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5 août 2012 7 05 /08 /août /2012 15:24
5 août 2012
Source: Survie

"Nous n’allons pas inventer des problèmes là où ils n’existent pas." 
(Laurent Fabius lors des tournée récente au Burkina Faso)

http://www.infosyrie.fr/wp-content/uploads/2012/06/Fabius_BHL2.jpgAfin de consulter les gouvernants de la sous-région à propos de la crise malienne, dans laquelle la France s’est auto-attribué le rôle de « facilitatrice » sans qu’on sache à quel titre, les ministres Laurent Fabius et Pascal Canfin se sont offert une virée bien françafricaine.

Au prétexte de lutter contre les « terroristes » du Nord Mali, ils se sont rendus du 26 au 28 juillet chez certains des pires criminels du continent, eux-mêmes « terroristes » à l’encontre de leur propre population. Les déclarations officielles de Fabius ont fini d’enterrer les espoirs de remise en cause du soutien aux despotes et de la coopération française, notamment sur le plan militaire et policier, avec les régimes dictatoriaux.

Dans le prolongement de la très critiquée réception à l’Elysée du dictateur gabonais Ali Bongo le 5 juillet et de celle de l’infréquentable Alassane Ouattara le 26 juillet, le chef de la diplomatie française et le ministre délégué au développement n’ont pas hésité à se rendre au Burkina Faso et au Tchad, à l’occasion d’une tournée ouest-africaine qui les a aussi amenés au Niger et au Sénégal.

Burkina Faso : aucun problème !

À Ouagadougou, nos deux ministres et le député socialiste François Loncle, président du groupe d’amitié parlementaire France-Burkina Faso, ont ainsi rencontré successivement le ministre burkinabè des Affaires Etrangères, Djibrill Bassolé, et son dictateur de patron Blaise Compaoré. A l’issue du premier entretien, Fabius a fait une déclaration cent fois entendue : « Sur les relations bilatérales, les choses vont très bien. La France et le Burkina Faso sont amis de longue date. Les relations entre nos gouvernants sont excellentes. La coopération va se poursuivre, s’amplifier si c’est possible. Nous n’allons pas inventer des problèmes là où ils n’existent pas. Il s’agit d’une véritable coopération de long terme, fluide, et nous avons l’intention, bien sûr, de la poursuivre ».

http://storage.canalblog.com/24/32/292028/75389242_p.jpgBien sûr. Car peu importe, après tout, que le pays soit dirigé par un despote resté au pouvoir plus longtemps que le tunisien Ben Ali ; qu’il ait fait éliminer Thomas Sankara pour prendre la tête du pays en 1987 ; que pour le journaliste Norbert Zongo, l’étudiant Dabo Boukary, et tous les autres martyrs de son règne, les familles attendent toujours que justice leur soit rendue ; et que son rôle soit même régulièrement évoqué, y compris lors du procès de Charles Taylor au Tribunal Spécial pour le Sierra Leone, dans les guerres qui ont dévasté ce pays et le Libéria à la fin des années 90. Peu importe tout cela pour ces ministres et ce député puisque Blaise les a ensuite « très aimablement reçus », selon Fabius qui n’a ensuite rien trouvé de mieux à exprimer que sa « certitude que l’amitié entre la France et le Burkina est entre de bonnes mains ».

On attend la réaction du socialiste Pouria Amirshahi, député des français de l’étranger sur cette circonscription et secrétaire national du PS à la coopération, à la francophonie et aux droits de l’homme. Ce dernier avait en effet fait savoir sa désapprobation sur la rencontre Hollande-Bongo, début juillet. Surtout, il avait pris soin, lors d’un déplacement au Burkina fin avril, de ne pas rencontrer les autorités en déclarant même en conférence de presse que les burkinabè attendent « l’alternance, après 25 ans de présidence Compaoré ». Visiblement, ça n’est plus la ligne officielle du PS...

« L’expérience » de Déby : comme terroriste ?

Mais le pire restait à venir. Á N’Djamena, le patron du Quai d’Orsay a en effet fini de dissiper les espoirs des démocrates tchadiens qui attendaient une remise en cause du soutien historique dont bénéficie Idriss Déby. À la question d’un journaliste, lui demandant « avec l’arrivée des socialistes au pouvoir, quelle sera la coopération entre le Tchad et la France ? », sa réponse est limpide : « Il y a un changement de président de la République, un changement de gouvernement, mais les relations d’amitiés demeurent. Le Tchad et la France, depuis très longtemps, ont des relations d’amitié, de partenariat. (...) J’ai ainsi trouvé dans le président Déby, que j’ai déjà rencontré il y a quelques années, un interlocuteur extrêmement ouvert à ce partenariat dont je me réjouis ».

Le changement dans la continuité ! Fabius, impavide, a proclamé à cette occasion que ses collègues et lui étaient les « amis de la démocratie » et bien sûr « les amis de l’Afrique ». Sans doute autant de bonnes raisons de légitimer Idriss Déby, dont la place serait pourtant aux côtés de son prédécesseur et ancien patron Hissène Habré, accusé de génocide et réfugié au Sénégal en attente d’être traduit en justice. Fabius, qui était venu chercher un soutien de plus à la position de la France (de « facilitatrice », bien sûr) dans la lutte contre les « terroristes » d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et leurs alliés, ne croit pas si bien dire en déclarant : « Le président Déby est connu pour l’expérience qu’il a sur toute une série de problèmes qui concernent la région ». Il est vrai que son CV est éloquent : sa responsabilité dans les massacres au Sud du pays dans les années 90 et la répression brutale de son régime font de lui un chef d’État terroriste, au sens qu’il terrorise sa propre population depuis déjà 21 ans, c’est-à-dire depuis son installation à la tête du pays grâce aux services secrets français. Il ne doit cette longévité au pouvoir qu’aux interventions de l’armée française et à la coopération militaire, dont on serait en droit d’attendre la suspension de la part d’un gouvernement progressiste.

