Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

 

 

Rechercher

7 novembre 2008 5 07 /11 /novembre /2008 11:57

7 novembre 2008
© Ngouo Woungly Massaga, Commandant Kissamba, Vétéran de L’UPC et de l’ALNK
Africa Press


Le changement politique est la plus profonde et la plus pressante aspiration du peuple camerounais aujourd’hui. Après un demi siècle de dictature des présidents Ahidjo et Biya, les Camerounais veulent sortir de la misère et ont soif de liberté et de progrès. La cause profonde de leur impuissance sous les régimes dictatoriaux est d’être restés paralysés par les groupes ethniques cherchant à prendre ou à garder le pouvoir. Ils n’ont pas pu se retrouver dans une démarche puissante selon une stratégie commune de rassemblement et de lutte pour imposer l’avènement d’une véritable démocratie.

 

Les stratégies des ethnocrates ont été d’autant plus nocives qu’elles sont restées camouflées et silencieuses. En consacrant la présente réflexion à ces stratégies non-dites à fondement tribaliste et régionaliste, nous voulons d’abord les dénoncer et aider nos compatriotes à les identifier, ensuite démontrer qu’elles sont inévitablement vouées à l’échec, et enfin exhorter les patriotes au rassemblement pour imposer le changement démocratique, seule stratégie valable pour le salut de notre peuple.

 

I. Les vaines manœuvres du régime Biya 

Le changement, c’est le départ du pouvoir du président Biya : il ne se limitera pas à ce départ, mais il doit commencer par là. Ce n’est pas le toilettage factice d’un régime corrompu, avec quelques opérations démagogiques et des slogans éculés, dans le seul but de perdurer, qu’on peut qualifier de changement.

Aucune alchimie du mensonge ne permettra de faire passer pour le changement le maintien du président Biya au pouvoir grâce à une forfaiture de révision constitutionnelle qui a restauré la non-limitation des mandats présidentiels. Notre pays est entré dans un régime de présidence à vie, qui ne sera pas plus viable que ceux qu’ont connu d’autres pays d’Afrique centrale avec Bokassa, Mobutu, Macias Nguéma… Le peuple camerounais ne doit donc pas se laisser impressionner outre mesure par la « présidence à vie » de M.Biya qui est la plus claire expression du refus du changement dans notre pays.

Tenter de faire croire dans ces conditions qu’une « opération épervier » peut traduire une volonté de changement est une tromperie grossière. Depuis son adoption, primo, le Président de la République refuse de faire appliquer l’article 60 de la constitution qui fait obligation de déclarer ses biens pendant qu’il se promène lui-même tel un chef de gang maffieux avec ses attachés-cases bourrés de milliards en devises. Quel changement peut-on attendre d’une telle gouvernance ? Secundo, les détourneurs sont arrêtés à partir de dossiers qui les mettent en cause pour quelques dizaines de millions alors qu’il est de notoriété publique qu’ils ont détourné des milliards par centaines. Toute « l’opération épervier » manque de transparence et trahit les méthodes d’un règlement de comptes entre barrons du RDPC plutôt que d’une politique d’assainissement. De qui se moque t-on ? tertio, alors que depuis plus de trente ans nous avions proposé au nom de l’UPC, la mise en place d’une Commission Nationale des Biens Mal Acquis (CONABIMA) pour juguler la corruption, ce dont de nombreux Camerounais se souviennent encore. Le régime fait du tapage sur « l’opération épervier » sans récupérer le moindre milliard volé. Qui peut accorder un tant soit peu de crédit à ces vaines manœuvres ?

 

II. Les sept stratégies non-dites des ethnocrates camerounais

Présentons–les, avant d’en faire une brève critique, aussi simplement qu’elles se formulent souvent entre concernés :

a) Le pouvoir du Sud : « Nous avons le pouvoir, il ne faut pas qu’il retourne au nord. »

b) Le pouvoir nordiste : « Nous devons reprendre notre chose » . Lors de la tentative de putsch d’Avril 1984, des groupes de compatriotes du Nord défilèrent en criant « bia man nong jom bia » ( Nous avons repris notre bien )….

c) Le pouvoir de l’Ouest : « Nous avons déjà le pouvoir économique, nous devons maintenant conquérir le pouvoir politique » c’est le langage que tiennent avec de moins en moins de retenue, quelques compatriotes de l’Ouest.

