Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

 

 

Rechercher

26 février 2008 2 26 /02 /février /2008 10:49
Bâillonnement - Le gouvernement scelle Equinoxe TV

 

Le Quotidien Mutations (Yaoundé) - 22 Février 2008
Eugène Dipanda

 

La chaîne privée de Douala a reçu la visite d'une escouade de forces de l'ordre hier.

15h 47. Le brouillard emplit les écrans. Les téléspectateurs d'Equinoxe TV sont brusquement sevrés des clips vidéo qui leur sont offerts depuis plus d'une heure. Avant cela, un "synthé" avait mis la puce à l'oreille des abonnés de cette chaîne privée. "Suite à un arrêté du ministre de la Communication suspendant Equinoxe TV, nos programmes seront interrompus pendant quelques heures..", pouvait-on lire en substance. Hier, jeudi 21 février 2008, au cours du journal de 13h en direct du poste national de la Crtv, l'information semble en effet avoir surpris grand monde. Par arrêté ministériel, le chef du département de la Communication, Jean Pierre Biyiti bi Essam, a décidé de la fermeture de Equinoxe TV.

 

Les raisons ne sont guère énoncées dans le détail. Tout juste, apprend-on, la télévision privée, aux yeux du ministre, n'aurait pas respecté l'article 32.2 de la loi du 19 décembre 1990 relative à la liberté de communication sociale ; ainsi que les article 52 et 53 du décret du 3 avril 2000 fixant les conditions et modalités de création et d'exploitation d'entreprises privées de communication audiovisuelle. "Le secrétaire d'Etat à la défense et le Délégué général à la Sûreté nationale sont chargés, en ce qui les concerne, de l'exécution de la présente décision" concluait l'arrêté de Biyiti bi Essam.

 

Et parlant d'exécution, on n'aura pas attendu bien longtemps. Alors que des journalistes exerçant à Douala se dirigeaient en masse vers le siège de Equinoxe TV pour y observer l'ambiance après la décision du Mincom, un camion de policiers du Groupement mobile d'intervention (Gmi) n°2 a aussitôt pris position sur la route, dans un coin de l'immeuble abritant la télévision privée. Ce qui aura pour conséquence d'attirer une foule nombreuse, composée notamment de curieux et de moto taximen.

 

Les reporters qui tentent d'immortaliser ces scènes sont pris à partie par les policiers armés de gourdins et protégés par des boucliers. Patient Ebwelè, journaliste au quotidien privé Le Jour, l'a échappé belle. Les coups de matraque d'un inspecteur de police ne l'ont pas véritablement atteint, mais son appareil photo numérique a été confisqué par son bourreau. Arrivés quelques minutes avant le camion du Gmi n°2, les responsables de la police chargés de l'exécution de la décision du Mincom, eux, s'affairaient à convaincre les occupants des lieux de sortir des bureaux et des studios afin que la pose des scellés puisse être effectuée sans heurts. Sans notification préalable ! Il aura fallu attendre l'arrivée du directeur général de la télévision privée, Séverin Tchounkeu, suivi de ses avocats dont Me Jean Paul Ngallè Miano, pour que les agents en service daignent enfin s'exécuter. Quelques matériels, des caméras et des ordinateurs notamment, ont néanmoins pu être sortis des locaux, avant leur fermeture par les forces de l'ordre.

 

Notification

 

"C'est une décision qui nous surprend tous. Nous essayerons d'entrer en contact avec les responsables du ministère de la Communication pour en comprendre les motivations réelles. Nous devons en effet savoir, au-delà de la fermeture, que c'est plusieurs carrières qui pourraient ainsi être brisées. Et le poids social d'une telle situation, on ne peut pas le mesurer", a déclaré Henri Fotso, président du Syndicat national de l'audiovisuel du Cameroun. Venu aux nouvelles, Pius Njawé, n'est pas moins surpris par la décision ministérielle ordonnant la fermeture d'Equinoxe TV. "C'est simplement regrettable pour notre pays. Cette décision marque le retour de la censure. Et cela est inadmissible pour une presse qui se veut libre", a laissé entendre le directeur de publication du Messager. S'il condamne également l'acte de Jean Pierre Biyiti bi Essam, Me Jean Paul Ngallè Miano semble cependant croire à un imminent "retour à la normale".

 

"C'est une atteinte grave à la liberté de la presse. Nous allons sereinement étudier les contours de cette affaire et voir dans quelle mesure elle peut être portée devant la justice". En attendant un très probable rebondissement de cette "affaire Equinoxe", les supputations vont bon train quant à la motivation réelle du gouvernement. Dans un contexte marqué par le débat contradictoire sur la révision de la Constitution camerounaise, certains analystes y voient, en effet, une volonté manifeste de bâillonner cette télévision, qui, dit-on, accorderait un peu trop d'espace au "Front du Non". En guise de solidarité à la chaîne privée, plusieurs responsables politiques de l'opposition, ont d'ailleurs été aperçus dans le voisinage de Equinoxe TV hier. Et un long cortège de motos taxis ne s'est pas fait prier, pour escorter Séverin Tchounkeu du quartier Bonakouamouang au quartier Bonanjo, où les responsables de la police lui avait demandé de venir entrer en possession de... la notification de la fermeture de sa chaîne.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Textes De Juliette