Mais Fabius, qui dit ne pas avoir évoqué avec Déby le sujet du millier de soldats français positionnés en permanence dans le pays, a cependant affirmé son « sentiment que la coopération entre le Tchad et la France va évidemment se poursuivre, se développer ». On ignore si le ministre EELV Pascal Canfin a participé ou non à cet entretien-là, mais il était bien présent au Tchad. Celui qui avait eu le culot d’affirmer dans une interview quelques jours plus tôt que son gouvernement avait « normalisé les relations entre la France et l’Afrique » confirme donc tacitement qu’il est « normal » que des ministres français se rendent chez l’un des dictateurs les plus brutaux du continent.http://www.mollat.com/cache/Couvertures/9782296123809.jpg

Fabius ne commet pas d’erreur

C’est finalement lors de l’étape sénégalaise de nos ministres qu’on peut trouver, dans les propos de Fabius, une prudente circonspection. Le patron du Quai d’Orsay, venant visiter le mouvement « Y en a marre », a en effet averti que « il faut aussi une vigilance parce que, même si un gouvernement est plus progressiste qu’un autre, il peut quand même commettre des erreurs  ». Mais il parlait alors du gouvernement de Macky Sall, et ne pensait évidemment pas à lui-même :« j’ai été ministre et Premier ministre très jeune et l’expérience cela a l’avantage d’aider à éviter les erreurs à ne pas commettre. Et la faute principale à commettre, c’est de rester enfermé dans les palais officiels et de se couper de la population ». C’est facile, à Dakar, de ne pas se limiter au « Sénégal officiel », comme il dit. En revanche, au Burkina Faso et au Tchad, on peut se contenter de rencontrer des gouvernants qui ne subsistent que par la répression de la population, et même réaffirmer les liens amicaux avec la dictature. Car en France les gouvernements passent, et « les relations d’amitiés demeurent » : Fabius le dit et le prouve.
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28 juillet 2012 6 28 /07 /juillet /2012 13:21

27 juillet 2012
Georges Alain Boyomo
Mutations


Entre les sommets de 2010 et 2012, beaucoup de déclarations d'intention, peu d'actions sur les dossiers communautaires. 
Malfrats-CEMAC.jpgLa 11e session ordinaire de la conférence des chefs d'Etat de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cemac) s'est achevée mercredi dernier à Brazzaville sur un sentiment de stagnation au sujet des enjeux relatifs à l'intégration sous-régionale.Dans l'ensemble, les résolutions prises par les chefs d'Etat des six pays de la Cemac ne semblent laisser prospérer l'idée du renforcement de la culture du vivre ensemble en Afrique centrale.
S'agissant de l'émission des passeports biométriques, censés faciliter la libre circulation des personnes en zone Cemac, la conférence des chefs d'Etat a «instruit la Commission à prendre toutes les mesures nécessaires pour le déploiement rapide des machines de lecture des passeports biométriques au niveau des postes frontaliers des Etats membres.Une évaluation de l'état d'exécution de cette décision sera présentée à la prochaine conférence des chefs d'Etat par le président en exercice de la Cemac».
En 2010 déjà, les mêmes chefs d'Etat avaient « pris acte des engagements souscrits par les Etats membres d'émettre au cours du premier trimestre 2010 leurs passeports biométriques Cemac aux normes de l'Oaci [organisation de l'aviation civile internationale, ndlr] permettant ainsi à leurs détenteurs de circuler sans visa dans l'espace communautaire ».Avant d'inviter la Commission et les Etats membres « au respect des modalités convenues pour la mise en circulation du passeport Cemac biométrique avant la date butoir fixée par l'Oaci ».
Au sujet de la fusion des bourses de Douala et de Libreville, destinée à dynamiser le marché financier dans la zone Cemac, le président de la Cosumaf [Commission de surveillance du marché financier de l'Afrique centrale, ndlr], a, au cours de la conférence de Brazzaville «réaffirmé l'importance du marché financier pour l'ensemble des pays membres et la nécessité de mettre fin à la cohabitation des deux marchés de la zone.Elle invite toutes les parties prenantes au dossier à trouver rapidement des solutions tirées de l'expertise obtenue par la Banque africaine de développement».
Evaluation
En 2010, au terme du sommet de Bangui, le président de la même Cosumaf avait «relevé que pour permettre le développement du marché financier sous régional, il est nécessaire de rapprocher les places boursières de Douala et de Libreville, et de les doter de moyens financiers conséquents». A la suite de quoi, la Conférence avait «instruit la Cosumaf à entreprendre des actions permettant d'harmoniser les procédures des deux marchés financiers existants dans la sous-région».
Deux ans après, rien ne semble visiblement avoir bougé !Dans ce tableau non reluisant, une lueur peut poindre sur le dossier Air Cemac, la Conférence des chefs d'Etats avait fixé le siège de cette compagnie à Brazzaville, au Congo. Cette fois-ci, « la Conférence s'est félicitée de la décision de régulation du secteur du transport aérien en zone Cemac prise par le Conseil des ministres.Apportant son appui à cette initiative, la Conférence encourage la conclusion finale des négociations avec Air France en vue d'un partenariat industriel et stratégique satisfaisant, évitant tout monopole, et assurant les conditions d'une libre concurrence ».Mais l'on n'oublie pas que le lancement des activités de cette compagnie, envisagé en 2013, a déjà été annoncé et reporté depuis...2002.
Même l'exécution des huit tronçons routiers dits intégrateurs n'avance pas à grande vitesse. La faute, entre autres, au déficit de financements.C'est à coup sûr dans ce sens que le président Denis Sassou-N'Guesso a « rappelé [mercredi] l'instruction formulée à l'adresse du président de la Commission et du gouverneur de la Beac de soumettre à la Conférence des propositions en vue de la mise en place, outre du Fonds émergence Cemac, des mécanismes de mobilisation interne et externe des ressources devant financer les projets régionaux d'envergure, en particulier dans les domaines de l'agriculture et des infrastructures d'intégration».
Rendez-vous au prochain sommet de Libreville, dont la date n'a pas été fixée, pour une autre évaluation.
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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 16:01
4 juillet 2012
Eva Lacoste

