Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

 

 

Rechercher

31 juillet 2008 4 31 /07 /juillet /2008 15:59

Jean-Pierre MARA parle de son livre 'Oser les changements en Afrique'

 

Propos recueillis par Adrien Poussou

 

Avoir le temps de se consacrer à cette République centrafricaine marquée par l'irresponsabilité des élites, la délinquance, la misère, la malnutrition, une perte d'identité nationale et en prime des conflits armés, c'est réussir un véritable tour de force. Justement c'est ce qu'a essayé de faire Jean-Pierre MARA dans son opuscule : Oser les changements en Afrique cas de la Centrafrique. Son objectif : apporter sa contribution pour une renaissance centrafricaine. Retrouvez son interview.

 

Qui est Jean-Pierre Mara ?

Je suis Centrafricain, ingénieur diplômé d'une université allemande (anciennement ouest)

Vous publierez dans les tous prochains jours chez l'Harmattan, un opuscule au titre évocateur, Oser les changements en Afrique cas de la RCA. De quel changement parlez-vous dans ce livre ?

Je pense que l'Afrique doit apporter des modifications profondes dans le mode de fonctionnement de ses institutions, en commençant par appréhender les notions de culture et de développement ainsi que d'amélioration des conditions de vie.

Jean Gabin, Louis de Funes, Jr Ewings ou encore Marilyn Monroo sont des expressions culturelles des sociétés françaises et américaines par exemple. Qu'elle est l'expression ou le reflet de la culture africaine ? Seulement la musique et la danse ?

Le changement de l'Afrique consiste à se demander de déjà dire qui on est, où va-t-on et que veut-on en Afrique ? Pour moi en tant que Centrafricain, la première difficulté est culturelle : C'est quoi le Centrafrique, c'est ou ? La plupart d'entre nous se perdent dans des explications ou on finit par mentionner Bokassa et ses diamants avant que son interlocuteur ne se retrouve.

Ensuite, quand on demande l'adresse d'un Centrafricain dans son pays, alors là c'est la catastrophe : Il faut aller dans une rue, tourner à droite, traverser un caniveau et demander le vendeur de cigarettes du coin. Ou encore, Il n'y a pas d'électricité ou d'eau toute la journée. On n'a pas mangé ce midi : Cela doit changer

Vous conviendrez que la simple évocation du mot changement fait frémir certains africains, surtout ceux qui n'ont pas eu le lait et le miel qui devraient couler après le vent de la démocratie des années 90?


C'est cela le fond du problème africain : la confusion dan s l a compréhension que nous faisons des expressions d'une langue que nous maîtrisons mal.

La démocratie n'est pas une nouveauté pour les africains. Elle l'est pour ceux qui cherchent des mécanismes pour rester le plus longtemps possible au pouvoir. L'arbre des palabres était déjà le lieu de l'expression démocratique ou tout le village pouvait s'exprimer sur un sujet, même intime du concitoyen ou du chef.

La compréhension que les africains se font de la démocratie à l'européenne à tout fausser mais la démocratie et le pluralisme politique n'est pas un changement pour l'africain traditionnel, c'est un changement pour l'élite issue de l'école coloniale.

Mais pour revenir à l'évocation du changement qui fait frémir, je commence mon livre par le texte suivant, « Malgré toute s l es richesses naturelles dont dispose l'Afrique, elle vit à la périphérie des évolutions technologiques et reste à la marge des innovations socio-économiques du monde.. ».

Rompre avec ce passé de confusion pour initier une nouvelle pratique autre que l'assistanat est devenu le but noble à rechercher. L'élite africaine, particulièrement centrafricaine, doit se remettre en cause. Elle doit revoir son système éducatif et adapter sa méthode politique gangrenée par l'arbitraire et le non respect des textes ou des engagements. Il s'agit pour elle de refuser de se cantonner dan s l e rejet de responsabilité de ses malheurs sur d'autres. Elle doit s'engager ver s l e changement de son mode d'appréhension et de compréhension, et ce faisant utiliser ses forces pour trouver ce qui permettra de faciliter le décollage économique de l'Afrique dan s l e but d'améliorer le mode de vie africain sans nécessairement le changer.

Que proposez-vous d'original dans ce livre ?

Ce qui est originale, c'est que je pointe des confusions que personne ne semble voir, en commençant par la mauvaise interprétation du mot culture. Je propose que l'Afrique réfléchisse sur les causes de ses difficultés et propose des solutions. Je propose que l'élite Africaine se remette en cause et cesse de rejeter la responsabilité de ses malheurs sur les seuls colonisateurs ou sur l'exploitation par les étrangers. Qu'elle cesse de penser que l'Afrique va se développer avec l'aide bilatérale. Certes, on a besoin de l'aide mais il faudrait encore que celle-ci soit pensée par les africains et non par les donneurs de l'aide. Elle doit repenser son approche et sa compréhension de l'école. Elle doit revoir son système éducatif et l'adapter à ses besoins. Elle doit donner à l'école le rôle qui consiste à préparer l'individu à la capacité de changer son environnement et son cadre de vie. L'école africaine prépare essentiellement les gens à la fonction publique.

