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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 23:17
10 octobre 2008
AgoraVox
Kakadou N’diaye


Se tient en ce moment dans un relatif silence médiatique un de ces procès tutélaires, le procès dit de "l’angolagate", où se trouvent mêlées de nombreuses personnalités de la politique et des arts, de la lumière et de l’ombre, et deux grands fauves dont la réussite financière essaie de gommer l’absence de morale.

Lundi 7 octobre s’est ouvert, à Paris, un procès dont on nous dit qu’il est le procès de la Ve République. C’est un peu vite oublier le procès Elf et celui dit des frégates de Taiwan qui, comme celui-ci, mettaient en scène et en lumière présidents, ministres, hommes de l’ombre et mafieux internationaux bien en cours, grâce à l’acharnement et au courage d’un juge, ici le juge Philippe Courroye de la Brigade financière de Paris devenu depuis 2007 procureur au Tribunal de grande instance de Nanterre (1).

C’est oublier aussi que ce procès fleuve prévu pour durer trois mois est l’aboutissement d’un travail de plus de 8 ans au cours desquels d’importants protagonistes ont été déjà écroués avant d’être libérés sous caution. Ainsi Jean-Christophe Mitterrand, (« papamadi ») conseiller pour les Affaires africaines à l’Elysée de 1986 à 1992, a été mis en examen et écroué à la prison de la Santé pour « complicité de commerce d’armes illicite, trafic d’influence par une personne investie d’une mission de service public, recel d’abus de biens sociaux, recel d’abus de confiance et trafic d’influence aggravé ». Soupçonné d’avoir reçu d’importantes sommes d’argent pour faciliter la vente d’armes, en 1993 et 1994, il a été remis en liberté provisoire qu’après que sa mère a versé une caution. Ainsi en est-il également de l’ancien directeur général de la SOFREMI, Bernard Poussier et le 2 août 2004 de Jean-Charles Marchiani, ancien bras droit de Charles Pasqua, ex-préfet du Var, mis en examen pour « recel d’abus de biens sociaux et trafic d’influence ». Sous le pseudonyme de « Robert », il est soupçonné d’avoir touché 450 000 dollars en liquide de la BRENCO (la société de Pierre Falcone) en janvier 1999, en marge du contrat des ventes d’armes à l’Angola.

Aujourd’hui, derrière les personnages hauts en couleur de Arkadi Gaymadak, en fuite et réfugié en Israël qui refuse de donner suite à des mandats internationaux, et de Pierre Falcone, devenu ambassadeur de l’Angola à l’Unesco donc bénéficiant de l’immunité diplomatique se retrouve Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur du gouvernement Balladur mis en examen pour « financement illégal de campagne électorale », puis pour « recel d’abus de biens sociaux » et « trafic d’influence ». Parmi les éléments retenus contre lui figure le versement, en juin 1996, de la somme d’1,5 million de francs par la BRENCO à l’association France-Afrique-Orient (AFAO) dont il était le vice-président ainsi que son conseiller diplomatique Bernard Guillet également accusé. Cette remise de fonds serait directement liée à la vente d’armes à l’Angola, ainsi qu’à la remise de l’ordre national du Mérite à Arcadi Gaydamak, les écrivains et entremetteur Attali - les soupçons à son encontre portent sur les honoraires qui auraient été versés à son agence de conseil par Pierre Falcone (50 000, puis 200 000 dollars) et sur diverses opérations présumées de blanchiment d’argent - et Sulitzer - ce dernier mis en examen pour « recel d’abus de confiance, recel d’abus de biens sociaux et trafic d’influence », mais laissé en liberté. Il avoue avoir touché 1,2 million de francs, mais nie également être mêlé à un trafic d’armes, le député Fenech, ancien président de l’APM, mis en examen pour « recel d’abus de biens sociaux », poursuite consécutive au versement à l’APM de 100 000 francs en 1997 (15 000 €) par la société BRENCO. et une myriade de collaborateurs obscurs d’obscurs cabinets de la République dont le Général Mouton, directeur de la BRENCO, société mère de Pierre Falcone, le conseiller régional P. Anselin, célèbre breton pour avoir en tant que maire fait dresser en sa commune une statue de Jean Paul II de 9 mètres de haut et avoir reçu le Big Brother Awards pour l’installation en sa tranquille bourgade bretonne de 69 caméras de surveillance, mais aussi, indirectement, Konan Bedié, ex-président de Côte-d’Ivoire, Eyadema ex-président du Togo, Mobutu Sesse Seko, Hassan II, de Marenches, directeur de la DGES, etc., mis en cause et non en procès pour avoir reçu non des inculpés, mais de Savimbi, chef de guerre, de fort substantiels pots de vin.