Depuis la fermeture de la dernière mine d’uranium en France durant l’année 2001, l’Afrique reste aujourd’hui indispensable au fonctionnement de son parc électronucléaire. Avec le soutien de l’État, jusqu’à présent actionnaire majoritaire, le groupe Areva y poursuit une activité lucrative dans un climat d’omerta et d’ingérences politiques. Au mépris de l’environnement et des populations qui en paient le prix fort. 

http://www.asso-henri-pezerat.org/wp-content/uploads/2012/02/MineArlit1.jpgPrésent dans une centaine de pays, Areva dispose de la maîtrise de l’ensemble de la chaîne du nucléaire : exploitation de l’uranium, enrichissement et retraitement, ingénierie, fabrication de réacteurs et de systèmes de contrôle, maintenance. Ce « fleuron de l’industrie française » naissait le 3 septembre 2001, de la fusion de deux acteurs majeurs du secteur de l’énergie nucléaire : la Cogema (Compagnie générale des matières nucléaires) à laquelle le Commissariat à l’énergie atomique transférait en 1976 ses activités d’exploitation minière et d’enrichissement de l’uranium ; le second, Framatome, spécialisé depuis 1958 dans la fabrication de chaudières pour centrales nucléaires. Tout est en place pour la poursuite de l’exploitation de l’uranium, avec le soutien de l’Etat français et l’appui des réseaux de la Françafrique aux méthodes bien huilées. 

Mais l’histoire d’Areva ne commence pas en 2001, et se présente bien davantage comme le prolongement du développement du nucléaire en France et de l’institution chargée de le promouvoir : le Commissariat à l’énergie atomique, impulsé en 1945 par Charles De Gaulle, dans le but de susciter la recherche et d’obtenir la maîtrise de l’arme nucléaire. Les matières premières, l’uranium en particulier, deviennent une priorité pour la France qui se tourne vers l’Afrique. Mais comme on le verra par la suite, le nucléaire civil, destiné à la production d’électricité, est à l’origine d’autres dangers dont les populations des pays producteurs feront les frais.

Le premier gisement d’uranium important a été découvert à Mounana au Gabon en 1956, alors colonie française de l’Afrique équatoriale. L’exploitation démarre en 1961 et se poursuivra pendant près de quarante ans, parfois sous la menace des armes, comme ce fut le cas lors du déclenchement de l’une des premières grèves des mineurs en 1965 après un accident mortel. Au total, plus de 26 000 tonnes du précieux métal ont été extraites, non sans laisser des traces. 

La population cohabite toujours avec les effets radioactifs de l’uranium, par inhalation de l’air, absorption d’eau et d’aliments, et dans de nombreux logements construits avec des remblais provenant de l’ancienne mine. Deux millions de tonnes de déchets radioactifs ont été déversés dans les cours d’eau et quatre millions dans les carrières abandonnées exploitées par la COMUF (Compagnie des mines d’uranium de Franceville), filiale gabonaise de la COGEMA, « ancêtre » d’Areva. 

Ancien directeur diocésain de Caritas, l’abbé Bruno Ondo nous a apporté son témoignage : « Treize ans après la fermeture du site de Mounana, les riverains et les anciens mineurs en subissent toujours les conséquences. Les zones radioactives se trouvent à l’intérieur du champ d’activité des populations, là où les habitants viennent tremper le manioc, où elles vont pêcher, à proximité des habitations. Le prix véritable de l’uranium est celui payé par les populations. » La COMUF avait mandaté le laboratoire français Algade, une ex-filiale de la COGEMA, pour l’assister dans la surveillance radiologique à Mounana sous le contrôle du CNPPRI (Centre national de prévention et de protection contre les rayonnements ionisants). Mais il s’avère que le scénario de la COMUF, présenté depuis 2008, est en retrait de la réalité, ne prend pas en compte toutes les expositions et ne se présente pas en adéquation avec celui du CNPPRI. « Le manque d’informations concernant la situation radiologique est inacceptable », poursuit Bruno Ondo. « Depuis dix ans, cette surveillance est menée par la COMUF et le CNPPRI, mais ni les autorités locales ni les populations, premières concernées, n’ont vu le résultat de ce suivi. Ce qui fait lever des soupçons légitimes sur des déclarations qui se veulent rassurantes. » Où l’on retrouve une tradition d’omerta et de mépris des populations qui est une constante d’Areva.


Le véritable prix de l'uranium est celui payé par les populations

Au Niger, l’exploitation d’Arlit était lancée en 1966. Situé entre le Sahara et le Sahel, dans la région d’Agadez, capitale du peuple touareg, le site a permis d’extraire à ce jour plus de 100 000 tonnes d’uranium. En 2008, le chiffre d’affaires d’Areva était de 13,2 milliards d’euros, cinq fois le PIB du Niger. Mais pour l’ancienne colonie française, c’est une véritable catastrophe environnementale, sanitaire et sociale. Accumulation des déchets, pollution des sols, de l’air et de l’eau... Areva affirme qu’elle « met en œuvre tous les moyens disponibles pour limiter l’exposition au risque » (Areva : Nos dix engagements) et se prévaut d’un rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRNS), organisme dont le manque d’indépendance à l’égard de l’exécutif français a été plusieurs fois épinglé. L’accès aux soins est assuré par Areva, dont les médecins ne détectent pas, étrangement, des pathologies liées aux radiations. C’est aussi l’épuisement des nappes aquifères, puisqu’Areva pompe, en plein désert, la nappe du Tarat. Depuis 1966, 270 milliards de litres d’eau ont été utilisés à Arlit et Akokan, l’autre ville minière, et des millions de litres d’eau continuent à être utilisés quotidiennement.

Cinquième producteur d’uranium, le Niger fait partie des pays les plus pauvres du monde et l’espérance de vie y dépasse à peine 50 ans. Le bénéfice annuel d’Areva tourne autour de 770 millions de dollars, tandis que le budget du Niger est de 320 millions de dollars.