Pour vous, les carences dans le fonctionnement des institutions africaines sont dues au dysfonctionnement du système éducatif hérité de la colonisation. Que voulez-vous dire par là ?

La remise en question du système scolaire s'exprime suite à de multiples constats : par exemple, 80% des écoles en Afrique n'ont pas de point d'eau potable au sein de l'établissement. Elles n'ont pas d'électricité. 80% même dan s l es capitales africaines. Imaginez vous comment les enfants passent la journée scolaire : sans boire ni manger. Cette situation est considérée comme une normalité pour le reste de la vie de l'élève et quand ce dernier devient fonctionnaire, responsable, par exemple DG de la société des eaux, il n'arrivera pas à considérer l'eau ou l'électricité comme un besoin de base ou comme une nécessité ; Il a réussi dans une école ou il n'y avait ni eau ni électricité donc pour lui la carence est normale.

Les connaissances que l'école dispense dans nos pays africains doivent changer. Si savoir « écrire » permet de mettre sur papier une idée ou une critique afin de les partager avec les concitoyens, savoir « lire » permet par contre de saisir et de connaître l'expérience des autres pour s'enrichir. Le but n'est pas de nous apprendre à copier ou d'apprendre par cœur des façons de parler ou de s'exprimer. L'école doit nous permettre d'apprendre à nous servir de l'écriture et des vocabulaires pour exprimer des idées.

Mais d'autres africains comme vous et, pas des moindres, pointent eux, un doigt accusateur sur les programmes d'ajustement structurel du FMI et de la Banque Mondiale. N'est-il pas temps que vous africains arrêtez de faire porter la responsabilité de vos malheurs aux autres ?

C'est justement ma position. Je demande aux Africains de cesser de rejeter les responsabilités sur d'autres et de se remettre en cause. Je pense que les organisations internationales proposent des solutions et ce sont les élites africaines qui décident si oui ou non cela convient. Et s'ils sont incapables d'argumenter, on la leur impose. Si les africains prennent le temps de se concerter sur de quoi il s'agit afin de mieux argumenter, les situations comme celles avec les programmes d'ajustement structurels se produiraient pas. On n'aurait pas gaspillé l'argent de l'aide en envoyant des fonctionnaires de l'administration en retraite anticipée alors que ces derniers ne remplissaient même pas les critères de lancement d'activités économiques avec l'argent qui leur était donné.

Aujourd'hui ils cherchent tous à revenir dan s l a fonction publique. Le fonctionnaire qui gagne 100.000 CFA est forcément perturbé quand on lui offre 10.000.000 CFA pour qu'il parte. L'Etat à travers la fonction publique ainsi que le fonctionnaire sont tous victimes du manque de dispositions adaptées aux deux parties. C'est cet échec du PAS que je reproche au FMI et à la BM qui auraient dû prévoir les conséquences des départs anticipés sur le fonctionnement de l'appareil de l'Etat. Mai s l es élites africaines sont responsables de l'échec aussi. Les responsabilités sont partagées.

Qu'attendez-vous donc de vos compatriotes africains, sinon centrafricains ?

Nous devons changer. Nous devons accepter de changer nos conditions de vie par nous mêmes au lieu d'attendre. On attend trop de l'aide en Afrique. Connaissez vous des projets d'envergures initiés par les africains pour leur propre pays ? Toutes les décisions de stratégie de développement de l'Afrique, toute s l es idées de grands projets ainsi que leur financement viennent de l'extérieur. C'est intenable.

Justement en parlant de la Centrafrique, qu'avez-vous à nous dire sur le prochain dialogue politique ?

Ce n'est pa s l e sujet de mon livre mais en tant que Centrafricain, je ne peux m'abstenir d'en parler à toute occasion. Pour moi le dysfonctionnement des institutions est aussi le résultat d'une certaine confusion que je ramène forcément au système éducatif. Tou s l es politiciens Centrafricains sont des anciens fonctionnaires ou militaires, donc issue d'un système scolaire inadapté, et cela influence négativement toutes prises de positions dan s l'exercice des fonctions des uns et des autres. Bien que généralement tous issues d'écoles à influences Chrétiennes, nos dirigeants ne s'habitue pas aux critiques, aux partages d'expériences ou bien à faire des concessions. L'éducation scolaire mal adaptée n'apporte pas la tolérance qui devrait influencer les comportements. Un dialogue est un exercice d'écoute, de tolérance et de partage de points de vue.