d) Le pouvoir anglophone : « Nous allons vers un demi-siècle d’indépendance, il est temps qu’un anglophone accède aussi à la Présidence de la République du Cameroun »

e) La tribalisation de l’UPC et les ministères bassa’a : « Nous avons trop souffert dans la lutte pour l’indépendance, que les autres luttent à leur tour, il faut que nous aussi nous mangions ». Cette carte tribale pour un ministère est celle que jouent Kodock avec les bassa’a du Nyong et Kellé et Hogbe avec les bassa’a Babimbi.

f) La mystification de l’UPC « radicale » des côtiers : Tout en se présentant comme « la vraie UPC, et en reprochant aux groupes ci-dessus leur collaboration avec le pouvoir, les soi-disant « fidèles » renoncent eux aussi à toute ambition de conquête du pouvoir par l’UPC, d’où leur rejet de l’unité du parti. Ils se contentent de se déployer dans les médias, de s’implanter dans les sectes, et d’attendre les évènements.

g) La stratégie des Cassandres (ou donneurs de leçons) : Nous appelons ainsi ceux qui ont pour stratégie de n’avoir aucune véritable stratégie de lutte, de jouer les donneurs de leçons. Dans l’opposition, ils attendent d’offrir leurs services aux courants qui les sollicitent, incapables qu’ils sont de présenter leur propre bilan même lorsqu’ils ont des partis politiques. Dans le camp du pouvoir, il y a des Cassandres qui cherchent à attirer l’attention du Président de la République pour obtenir un poste.

III. L’inévitable échec des stratégies non-dites des tribalistes et régionalistes camerounais.

Dans les conditions actuelles, aucune stratégie ethnocratique ne peut réussir dans notre pays. D’abord parce que chaque stratégie ethnique porte en elle les éléments de sa propre destruction, notamment trois blocages généraux, ensuite parce que chacune est caractérisée par des handicaps spécifiques quasi insurmontables.

Les trois blocages généraux tiennent : primo, au fait qu’il s’agit de stratégies honteuses qui ne peuvent pas se présenter à visage découvert à l’ensemble du peuple. Secundo, au fait que leur sectarisme les condamne à susciter l’hostilité des autres composantes de la population. Tertio, au fait que, conscient de leur choix égoïste et minoritaire, et ne pouvant envisager la mobilisation de l’ensemble du peuple pour défendre les intérêts d’un groupe, ils choisissent a priori la collaboration avec des puissance étrangères pour garantir d’avance la survie de leur éventuel pouvoir.

Quant aux handicaps spécifiques, l’étude de chacune des stratégies non-dites permet de comprendre pourquoi nous affirmons avec sérénité qu’aucune d’elles ne peut triompher dans notre pays.

1-L’effondrement prévisible du pouvoir sudiste :

Aucun groupe ethnique, aucune région n’a vocation à gouverner indéfiniment notre pays. C’est d’ailleurs pourquoi les ethnocrates du sud présentent leur rêve de reconduire indéfiniment Biya au pouvoir en avançant le slogan « on ne change pas une équipe qui gagne ». Malheureusement pour eux, le bilan du régime Biya ne milite nullement en faveur de sa reconduction. Le Cameroun n’a pas gagné avec les régimes néo-coloniaux, pas plus avec Biya , qu’avec Ahidjo. Nous avons combattu le régime Ahidjo les armes à la main, parce qu’il portait déjà, avec la violence et le terrorisme d’Etat en plus, toutes les tares de mauvaises gouvernance d’aujourd’hui. Et s’il n’y a pas actuellement de lutte armée populaire contre le régime de Biya ce n’est pas parce qu’il est meilleur, mais parce que les conditions géostratégiques ne répondent plus, pour le moment, à ce type d’action dans notre pays, et parce qu’il est lâche de recourir aux armes quand on ne parvient pas à fournir l’effort minimal de mobiliser le peuple avec les bulletins de vote.

Ce qu’on nous présente comme de grandes victoires du régime donne argument à sa condamnation sans appel. Oui, nous avons évité la guerre avec notre grand voisin nigérian. Mais doit-on considérer avec indulgence la politique qui a mené le pays au bord du désastre ?


Oui, « l’opération épervier » a déjà permis l’arrestation et la condamnation de plusieurs barrons corrompus. Mais un régime qui a plongé le pays dans une aussi scandaleuse corruption est il encore tolérable après qu’il ait sévi pendant vingt-cinq ans ?