Areva représente une présence industrielle dans quarante-trois pays et un réseau commercial dans une centaine de pays. Mais dans une logique insatiable de profits, la société rachetait à prix d’or (2,5 milliards de dollars), en 2007, la société canadienne UraMin, qui lui ouvrait des nouveaux gisements en Afrique. UraMin, rebaptisée Areva Resources Southern Africa, est immatriculée à l’ombre du paradis fiscal et judiciaire des îles Vierges britanniques, classé parmi les plus opaques et les plus nocifs. Etonnant pour un groupe qui se déclare au-dessus de tout soupçon. Curieusement, le titre d’UraMin avait vu sa valeur multipliée par quatre durant les six mois ayant précédé l’offre d’Areva... D’où les soupçons qui ont coûté en juin 2011 son poste à Anne Lauvergeon, PDG du groupe depuis 2001. Pour la petite histoire, c’est elle qui a choisi le nom d’Areva, inspirée par l’abbaye d’Arevalo en Espagne. On peut dire qu’elle aura caché jusqu’au bout son côté mystique. Les promesses de l’achat d’UraMin sont pour l’instant au point mort. Fin 2011, arguant des difficultés du marché après l’accident de Fukushima, Areva décidait le gel de ses projets miniers en Centrafrique, en Namibie et même à Imouraren au Niger, particulièrement prometteur, provoquant la colère des chefs d’Etat,... pour renforcer ses positions au Kazakhstan, en Jordanie, au Maroc ou en Mongolie. 

En 2007, Nicolas Sarkozy se rendait à Tripoli, officiellement pour « resserrer les liens entre les deux pays ». Outre des accords militaires tenus secrets, la France promettait à Kadhafi la fourniture par Areva d’un réacteur nucléaire, officiellement pour dessaler l’eau de mer. Mais comme le déclarait Jacques Attali (« Economie et apocalypse, trafic et prolifération nucléaire », Fayard, 1995) : « Il n’y a pas de distinction valable possible entre les matières nucléaires militaires et civiles (...) Le caractère dual de presque toutes les technologies permet de vendre des savoir-faire ou des technologies en feignant de croire aux intentions pacifiques du client. » La vente de centrales se poursuit... 

« Le nombre d’Etats nucléaires pourrait être d’une vingtaine dans trente ans », annonçait un rapport de la Délégation aux affaires stratégiques remis le 20 avril 2011 au ministère de la Défense. La multiplication des risques nucléaires, comme la déstabilisation et l’enfoncement dans la dette des pays africains, devraient rassembler largement face à la stratégie d’Areva, entreprise constituée à plus de 80% de capitaux publics.


L'indépendance énergétique, à quel prix?

Au moment où était commémoré en 2011, à grands renforts de discours humanistes, le cinquantenaire des indépendances africaines, perdurait un système hérité de la domination coloniale : soutien militaire, diplomatique et financier apporté aux dictatures et régimes autoritaires qui, en retour, favorisent un accès privilégié aux ressources naturelles. Le tout assaisonné de violence, affairisme et corruption. 

Le groupe Areva symbolise à lui seul le poids des réseaux de la Françafrique qui ont toujours su saborder les dynamiques démocratiques africaines. Ses mines nigériennes représentent toujours un tiers de sa production d’uranium, tandis que le pays est enfoncé dans la dette. Une lampe sur trois est éclairée en France grâce à l’uranium nigérien, mais la plupart des Nigériens n’ont pas l’électricité. Elle n’est pas produite localement, mais importée du Nigéria pour une minorité. 

Le mythe de l’indépendance énergétique française a un prix. Et ce prix est celui payé par les populations, spoliées de leurs terres, atteintes dans leur santé, leur environnement, leur espoir dans un devenir meilleur. L’eau elle-même, indispensable à la vie, est polluée, et la surexploitation de la nappe phréatique a contribué à la désertification de la zone d’Arlit au Niger en pays touareg. 

L’enlèvement de cinq Français fin 2010, sur le site même, n’est sans doute pas étranger à la frustration des populations locales et au partage des bénéfices liés à l’exploitation de l’uranium. Force est de constater que le débat de fond est évité et Areva pas égratignée le moins du monde. Contrats dont certaines clauses sont tenues secrètes, négation des risques sur le long terme, une constante des industries extractives... qui évoque irrésistiblement l’exploitation des gaz et huiles de schistes qu’on entend nous imposer. Le marché n’a pas de frontières, il serait bon de nous en souvenir.- Golias


Les mines d'uranium tuent

Pour chaque tonne de minerai d’uranium utilisable, il faut jusqu’à 2000 tonnes de déblai radioactif rejeté dans l’environnement. Le radon, gaz radioactif libéré lors de l’extraction, touche la santé des mineurs et des habitants autour des sites.

En Allemagne, l’exploitation des mines de la Wismut constitue un exemple typique. En raison de la forte contamination radioactive, on a enregistré des taux de cancers particulièrement élevés. Pas moins de 7000 cas de cancer du poumon ont été attestés et on estime à plus de 20 000 les victimes reconnues de l’extraction de l’uranium.

En Afrique, il est difficile d’établir des estimations en raison du manque de statistiques et du climat d’omerta entretenu. Mais les conséquences sanitaires sont catastrophiques. Alors qu’Areva prétend avoir mené des opérations de décontamination sur le site d’Arlit au Niger, des échantillons, prélevés et analysés par la Commission de recherche indépendante sur la radioactivité (Criirad) ont révélé des chiffres deux mille fois supérieurs à la normale. Sans cesse repoussée depuis 2009, la gigantesque mine à ciel ouvert d’Imouraren reproduirait les mêmes conditions d’exploitation qu’à Arlit, mais en pire, compte tenu de son étendue. Areva montre des velléités de retour au Gabon où les conséquences de l’exploitation des mines de Manouna ont laissé des traces dont souffre encore aujourd’hui la population.