Le tout sur fond d’une guerre civile, qui, en Angola, fit un demi-million de morts et dura 27 ans.

En novembre 1975, la Révolution des œillets met fin à la dictature salazariste de Caetano au Portugal et dans la foulée accorde l’indépendance à l’Angola. Le pouvoir est transféré au MPLA, Movimento Popular de libertacao de Angola, mouvement armé de libération nationale créé en 1965 et dirigé par Agostinhoa Neto à qui succéda en 1979 Jose Eduardo dos Santos.

Mais alors que l’URSS n’accorde son soutien au nouveau régime au marxisme flamboyant de do Santos que du bout des lèvres et forcée, les Etats-Unis de Kissinger mentant effrontément au gouvernement et au peuple américains décident d’aider un dissident, Jonas Savimbi. Commence alors l’escalade d’une horreur fort injustement appelée guerre froide. Brute sanguinaire, s’appuyant sur son ethnie, les ovimbundu, Savimbi rejoint par Roberto Holden, va, grâce aux diamants dont son territoire regorge et avec l’appui de Mobutu du Zaïre voisin lui-même enfant chéri de la CIA et beau-frère de Holden, et des Belges qui achètent les diamants via Johannesburg, bénéficier du soutien de l’Afrique du Sud, qui envoie ses soldats et d’Israël. Le soutien des Etats-Unis pour Savimbi atteint le chiffre record de 50 millions de dollars en 1989, année de l’arrivée au pouvoir de George Bush père. Deux vols de ravitaillement militaire par jour soutiennent la campagne de l’UNITA qui devint de plus en plus brutale et de plus en plus destructrice. Savimbi, qui avait bénéficié au début d’un certain soutien de sa propre tribu les Ovimbundu, fut peu à peu réduit à utiliser la contrainte pure : les hommes étaient embrigadés de force dans son armée, les femmes contraintes à l’esclavage sexuel et la nourriture des agriculteurs confisquée. Ceux qui s’opposaient à son autorité étaient accusés de sorcellerie et brûlés vifs en même temps que leur famille. Mais bonne partie de la classe dirigeante américaine, rassemblée autour de la famille Bush, continuait à assister à la destruction de toute une nation plutôt que d’abandonner son soutien à l’UNITA. Cependant, les revers subis par l’armée sud-africaine, contre les Cubains arrivés en renfort, revers qui par ailleurs allaient précipiter la fin de l’apartheid, aboutirent à la signature de la paix de 1991 et à l’organisation, sous contrôle de l’ONU, d’élections qui voient le triomphe du MPLA. Mais Savimbi n’accepte pas sa défaite et reprend le maquis toujours aidé par le trafic de diamants via de nombreux diamantaires d’Anvers et les soutiens achetés de Konan Bedié devenu président de Côte-d’Ivoire après la mort d’Houphouet Boigny (1995), d’Eyadema du Togo d’Hassan II du Maroc drivé par son ami ex-directeur de la DGES, de Marenches, et en France du Parti libéral de Léotard, Madelin et Novelli (actuel secrétaire d’Etat au commerce). L’Onu déclare un embargo sur les armes. Les demandes du président Dos Santos se voient repoussées. Quelques amitiés gauchistes vont lui permettre via Jean-Christophe Mitterrand d’entrer en contact avec Pierre Falcone et Arkadi Gaydamak.

Selon un montage imaginé par les conseillers français, le schéma consistait pour l’Angola à acquérir à Moscou des matériels de guerre à bas prix en provenance des surplus de l’armée rouge que Dos Santos s’engageait à payer à la Fédération de Russie grâce aux revenus pétroliers angolais, et en contrepartie d’une diminution du reliquat de la dette angolaise à l’égard de l’ex-URSS.

La vente d’armes – en violation de l’embargo des Nations unies – a ainsi été conclue parallèlement à la restructuration de la dette russe sur l’Angola qui s’élevait alors à 5,5 milliards de dollars américains.

D’un point de vue opérationnel, sur la base d’un accord signé en novembre 1996, la société ABALONE INVESTISSMENTS, enregistrée à Jersey, assurait l’intermédiation financière.

Ainsi, ABALONE s’engageait d’un côté à rembourser la Fédération de Russie au fur et à mesure que les armes étaient livrées ; d’un autre côté, elle se payait sur les ventes de pétrole angolais effectuées.

C’est ainsi que le relevé des opérations bancaires d’ABALONE fait apparaître les versements depuis un autre compte en Suisse de SONANGOL (290 millions de dollars en 1997, 241 millions de dollars en avril 2000, 96 millions de dollars en juillet 2000…), et des transferts vers le Trésor public russe d’une partie seulement de ces sommes.