Ce n’est d’ailleurs que du bout des lèvres que les autres clans pouvoiristes adhèrent au programme du RDPC pour une Présidence à vie de monsieur Paul Biya. Ni les ressortissants du Nord, ni ceux de l’Ouest, ni les Anglophones au sein même du RDPC ne souscrivent réellement au maintien de Paul Biya au pouvoir. Ce dernier est d’ailleurs de plus plus conscient que l’heure de son départ approche : ces fréquents voyages prolongés à l’étranger avec des valises diplomatiques bourrées de milliards sont le propre d’une situation de fin de règne.

Quand on fait aujourd’hui le constat de la faillite du régime, il est difficile de croire que l’un des sous groupes sudistes, animés par les anciens collaborateurs milliardaires du chef de l’Etat pourraient prendre la relève. Il ne suffit pas d’amasser un magot – en détournant les fonds publics ou par quelques autres voies obscures - pour être en mesure de prendre le pouvoir. La grande facilité avec laquelle les victimes de « l’opération épervier » sont ramassées tels de petits poussins, atteste bien que ces barrons du RDPC n’ont ni maîtrise politique, ni un minimum de connaissance en matière d’organisation d’un coup d’Etat. A l’analyse, même le fameux G11 nous paraît beaucoup plus imaginaire que réel ; et le complot en vue de l’assassinat du chef de l’Etat à partir de l’achat d’un aéronef usagé, se fonde plus sur un cynique montage médiatique que sur des preuves et des faits.

2-L’improbable récupération du pouvoir par les ressortissants du Nord

Depuis la répression sauvage de la tentative de putsch du 6 avril 1984, répression marquée par des excès génocidaires, le régime de Biya vit avec la hantise d’une revanche nordiste. En cultivant sournoisement la peur de cette revanche, aggravée par l’identité religieuse islamique d’un pouvoir nordiste, les conservateurs non-islamiques du RDPC diminuent les capacités des ressortissant du Nord à mobiliser une bonne partie du peuple en faveur du changement.

Par ailleurs, les barrons du nord semblent accrochés à la double option pour le type de gouvernance d’Ahidjo, et pour se livrer corps et âme, comme de ce dernier, au contrôle et à l’appui des officines des plus rétrogrades du néocolonialismes français. Tous ces facteurs condamnent un pouvoir nordiste à rencontrer dans notre pays les plus vives résistances. La problématique du changement dans la situation actuelle du Cameroun est de sortir du néocolonialisme et non de s’y enfoncer ; ce n’est pas non plus de remplacer un sudiste par un nordiste.

Notre conviction est que le véritable progrès du Nord comme de toutes les régions du pays ne peut éclore que dans une véritable stratégie globale de libération et de développement.

3-L’Ouest peut-il à terme asseoir une hégémonie politico-économique au Cameroun ?

Il peut paraître facile d’enchaîner la prise du pouvoir politique au contrôle de l’économie. Il est vrai que les ressortissants de l’Ouest sont bien implantés aujourd’hui dans le tissus économique national, et que cette implantation est d’autant plus solide que nos frères de l’Ouest ont également su servir de prête-noms à des investisseurs étrangers. Ils ont également été les premiers à maîtriser les innovations économiques modernes après avoir progressé avec des pratiques communautaires impulsées par des puissantes associations traditionnelles comme le Laakam, propulsées par des penseurs sérieux comme Michel Njiné et Mgr Ndongmo. A notre avis, ces avantages peuvent aussi s’avérer des handicaps redoutables dans une démarche hégémonique.

L’observateur vigilant peut déjà remarquer aujourd’hui que la tendance hégémonique développe de plus en plus un comportement discriminatoire des ressortissants de l’Ouest à l’endroit des « Nkwa », c’est-à-dire des autres Camerounais. Le contrôle de secteurs entiers de la vie économique et sociale entraînant la quasi exclusion des autres Camerounais desdits secteurs passés sous l’hégémonie de nos frères de l’Ouest, suscite une résistance croissante au groupe ethnique dominant, avec des risques de génocide d’autant plus importants que le groupe est largement déployé à travers le territoire. Aussi pensons-nous que l’hégémonie politico-économique de l’Ouest sur l’ensemble du pays, n’est pas une perspective saine. A supposer qu’elle puisse se réaliser à terme, ce qui nous semble improbable du fait des interactions dialectiques, elle ne pourrait qu’être lourde de dangers pour l’unité de notre peuple.