En Centrafrique, le projet d’exploitation de la mine de Bakouma, censé être relancé après l’achat d’UraMin en 2007, est gelé. Tout comme celui de Namibie, qui avait déjà alimenté la France en aluminium lorsque le pays était colonisé par l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid... en parfaite contradiction avec les résolutions de l’ONU et la condamnation de la Cour internationale de justice, des transactions commerciales qui impliqueraient une reconnaissance de cette occupation. Le cynisme et le contournement des lois et règles de sécurité ne sont pas franchement une nouveauté.

Sur le site de Trekkopje en Namibie, la teneur en uranium est très faible et ce sont des centaines de millions de roches qu’il faudrait traiter chimiquement, et plus la concentration en minerai est faible plus la pollution est importante. Si l’exploitation de l’une des plus grandes mines à ciel ouvert se concrétisait, ce serait l’annonce d’un nouveau désastre sanitaire et environnemental. 
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17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 22:03

15 juin 2012
RSF


Reporters sans frontières dénonce la lente descente aux enfers de la liberté de l'information au Mali. En l'espace d'une semaine, un journaliste a été arrêté pour la seconde fois en un mois, une interview d'un chef touareg n'a pas pu être diffusée, les locaux d'une chaîne de télévision ont subi une descente de militaires, et enfin une journaliste française a été empêchée de se rendre dans le nord du pays.

 

"Nous appelons à une mobilisation générale, de la communauté internationale comme des journalistes maliens, pour obtenir de la Sécurité d'Etat la libération immédiate et inconditionnelle de Haby Barry", a déclaré Reporters sans frontières.

 

"La semaine écoulée a confirmé une tendance observée depuis le coup d'Etat du 22 mars : l'information compte parmi les victimes du putsch et du chaos dans lequel est plongé le pays. Pendant que la crise politique perdure, une situation singulière s'enracine : celle de faire entrave aux enquêtes des journalistes, de définir des lignes rouges et des sujets tabous, de fermer des zones entières du territoire aux reporters. L'armée malienne est devenue une ennemie de la liberté de l'information", a conclu l'organisation, qui exhorte la CEDEAO et l'Union africaine à prendre la mesure de la dégradation des conditions de travail des journalistes dans ce pays hier modèle en la matière.

 

Le journaliste Habi Baby arrêté pour la seconde fois en un mois

 

Un mois jour pour jour après son arrestation par la Sécurité d'Etat, le directeur de publication du journal Caravane, Habi Baby, a une nouvelle fois été appréhendé par des militaires, venus le chercher directement à son domicile de Bamako, le 12 juin 2012, vers 20 h 30. Le journaliste a été conduit dans un lieu tenu secret.

 

Dans un article publié la veille dans le mensuel Aujourd'hui-la résistance, le journaliste racontait en détails les circonstances de sa précédente arrestation par la Sécurité d'Etat, les services secrets maliens.  Selon lui, les agents de sécurité le suspectaient d'avoir été "promu ministre de l'Azawad", territoire du nord Mali actuellement occupé par différents groupes rebelles. Des allégations que le journaliste qualifie de "fausses", et échafaudées en raison de ses origines arabes.

 

Après avoir critiqué fermement l'action des services de renseignement, son article s'achevait sur la dénonciation des conditions de détention des prisonniers : "Il faut qu'on en parle : il se passe des choses horribles dans ces locaux secrets ; ces cellules isolées ; ces couloirs sombres et effrayants dans lesquels on entend que des cris abominables, des appels au secours".

 

Une émission de la chaîne privée Africable TV censurée

 

Le 12 juin, alors qu'Africable TV prévoyait de diffuser une interview exclusive, une trentaine d'hommes en uniformes ont fait irruption au siège la chaîne de télévision privée, à Bamako, vers 13 heures.

 

Les éléments armés ont empêché les journalistes présents de diffuser l'entretien réalisé par le journaliste Abdoulaye Barry avec Mohamed Lemine Ould Ahmed, le secrétaire général adjoint du Mouvement National de Libération de l'Azawad (MNLA), organisation qui aspire à l'autonomie du Nord Mali. Cet entretien, réalisé en Mauritanie en marge d'une rencontre politique du MNLA, devait être diffusé à 20 h 30, au cours de l'émission "Champ contre Champ".

 

"Il s'agissait d'une menace très claire à notre égard : les militaires nous ont reproché de les prendre régulièrement à partie dans nos émissions, alors qu'ils ne sont qu'un aspect de la vie politique et institutionnelle malienne", a confié à Reporters sans frontières, le directeur de l'information de la chaîne, Sékou Tangara.

 

"Le débat du dimanche" une émission qui invite des personnalités politiques de différents courants à débattre sur l'actualité,  a également été la cible des incriminations des hommes armés. Selon différentes sources, cette agression contre le média panafricain proviendrait des milieux putschistes qui, malgré leur abandon du pouvoir mi-avril, restent très influents à Bamako.

 

La direction d'Africable TV a décidé de ne pas diffuser l'entretien avec le responsable du MNLA afin "d'éviter tout risque inutile en exposant les confrères". "Nous devons céder à leurs exigences le temps que la crise dure", a ajouté Sékou Tangara.

 

Reporters sans frontières s'inquiète du sort de l'auteur de l'interview, Abdoulaye Barry, contraint de vivre dans la clandestinité, selon l'Agence France-Presse, en raison des recherches menées par les militaires.

 

Depuis le renversement du président de la République Amadou Toumani Touré, fin mars dernier, c'est la troisième fois que des militaires effectuent une descente dans les locaux de la chaîne pour imposer leur exigence au détriment de la liberté de la presse.

 

Liseron Boudoul, journaliste de TF1, interceptée à 480 km de Bamako

 

Cette semaine noire pour la liberté de l'information au Mali avait commencé par l'interpellation de la journaliste de la chaîne de télévision privée TF1, Liseron Boudoul. Au cours du week-end du 10 juin 2012, celle-ci a été empêchée de se rendre dans le ord du Mali "pour des raisons de sécurité", avant d'être rapatriée vers Bamako pour rejoindre la France.