Entre les deux, une différence très substantielle est utilisée pour des virements vers divers intermédiaires ; et au bénéfice de banques privées française, israélienne et russe.

Lors d’une perquisition, pour une tout autre affaire, au cabinet parisien de l’avocat Alain Guillloux, les enquêteurs mettent la main sur le dossier d’un homme d’affaires franco-israélo-canado-angolais d’origine soviétique, le milliardaire Arcadi Gaydamak, qui intéresse fortement le Fisc français. Les juges remontent également jusqu’à une société de vente d’armes, BRENCO INTERNATIONAL, dirigée par l’homme d’affaires Pierre Falcone, dont Allain Guilloux est aussi le conseiller fiscal.

L’affaire était lancée. L’acharnement des deux juges chargés de l’instruire allait faire le reste.

Arkadi Gaydamak (AG), ancien du KGB dont on dit qu’il fut colonel est surtout connu pour ses liens avec le groupe Tchernoï lui-même lié aux sociétés de Mikhodorkoski, aujourd’hui emprisonné, en particulier le groupe pétrolier LOUKOS et la banque MENATEP accusée, entre autres, d’avoir, excusez du peu, fait disparaître 4,8 milliards de dollars de fonds provenant du FMI. Arrivé jeune à Paris, parlant impeccablement notre langue, il se serait rapidement retrouvé « honorable correspondant » à la DST.

Mais AG est aussi lié à Africa-Israël et à travers cette société au chef mafieux Ivenkov actuellement en prison aux Etats-Unis. Cela lui a permis de jouer un rôle positif dans la libération des otages français détenus en Bosnie et partant d’en être récompensé par Charles Pasqua, grand bénéficiaire politique de l’opération, qui lui accorda, remis par son fidèle Marchiani, l’Ordre du Mérite et surtout lui permit de rencontrer Pierre Falcone qui œuvrait au sein de la SOFREMI, société dépendant du ministère de l’Intérieur – et non de la Défense – donc ayant Charles Pasqua comme patron, dont l’Etat détenait 35 % les autres parts étant réparties entre Alsthom, Thomson et Aérospatiale.(3)

Or, la SOFREMI avait largement déjà fait parler d’elle.

« L’affaire de la Sofremi » portée devant les tribunaux concernait plusieurs contrats réalisés au Brésil, en Argentine, en Colombie et au Koweït où il apparaissait que les deux principaux bénéficiaires des commissions étaient Pierre Falcone (15 millions de francs de commissions) et Étienne Leandri (ex-membre de la Gestapo sous le régime de Vichy et fondateur du SAC) (21 millions de francs de commission) Jean-Charles Marchiani (un million de francs), et Pierre-Philippe Pasqua (le fils de Charles Pasqua) (10 millions). Le parcours est parfois complexe : Pierre-Philippe Pasqua a obtenu des fonds d’Étienne Leandri, qui les avait reçus de Pierre Falcone, qui les avait eu de la Sofremi. En plus en 1993, Bernard Dubois gère un contrat avec la police de Buenos Aires. Treize commissions sont distribuées et les taux des commissions montent à 15 %. Le directeur commercial Bernard Poussier ajoute 15 millions de francs de commissions pour la société Ingeneria Mar del Plata qui n’aurait joué aucun rôle dans l’obtention du marché. Cette société-écran dissimule en fait Étienne Leandri. Devant le tribunal, Bernard Dubois reconnaît qu’Étienne Leandri « était clairement un homme de l’ombre » et qu’il passait pour être "le financier de Charles Pasqua". Pendant l’enquête, Bernard Dubois a avoué aux policiers et au magistrat instructeur avoir accordé "des rémunérations de complaisances" à Étienne Leandri.


AG a donc trouvé son alter ego, habitué des grands trafics et des rémunérations juteuses, introduit au cœur du pouvoir, dont la femme, ex-miss Bolivie est amie de Laura Bush, recevant le tout-Paris dans un hôtel somptueux au cœur de la capitale, Falcone celui qui par ses entrées et ses connaissances dans l’ex-URSS en pleine débandade lui permettra par l’intermédiaire de sa société BRENCO INTERNATIONAL sous couvert de la société slovène ZTS-OS de toucher le banco.

Le président Dos Santos va ainsi rapidement passer contrat avec AG et Falcone qui lui offrent de racheter la dette russe et de lui livrer les armes sophistiquées dont il a besoin et parmi celles-ci des armes de télécommunications qui permettront en 2002 de repérer Savimbi et de l’abattre.