4-Le faux problème du pouvoir anglophone

Il ne faut pas confondre l’accession d’un Camerounais anglophone à la Présidence de la République dans le cadre des institutions actuelles, ce qui est tout à fait possible à certaines conditions (et qui faillit se réaliser en 1992) et la revendication d’un « pouvoir anglophone ». Certes, la mise en œuvre par les régimes néocoloniaux Ahidjo /Biya de la Réunification du pays, point central du programme originel de l’UPC, a comporté et comporte encore des fautes graves. A tel point que le problème de la Réunification doit être profondément revu selon une nouvelle approche, démocratique et consensuelle, comme ce processus fut conçu à l’origine par nos aînés fondateurs de l’UPC et pionniers de l’Indépendance nationale. Il n’en reste pas moins que les institutions néocoloniales n’empêchent pas a priori l’élection d’un compatriote anglophone à la Présidence de la République du Cameroun. Ceci n’est pas assimilable à la revendication d’un pouvoir anglophone, revendication rendue absurde par le fait que les présentes institutions intègrent déjà profondément nos compatriotes anglophones à tous les niveaux et dans tous les rouages du pouvoir et de l’administration étatique. Il arrive même que le souci normal du bilinguisme entraîne souvent un avantage notoire pour les Anglophones, là où on applique la parité francophone/anglophone alors que nos compatriotes anglophones sont loin de constituer la moitié de la population.

Le leader du Social Democratic Front (SDF), M. John Fru Ndi, aurait pu accéder à la présidence de la République du Cameroun en 1992, lors des premières élections présidentielles de l’ouverture démocratique. Certes, le président sortant se proclama vainqueur par la fraude. Il reste que le candidat du SDF aurait pu gagner avec une marge suffisamment forte qui aurait écarté toutes possibilité de manœuvre du régime. Ce qui condamna l’opposition à la défaite, ce fut la qualité de son leadership ; parce que son principal parti n’avait pas adopté une stratégie électorale de véritable parti d’avant garde, mais avait fait prévaloir les vues étroites de ses « founding fathers » et son identité anglophone. Ajoutons que le contexte institutionnel actuel peut permettre à un parti francophone de faire élire un compatriote anglophone.

5-L’UPC mise hors-jeu par les stratégies ministérielles des ethnocrates Bassa’a :

Les tendances actuelles de l’UPC écartent tacitement la perspective de la conquête du pouvoir par le parti de Ruben Um Nyobé. Elles limitent leur objectif à la participation électorale pour toucher leur part du financement des partis politiques et conquérir éventuellement un poste ministériel pour Kodock ou pour Hogbe. Nous avons brièvement évoqué l’idéologie rampante de ces tendances telle qu’elle est diffusée dans les populations bassa’a : « nous avons trop souffert pendant la lutte pour l’indépendance, il est temps que nous mangions aussi ». Cette idéologie opportuniste entraîne naturellement un fort repli identitaire, c’est-à-dire une tribalisation éhontée de l’UPC et une dérive collaborationniste totale. Elle a ses racine historiques dans la politique des ralliés sortis du maquis au lendemain de l’assassinat de Um Nyobé et dont Mayi Matip etait le chef de file.

La volonté de tribaliser l’UPC qui se cachait derrière la lutte contre « le trio de Kumba » puis contre la « Direction de l’extérieure » (Moumié, Kingué, Ouandié est encore perceptible aujourd’hui dans le groupe Kodock, notamment chez ses portes-parole d’Eséka. Voilà pourquoi l’unité de l’UPC qui serait une préoccupation majeure pour des militants sérieux du changement n’est qu’un slogan de manoeuvre pour ces groupes.

Au demeurant il ne faut pas oublier que Kodock et Hogbe sont des concurrents auprès de M. Biya et ont des fiefs autonomes. Voilà pourquoi ces groupes sont opposés à l’unification de l’UPC. Ils n’en parlent que du bout des lèvres ou pour la transformer en simple thème de propagande pour une soi-disant candidature de l’UPC à l’élection présidentielle ne servant qu’à neutraliser les voix des électeurs upécistes pour favoriser l’élection du candidat du RDPC.

Pour les militants qui veulent sauver l’UPC aujourd’hui et la replacer sur les rails du nationalisme révolutionnaire, il faut absolument la détribaliser, et recentrer sa lutte sur ses aspirations nationale et nationaliste de toujours. (A suivre)

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Textes De Juliette