 

"Nos services ont stoppé Mme Liseron Boudoul à San (480 km au nord de Bamako). Elle a déclaré qu'elle allait dans un camp de réfugiés. Mais pour nous, elle allait dans le Nord aux mains des groupes armés. Nos agents ont refoulé la journaliste à Bamako contre son gré. Elle a été entendue et elle est rentrée en France dimanche soir", a indiqué à l'Agence France-Presse un responsable de la police malienne.

 

Selon la direction de TF1, la journaliste se rendait au Mali pour réaliser plusieurs reportages sur les camps de réfugiés et l'aide humanitaire.

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17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 21:35

14 juin 2012
Alexis Dieth



Soulignons pour commencer la contradiction que la montée de l’agitation séparatiste et ethnique en Afrique représente en ce début du XXIème siècle dans un monde en pleine restructuration supranationale. Mettons en évidence le paradoxe que soulève le développement du nationalisme séparatiste dont l’objectif est de diviser et de partitionner les Etats selon le modèle de l’homogénéité ethnique et linguistique, alors que partout ailleurs dans le monde, la tendance historique est à l’union et à la fédération des Etats-nations en de grands ensembles supranationaux multiethniques et multilinguistiques, économiquement et politiquement intégrés.

 

Cette évolution de l’Afrique, à contre-courant du mouvement de l’histoire, fait alors ressortir la pertinence et l’urgence des questions suivantes : Que faut-il faire aujourd’hui pour conjurer la dislocation des Etats d’Afrique Noire par les nationalismes séparatistes ? Faut-il opposer une politique de répression aux mouvements séparatistes ? Faut-il maintenir, par le contrôle policier ou rétablir par la force militaire, l’unité du territoire de l’Etat dont ils veulent se séparer ? Ou faut-il engager des discussions avec les séparatistes pour négocier des compromis fondés sur le partage du pouvoir d’Etat et sur des concessions aux particularismes ethniques, régionaux, culturels et confessionnels ? Faut-il laisser les tentations centrifuges ethniques et régionales suivre leur cours pour que les frontières se recomposent par la dynamique des séparatismes afin que des Etats ethniquement, linguistiquement et culturellement homogènes naissent en lieu et place des Etats multiethniques hérités de la colonisation ? Ou faut-il au contraire entreprendre activement une politique constructive de la nation dans les Etats multiethniques hérités de la colonisation pour unir organiquement les différentes ethnies en un peuple-nation afin d’éviter les séparatismes et les sécessions ?

 

L’histoire prouve que la voie de la politique de la répression policière et de l’écrasement militaire des mouvements séparatistes est toujours une voie d’échec. Si l’écrasement militaire des mouvements séparatistes peut, à court terme, permettre de résoudre le problème d’une partition, il ne saurait en aucun cas tenir lieu de solution définitive. La solution du partage du pouvoir gouvernemental dans l’Etat avec les mouvements séparatistes assorti de concessions aux particularismes et d’avantages matériels substantiels aux leaders, elle aussi, ne met pas fin aux nationalismes ethniques et aux dissidences séparatistes. Quant à la voie de la recomposition des frontières coloniales par la dynamique des séparatismes sous le mot d’ordre wilsonien de l’autodétermination des peuples, elle produirait une multitude d’Etats minuscules ethniquement homogènes mais économiquement et politiquement non-viables à un moment où la tendance historique est à la restructuration des Etats en de grands ensembles multiethniques et multilinguistiques économiquement et politiquement intégrés ! La mise en œuvre de la recomposition des frontières coloniales ouvrirait de surcroît la porte à la dislocation de tous les Etats d’Afrique, à la guerre civile et à d’interminables conflits intérieurs manipulés par les Etats extérieurs et les Grandes puissances en quête de terres et de matières premières comme l’on en a un avant-goût en République Démocratique du Congo. L’unique solution possible au problème du séparatisme dans les Etats multiethniques d’Afrique subsaharienne, hérités de la colonisation, se trouverait-t-elle alors exclusivement dans une politique constructive de la nation ? Pour empêcher les séparatismes et pour conjurer la dislocation des Etats multiethniques d’Afrique sub-saharienne dans des conflits intérieurs et dans des guerres civiles faudrait-il que ceux-ci deviennent effectivement des Etats-nations ? Qu’est-ce donc qu’une nation pour que la transformation des Etats multiethniques africains en Etat-nation puisse constituer la solution au problème du développement des nationalismes séparatistes et des mouvements sécessionnistes ?

 

Au sens ancien du terme, la nation désigne les unités existentielles préétablies fondées sur les lignages que sont les ethnies. De ce point de vue, au sein des Etats multiethniques africains actuels, il existe plusieurs nationalités ethniques séparées par des frontières intérieures plus ou moins fermées en raison des fractures historiques comme l’esclavage précolonial intra-africain, la division et l’atomisation sociales héritées de la colonisation et les antagonismes ethniques utilisés et exacerbés par les compétitions au sein de la classe politique dans les Etats postcoloniaux. Au sens moderne du terme, par contre, la nation est l’unité politique créée par le choix politique de ses citoyens potentiels qui consentent à vivre ensemble selon des lois communes qui excluent l’ethnie, les liens de parenté et le patois. La nation désigne dans ce sens la communauté politique nouvelle voulue pour elle-même qui résulte du dépassement consentie de ces unités existentielles premières par les membres des diverses ethnies s’unissant alors autour de nouvelles valeurs suprêmes communes par lesquelles ils se sentent liés ensemble, éprouvent un sentiment de fraternité, de commune appartenance et sont prêts à sacrifier leur vie pour défendre la nouvelle société politique qu’ils forment par leur union. Une société multiethnique devient donc une nation au sens moderne du terme quand ses membres s’arrachent, chacun, à leur milieu familial, tribal, lignager, régional, et consentent à s’unir dans une nouvelle communauté politique en partageant des représentations et des valeurs communes qui supplantent les représentations géopolitiques correspondant à leurs diverses provinces et aires linguistiques et culturelles. Dire qu’un Etat poly-communautaire X est un Etat-nation c’est dire que les membres des diverses ethnies en son sein forment par-delà leurs communautés naturelles une unité organique nouvelle liée par des valeurs économiques juridiques et morales suprêmes communes et par un sentiment d’appartenance. C’est dire qu’ils se sont donnés un Etat pour incarner cette unité politique et un gouvernement constitué par une partie d’entre eux pour servir ces valeurs et défendre l’intérêt général. C’est dire enfin que les anciennes loyautés coutumières qui liaient les membres de la nation à leurs ethnies sont supplantées par une nouvelle loyauté patriotique qu’ils adressent désormais l’Etat national qu’ils ont créé volontairement.

