est pas un changement d’humeur soudain de quelques illuminés, pour qui, prendre en otage d’autres personnes serait une lubie, mais une question de survie. Ce n’est donc que le résultat, la conséquence d’une privation, d’une confiscation qui dure depuis des dizaines d’années. Et c’est pour défendre sa pitance, que le somalien s’est donc converti en ‘pirate’. Nous sommes donc loin de quelques clichés que l’on pourrait lire ci et là.

Ailleurs, l’acte des somaliens, toute proportion gardée, aurait été compris comme un droit à se défendre, à défendre ses intérêts, en lui trouvant un nom plus confortable et potable de légitimité.

D’ailleurs ceux qui aujourd’hui s’insurgent ne sont-ils pas entrain de le faire parce que leurs intérêts sont menacés ? Mais pour le somalien, comme bien d’autres pays, cette légitimité disparaît au grand dam de Sugule Ali (présenté comme chef des pirates) qui, dans une interview accordée au New York Time explique : « Nous sommes les gardes côte. (…) Nous ne sommes pas des pirates. Nous protégeons nos eaux. Les pirates sont ceux qui pêchent de manière illégale dans nos eaux et y déversent leurs déchets ». Mais que vaut la parole, la pertinence du propos, les explications d’un rebelle, d’un pirate, d’un terroriste face au discours ‘officiel’ de la communauté internationale ? Il semble que le même phénomène de raréfaction du poisson par intensification de la pêche industrielle dont sont incapables les sénégalais est ressenti par le pêcheur de ce pays, obligé de remonter très loin dans ses eaux pour y trouver ‘récolte’ à cause de l’industrialisation de la pêche et du dépôt des déchets par les mêmes que les somaliens fustigent.

Aux moralistes à géométrie variable, qui seraient tentés à coup sûr de nous reprocher cette économie de la morale dans les actes des ‘pirates somaliens’ ; qu’ils souffrent de connaître l’arbitraire et la parcimonie de leur analyse, face à la question de l’esclavage par exemple, ou il est constamment dit aux africains : « Mais les Arabes aussi vous ont mis en esclavage, d’ailleurs vous le pratiquiez également non ? ». Les tenants de la thèse de la comparaison (les destructeurs des faits) ceux qui, à la moindre critique de leurs exactions, les justifient par une autre commise par d’autres. Ceux pour qui exaction rime avec « droit et légitimité » dès qu’il s’agit de leurs intérêts ne peuvent donc pas nous faire ce procès s’ils étaient un tantinet logiques. Nous ajouterons donc que comprendre n’est pas justifier pour se démarquer du caractère obtus de leur analyse.

Mais croire que la langouste somalienne est le seul motif qui plongent les ‘étrangers’ dans la frayeur serait léger et insuffisant pour justifier la panique qui touche aujourd’hui la communauté internationale (entendez Union Européenne et Etats-Unis), qui avaient lancé l’opération navale ‘Atalante’ (force multinationale anti piraterie) pour essayer de contenir cette piraterie somalienne.

Par expérience l’agacement occidental en Afrique rime généralement avec pétrole ou autres richesses que l’on convoite. Le Soudan est encore là pour nous le rappeler. Agacement que devrait interpréter l’africain par un abandon de souveraineté, de contrôle sur ses richesses car destinée à l’Europe comme nous le rappelait Victor Hugo. Agacement que l’on renforce par l’argument humanitaire. Les pirates privent les somaliens de l’aide humanitaire. Tout comme Saddam Hussein privait sa population du bien-être et on connaît les conséquences. Le misérabilisme au secours de la prédation. Mais la philanthropie envers les somaliens ne pèsent rien face aux intérêts des puissances étrangères pour lesquelles, la zone de piraterie est l’autoroute par excellence du pétrole vers l’Europe et ailleurs. L’activité pirate des somaliens met en évidence le balai des gros cargos chargés de pétrole africain vers ailleurs. Pas seulement.

Nous le disions, lorsqu’il y agacement occidental quelque part, il faut y forer il y’a surement du pétrole à prendre. La Somalie a un sous-sol riche en pétrole et autres richesses minières et peut-être le moment est-il venu de l’exploiter. Une surenchère de la piraterie pourrait peut-être accélérer l’invasion et doter ce pays d’un état dont on dit inexistant ?

La partie somalienne qui est aujourd’hui le théâtre des prises d’otages, n’est-elle pas une zone stratégique dans le sens géopoliticien de la chose et par conséquent convoitée par telle ou telle puissance pour mieux la contrôler ? On sait par exemple que Djibouti est la base militaire française par excellence. Pourquoi la somalie ne servirait-elle pas aussi de zone stratégique pour les uns et les autres ?

Lorsqu’on a dépouillé et infesté les eaux somaliennes, que leur a-t-on donné en compensation ou substitution ? Telle est la question à laquelle les ‘grandes puissances’ devront répondre dans les années à venir, dans tous ces pays qui sont dépouillés et que l’on abandonne lorsqu’on n y trouve plus son compte.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Textes De Juliette