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3 mars 2008 1 03 /03 /mars /2008 15:09
Source : AgoraVox
Komi TSAKADI, Lomé.

 

L’annonce du président Sarkozy devant le Parlement sud-africain le 28 février dernier de renégocier les accords militaires signés par la plupart des pays africains francophones au lendemain de leur indépendance avec la France, est en adéquation avec l’opinion africaine bien éclairée qui a toujours réclamer la redéfinition voire la suppression de ces accords de coopération en matière de sécurité et de défense. Accords qui ont permis à la France d’être le gendarme des dirigeants africains.

Cette annonce intervient au lendemain de l’intervention française au Tchad où le soutien de l’armée française aux forces du président Deby, lors d’une attaque des rebelles début février, a permis à ce dernier de se maintenir au pouvoir.

 

Elle intervient également sept mois après le discours choquant tenu à Dakar par lequel Sarkozy avait dit que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire.

 

Mais pour autant, on doit rester sceptique. Car l’objectif de la politique de coopération militaire (outil de la politique étrangère d’un pays) française en Afrique a eu toujours pour objectif d’entretenir l’influence française sur le continent, d’où le consensus en la matière sous toutes les présidences (de droite comme de gauche) de la Ve République.

Les différents accords militaires

 

Les accords militaires signés entre la France et la plupart des pays africains francophones sont sous deux formes : les accords de défense et les accords d’assistance militaire technique.

 

Les accords d’assistance militaire conclus avec vingt-six pays africains permettent à la France d’intervenir dans trois domaines :


  L’assistance militaire technique ;
  la formation des cadres militaires africains en Afrique et en France ;
  l’aide en matériel.

Quant aux accords de défense, signés avec neuf Etats (Sénégal, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon...) qui avaient fait l’objet du scénario 4 du Livre blanc de la défense de 1994, ils prévoient :
  l’aide et l’assistance de la France en cas de troubles intérieurs ;
  le stationnement de plusieurs milliers de militaires français sur des bases ;
  des interventions militaires.

 

Quel bilan pour ces accords ?

 

Au regard d’un simple bilan de cette coopération (ayant pour cadre juridique ces accords précités), on peut relever sa grande ambiguïté car elle n’a jamais été dans le sens de la démocratisation des pays africains. Pis, elle a servi les intérêts d’un certain nombre de chefs d’Etat protégés et soutenus par la France en dépit de leur politique désastreuse.

Sur le plan de l’aide à la formation des armées africaines, cette coopération a abouti à la constitution des armées mono ethniques et tribalisées à la solde de ces chefs d’Etat. Elle a eu aussi pour dérive le développement d’une forme de mercenariat. En effet, les anciens coopérants militaires à la fin de leur mission préfèrent rester sur place pour continuer à remplir approximativement les mêmes tâches à titre privé, notamment : formation des armées, formation à l’utilisation des armements, conseil pour les états-majors et le gouvernement.

 

La remise à plat des accords de défense implique aussi celle des accords d’assistance miliaire qui permettent à la France de continuer à former des militaires africains agissant comme des gardes prétoriennes ou des miliciens au lieu d’être de véritables forces républicaines et patriotiques travaillant pour des intérêts globaux de l’ensemble des populations.

 

La renégociation de nouveaux accords ne doit pas se faire sans qu’un bilan exhaustif ne soit fait des 50 ans de coopération militaire et de ces accords.

 

Quid de la transparence ?

 

Le président Sarkozy a promis qu’une fois les nouveaux accords renégociés, ils seront publiés « dans la transparence  ».

 

Cette transparence implique le contrôle du pouvoir législatif en ce qui concerne les opérations extérieures résultant des accords précités. La mission d’information sur l’amélioration du contrôle parlementaire des opérations extérieures (Opex) conduite par la commission de la défense de l’Assemblée nationale avait fait la proposition de contrôler ces opérations mais ce dispositif n’a jamais été mis en place. Les députés n’ont pu se prononcer sur l’opération « Licorne » qui avait mobilisé des milliers de soldats français en Côte d’Ivoire. Pas plus que l’intervention française au Tchad pour soutenir Deby n’a fait l’objet de débat à l’Assemblée nationale. Les députés se contentant de poser de temps en temps des questions écrites ou des questions d’actualité. Mais quelques minutes par semaine ne suffisent pas pour comprendre cette politique et encore moins pour la contrôler.

 

La mission d’information avait aussi recommandé la publication des accords de défense avec leurs clauses secrètes. Recommandation qui n’a toujours pas eu d’application. Toute renégociation implique la publication de ces précédents accords.

 

La transparence doit aussi porter sur les archives de l’Etat portant sur les vingtaines d’actions militaires directes de France en Afrique, d’où la nécessité de déclasser ces dossiers pour être consultables par tout le monde.

 

Renégocier les accords militaires avec les pays africains revient aussi à reposer le problème de la conception générale de l’Afrique dans la stratégie de la France comme puissance et acteur des relations internationales, au moment où les Etats-Unis cherchent à implanter une base militaire sur le continent.

 

Les forces armées et de sécurité en Afrique ont été à l’origine de beaucoup de crises et continuent d’être des menaces à la démocratisation de nos pays. La renégociation des accords militaires doit se faire dans une perspective de prévention de ces crises et la démocratisation effective de nos pays.

 

Cela permettra d’éviter des situations comme le renversement du président élu Mahmane Ousmane au Niger (qui avait voulu reformer l’armée nigérienne par une restructuration de la configuration du commandement), l’assassinat du président hutu élu démocratiquement Melchior Ndadaye au Burundi par des militaires tutsis, les répressions sanglantes post-électorales traditionnelles...

 

La rupture tant attendue dans la politique africaine de la France va-t-elle se faire avec la renégociation des accords militaires ? Nous attendons les actes pour y croire.

Avec qui va-t-on renégocier ces accords ? Quelle sera la légitimité de nos dirigeants dans ces négociations ? Quel est le calendrier ? Autant de questions dont dépendra l’avenir des accords militaires de la France avec les pays africains.

 

 

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