 

Si l’on retient cette définition moderne de la nation, il est possible d’en déduire que les Etats africains postcoloniaux hérités de la colonisation ne sont pas encore devenus des nations au sens moderne du terme. Il ne suffit pas de qualifier de « nations » les Etats issus de la décolonisation surtout depuis 1945 ni de « nationalistes » les mouvements qui ont abouti à leur décolonisation. Le nationalisme de situation qui unissait les divers peuples opprimés dans la lutte anticolonialiste ne suffit pas à faire naître une nationalité. L’unité de situation dans la lutte contre l’oppression étrangère et la colonisation ne suffit pas fonder l’unité nationale de la diversité ethnique tant que les valeurs pour lesquelles il était préférable de risquer sa vie, de même que la culture qui cimentent la cohésion de la collectivité et fondent le sentiment de commune appartenance par-delà les particularismes ethniques, n’ont pas été structurées et diffusées dans une éducation soutenue par l’exemplarité des élites. Le parti unique instauré par la plupart des dirigeants africains au lendemain des Indépendances ne fut ni l’incarnation étatique de l’unité nationale ni celle du parti du peuple uni dans la lutte contre la multiplicité des tentations centrifuges, sociales ethniques et régionale. Loin de mobiliser les peuples sur un programme de construction nationale, il servit à légitimer la domination de classe des élites qui avaient investi les appareils d’Etat au départ des colons et à reconduire ses attributs répressifs à leur profit. Le caractère centralisé de l’Etat jacobin a été importé en Afrique comme instrument de pouvoir et de contrôle public sous la forme du parti unique sans servir à construire la nation. Contrairement à ce que pensent certains auteurs, ce n’est donc pas le modèle unitaire centralisé de l’Etat-nation jacobin qui génère les sécessions et les séparatismes en provoquant une crispation identitaire et un mouvement centrifuge des ethnies parce qu’inadapté et opposé au modèle de gouvernement plural de l’Afrique précolonial. Est-il besoin de souligner que l’Etat centralisé jacobin français est l’Etat que s’est donné la nation française ? Les nationalismes séparatistes et les mouvements sécessionnistes sont en Afrique les conséquences de la carence de la nation. Ils résultent de l’absence d’une unité politique de la diversité des peuples. Ils émergent de la vacance d’une union nationale consentie sur des valeurs juridiques et morales communes partagées et incarnées par un Etat que les membres de la nation se sont donnés eux-mêmes pour servir et défendre l’intérêt général. La réactivation du mouvement centrifuge des ethnies qui conduit au nationalisme ethnique générateur des séparatismes, répond aux exactions d’Etats répressifs clivants, corrompus et prédateurs. Les mouvements séparatistes africains sont plutôt suscités par des injustices d’Etat. Ils naissent en réaction à l’hégémonie d’un Etat hétéronome, perçu par les peuples comme une entité étrangère et prébendière. Ils sont provoqués par l’exclusion, la marginalisation et l’oppression économique sociale et politique dont sont victimes, de la part des Etats et des groupes ethniques qui en prennent possession, les ethnies et les régions qui ne participent pas au pouvoir où n’en sont pas les clientèles. Du Nigeria au Mali en passant par le Sénégal et la République Démocratique du Congo, cette grille de lecture de la genèse des séparatismes et des sécessions semble pertinente.

 

Les séparatismes et les mouvements sécessionnistes dans les Etats multiethniques d’Afrique sub-saharienne posent donc la question de la construction de l’unité politique des peuples. Ils font émerger la question urgente de la création d’une nation consentie, voulue par elle-même, constituée par le choix politique délibéré de ses citoyens potentiels. Ils soulèvent la question d’un Etat autonome que cette nation se donne elle-même à elle-même ; d’un pouvoir public suprême qui est voué au service de l’intérêt général et gouverné par les membres de la nation conformément aux valeurs suprêmes selon lesquels elle veut être dirigée. La nation moderne qui n’a pas encore été construite dans les Etats multiethnique d’Afrique subsaharienne reste donc entièrement à bâtir avec la Truelle. Rendant possible l’unité collective des citoyens sur d’authentiques projets historiques, unité indispensable au développement économique, la nation est sûrement le chaînon manquant qui le bloque. « Les nations sont le plus souvent la conséquence de l’établissement d’un Etat qu’elles n’en sont le fondement » écrit Eric Hobsbawm. « Mais la simple fondation d’un Etat ne suffit pas à créer une nation » ajoute-t-il. En Afrique sub-saharienne, l’unité nationale artificielle décrétée par les maîtres d’œuvre des partis uniques dans les Etats multiethniques, n’a pas construit un peuple-nation. L’existence des Etats indépendants n’a pas non plus produit un patriotisme citoyen parce qu’ils furent créés « à partir de régions existantes sous administration coloniale au sein des frontières coloniales » « tracées sans que les habitants aient eu leur mot à dire, parfois même sans qu’ils le sachent » comme le souligne fort pertinemment Eric Hobsbawm. Ce qui caractérise le patriotisme citoyen est la fidélité des membres de la nation à l’Etat qui a été créé par le peuple souverain et qui exerce le pouvoir en son nom pour servir l’intérêt général. Ce qui caractérise le peuple-nation est qu’il représente l’intérêt commun contre les intérêts particuliers, le bien commun contre les privilèges. Or Le règne de la corruption, des conflits d’intérêts et des antagonismes ethniques dans les Etats multiethniques africains trahit la carence d’un peuple-nation. La prédominance du loyalisme et de la préférence ethnique y dénonce le manque d’un patriotisme citoyen.