Le Président a donné suite à une revendication d'une minorité. C'est preuve d'une grande sagesse. Et si le dialogue qu'il a bien voulu organiser à Bangui a lieu effectivement, je souhaite vivement pour ma part que les organisateurs ne se trompent pas de cible : il est question que tous les Centrafricains se mettent ensemble pour réfléchir sur ce qui ne va pas dans notre pays.

Pour moi c'est l'occasion pour les uns et les autres de réfléchir sur les raisons des échecs politiques avec des conséquences économiques incalculables que vit notre pays.



Le prochain dialogue devrait donc être l'occasion d'une remise en question de nos institutions qui ne fonctionnent pas. C'est l'occasion de marquer un point d'observation sur un autre model de gestion politique et économique de la société centrafricaine.

Pensez-vous que ce forum peut-il apporter quelque chose à l'état clinique du pays ?

Quand on commence un dialogue, on ne connaît pas forcément son issue. Je crains que certains croient bien faire de déjà fixer l'issue du prochain dialogue. C'est une erreur stratégique. Toutefois, je souhaite que ce dialogue ouvre la voie à une paix réelle et à la liberté de circuler en Centrafrique. Tous l e monde ne fait pas la politique politicienne même si chacun veut se prononcer sur la politique. Or aujourd'hui tout est entravé. On ne peut pas circuler sans se faire intimider, arnaquer ou sans avoir peur de regarder ce qui se passe à l'aéroport de Bangui, c'est la désolation : ceux qui attendent les visiteurs restent sur le parking ouvert, qu'il pleuve ou qu'il fasse soleil d'enfer. Ce n'est plus un beau visage que notre pays montre aux voyageurs.

La paix est fondamentale et j'espère que si les institutions fonctionnaient bien ou si elles se remettent à bien fonctionner pour ramener la paix à la suite de ce dialogue, ce sera une bonne chose. Le nerf de la guerre est l'argent dit on : les institutions doivent redevenir telles pour que l'argent circulent de nouveau et que tout le monde soit rémunérer régulièrement à la hauteur de son travail afin de vivre décemment. Sans une vie décente, il n'y aurait jamai s l a paix et sans elle il n' y a pas de vie

Avez-vous un message à faire passer ?

L'interview est consacré à mon livre OSER les changements en Afrique, cas du CENTRAFRIQUE à paraître aux éditions L'Harmattan

www.editions-harmattan.fr

ISBN: 978-2-296-06058-6.

Je dis que la politique ne peut et ne doit pas ignorer l'école dans sa stratégie. Elle doit faire d'elle un lieu qui propose une méthode aux fins d'apprendre à l'individu comment exprimer des idées, comment les communiquer dans son milieu culturel dan s l e but d'améliorer sa condition socio-économique.

Je pense que la première ambition politique à nourrir par chacun est celle autour des concepts de l'école, de l'éducation, de la formation et leurs corollaires la culture et l'identité intellectuelle.

Pour lever le défi de l'enclavement et le poids de la dette, des changements structurels doivent être opérés dan s l a sous région CEMAC. En matière d'infrastructures de télécommunication, il est du rôle des Etats de construire un réseau de télécommunication haut débit au niveau régional, réalisé grâce à des systèmes de transmission hiérarchiques pour garantir une couverture régional inter CEMAC afin de permettre aux opérateurs de la téléphonie mobile ou cellulaire de se reposer sur cette infrastructure pour s'installer un peu partout et favoriser la lutte contre la fracture numérique. Cela veut dire que les Etats doivent trouver ensembles des solutions économiques de grandes envergures pour le futur. Ils doivent construire l'Autoroute de l'Information qui nécessite une infrastructure lourde.

La modernisation des structures de communication, l'évacuation des produits d'exportations ou d'importation et autres biens de consommation de l'enclavement suite à un monopole par Douala tout comme les difficultés en matière de transport et douane liées à UNITEC-BENIN, aux infrastructures d'électricité et des télécommunications sont toutes des question qui devront devenir d'actualité pendant la présidence centrafricaine de la CEMAC : C'est cela le changement en question

Je demande aux Centrafricains de commander déjà le livre en utilisant le numéro ISBN et surtout de le lire. Cela leur donnera des idées qui peuvent nous servir dans nos débats politiques et économiques. Je profite de l'occasion pour dire que le constat fait dans mon livre est vraisemblablement applicable à beaucoup de pays, notamment tous les pays africains. Nous avons encore beaucoup à faire pour faire avancer notre continent.

L'élite africaine doit s'engager vers le changement de son mode d'appréhension et de compréhension, et ce faisant utiliser ses forces pour trouver ce qui permettra de faciliter le décollage économique de l'Afrique dans le but d'améliorer le mode de vie africain sans nécessairement vouloir le changer.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Textes De Juliette