Coût de l’opération plus de 800 millions de dollars. Rapport pour les deux associés quasi la moitié dont une bonne partie sera destinée à s’acheter des alliances en Angola et en France (c’est tout l’objet du projet de l’angolagate en ce moment à Paris), mais aussi aux Etats-Unis où Falcone qui, bien que fermement soutenu par de Santos, ennemi juré des Américains, et l’ayant militairement aidé, est reçu par Dick Chesney et sa société de services pétroliers HALLIBURTON dont il deviendra le représentant en Angola. Il continue par ailleurs à entretenir des relations privilégiées avec la famille Bush (apport de 100 000 dollars à la campagne électorale).

C’est sur ces trafics d’influence que travaillent les juges Carroye et Isabelle Prévost-Despez, sur les générosités suspectes. Car comme vient de le rappeler opportunément l’actuel ministre de la Défense, Hervé Morin, après le voyage express éclair et récent du président Sarkozy à Luanda, on ne saurait à proprement parler de trafic d’armes celles-ci n’ayant pas transité par la France. Ce qui n’était pas l’avis du ministre de Jospin, Alain Richard, pour lequel il suffisait que ce trafic ait été signé et organisé depuis Paris. Quant à Charles Pasqua, il contre-attaque en essayant de prouver que le juge Courroye fut non seulement instrumentalisé par l’ex-directeur des Renseignements généraux, Bertrant, chiraquien militant dans le but de le « couler » après le score honorable réalisée en 1999 aux élections européennes (13 %) et l’annonce de sa candidature à la présidentielle, mais qu’il commit aussi une erreur fondamentale de procédure en ne signalant pas ses accointances et contacts justice-police comme cela doit être fait.

Est-ce le procès de la Françafrique qui commence ou, plutôt, après l’affaire Elf , qui continue ? Sans nulle doute. Après Foccart, Charles Pasqua fut certainement l’un de ces grands manitous d’obscures officines où la République, secrètement, réglait ses comptes et surtout arrangeait ses affaires. Mais l’angologate est aussi la version mondialisée ou plutôt modernistes de ces sombres combines d’Etat.

On y voit un ex du KGB, Arkadi Gaydamack, mouillé jusqu’aux os dans des histoires mafieuses et russes, fonder un parti en Israël , « Justice sociale », et devenir le candidat ayant le plus de chance de gagner à la mairie de Jérusalem après avoir racheté un club de basket marqué par l’extrême droite, son fils racheter un club de foot anglais, Portmouth et débourser 5,6 millions de dollars pour acquérir 52 % de Global Brand, la société qui possède les « Domino’s pizza » dans trois pays de choix : la Suisse, le Luxembourg et le Liechtenstein. Des pays où « le secret bancaire n’a d’égal que l’amour de la pizza ».

Mais surtout, au pouvoir depuis trente ans, le président Dos Santos, après avoir compris que la légitimité issue de la guerre et de la lutte armée n’était pas inépuisable et décidé d’en passer une nouvelle fois par les urnes, vient d’obtenir un succès incontestable avec plus de 81 % des voix. Cependant pour les 17 millions d’Angolais l’important n’est pas là. Avec son économie dont la taille a quadruplé depuis la fin de la guerre en 2002, avec son taux de croissance phénoménal de 21 % en 2007, avec ses 250 millions de dollars quotidiens de profits pétroliers estimés, avec son rang de quatrième producteur mondial de diamants, le pays croule sous l’argent tout en étant, en termes de développement humain, le 36e du continent africain : les deux tiers de sa population vivent encore avec moins de 2 dollars par jour. En d’autres termes, cela signifie que l’argent de l’angolate a surtout servi à constituer dès l’origine, une nomenklatura d’affidés autour du président qui vivent avec beaucoup plus de 2 000 dollars par jour et dont les soucis et les programmes et les pratiques n’ont que de fort lointains rapports avec les objectifs du MPLA et des luttes qui, rappelons-le, tuèrent plus d’un demi-million de personnes, mais aussi en handicapèrent des centaines de milliers d’autres qui n’ont aujourd’hui plus que les yeux pour pleurer.

NOTES

1) Contre l’avis du ministre Pascal Clement.

2) Un scandale vient d’éclater en Suisse, moins de deux mois après le rachat. Domino’s Pizza aurait allégrement violé nombre de lois suisses sur le travail. Selon un syndicat maison, « non-respect des salaires minimaux (2 800 francs pour un salarié à plein-temps, au lieu des 3 400 prévus la convention genevoise), non-rénumération des heures supplémentaires et des congés maladie, non-versement d’indemnités… »

 

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