 

Il est donc urgent d’engager immédiatement une politique constructive de la nation dans les Etats multiethnique subsahariens pour éviter les partitions, les sécessions et les séparatismes. En dépit du caractère désormais obsolète de l’Etat-nation dans un monde qui est de nos jours celui de la supranationalité, des grands regroupements économiques et politiques transnationaux, il est néanmoins nécessaire d’entreprendre, urgemment, dès maintenant, la construction d’Etats-nations en Afrique sub-saharienne pour inscrire la région dans la nouvelle restructuration supranationale du globe au risque d’une régression de cette portion du continent dans les partitions et dans l’infra-nationalité. Telle devrait être, en Afrique, l’objectif immédiat de la démocratie qui réalise, à la différence du parti unique, les conditions concrètes dans lesquelles peut être diffusée la représentation géopolitique, somme toute, nouvelle de la nation et de son unité et dans lesquelles peuvent être mis en œuvre les débats, les discussions et les actions propres à résoudre les crises qui suscitent les séparatismes. La question de la nature de ces débats, de ces discussions et de ces actions qui doivent être menés pour cheminer dans ce sens reste donc entièrement posée.

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17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 18:09

Quand nous aurons compris ce qui nous gère, nous pourrons à notre tour gérer notre avenir....

 

Stratégie de manipulation des masses
Noam Chomsky


La stratégie de la distraction

Créer des problèmes puis offrir des solutions

Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion

Remplacer la révolte par la culpabilité

La stratégie de la dégradation

Stratégie du différé

S’adresser au public comme à des enfants en bas âge

Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise

Encourager le public à se complaire dans la médiocrité

 ·         Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes. 

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16 juin 2012 6 16 /06 /juin /2012 12:25

Paris, le 15 juin 2012
Survie

Depuis plusieurs jours, la mobilisation des populations gabonaise et togolaise face aux clans qui les oppriment depuis 45 ans prend une ampleur énorme. Malgré les discours de façade sur la démocratisation en marche qui ont suivi les successions dynastiques à la tête du Gabon et du Togo, la seule réponse des autorités reste la répression. L'association Survie soutient les peuples togolais et gabonais dans leur lutte et demande au nouvel exécutif et au prochain Parlement français de condamner publiquement la répression ordonnée par deux régimes surannés de la Françafrique.

Au Gabon, les autorités ont tenté d'empêcher un contre-forum de la société civile la semaine dernière[1] et la police détient et maltraite depuis lundi une vingtaine de leaders de manifestations étudiantes qui ont le tort de réclamer le versement des bourses universitaires et le respect des droits des étudiants. Jeudi matin, alors que d'autres étudiants tentaient d'accéder au tribunal pour dénoncer le simulacre de procès en préparation, la répression est montée d'un cran avec l'annonce de l'ordre de tirer à balles réelles sur les manifestants s'ils tentent d'accéder à l'audience.

Au Togo, le Collectif "Sauvons le Togo", qui regroupe depuis avril dernier dix-sept organisations de défense des droits humains, associations de la société civile et partis politiques d’opposition, a initié mardi un vaste mouvement populaire de protestation. Plusieurs centaines de milliers de personnes sont ainsi descendues dans la rue pour exiger l'application des recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation et refuser la récente modification du code électoral qui renforce la suprématie du clan au pouvoir. Là aussi, la réponse brutale du pouvoir ne s'est pas fait attendre, avec le déploiement de l'armée pour quadriller la capitale et étouffer la contestation. En dépit d'une répression violente, la mobilisation ne faiblit pas et se cristallise désormais autour de revendications qui mettent en péril le régime.

Quels sont les autres points communs entre ces deux situations ?

Par une triste coïncidence, les clans au pouvoir au Gabon et au Togo ont été installés en 1967. Ils ont toujours pu compter sur le soutien de la France , à travers une coopération militaire et policière particulièrement active. Qui a formé et équipé les forces de l'ordre qui répriment aujourd'hui violemment ces manifestations ?

Dans ces deux pays, la mort du « dictateur ami de la France » a été suivie d'une succession dynastique immédiatement avalisée par la France , malgré les contestations populaires. Au Togo, Faure Gnassingbé a hérité du pouvoir de son père Gnassingbé Eyadéma en 2005, au terme de violences qui ont fait 500 à 1000 morts et 40 000 réfugiés selon l'ONU. Au Gabon, Ali Bongo a confisqué le résultat de l'élection présidentielle après la mort d'Omar Bongo en 2009, entraînant des manifestations réprimées dans le sang. Qui, dans le nouvel exécutif français, peut nier que ces chefs d'État ont usurpé leur accession au pouvoir ?

Au Gabon comme au Togo, les manifestants qui font aujourd'hui face aux forces répressives craignent que la diplomatie française ne continue à soutenir les régimes en place. Qui peut oublier qu'en pleine campagne présidentielle, Laurent Fabius avait justement été reçu par les despotes Faure Gnassingbé (le 8 décembre 2011) et Ali Bongo (le 13 février 2012) ? Il est maintenant temps que le nouveau ministre des Affaires Étrangères défende les aspirations des peuples à la démocratie, au Gabon et au Togo comme partout ailleurs.

L'association Survie attend de l’Élysée et du Quai d'Orsay la condamnation publique de la répression dans ces deux pays, et espère que la nouvelle Assemblée nationale qui sortira des urnes dimanche se saisira de ce double exemple de plus pour faire enfin l'examen critique de la politique de coopération policière et militaire française avec les régimes autocratiques[2].



Contact presse :

Stéphanie Dubois de Prisque

Chargée de communication

01 44 61 03 25
 

stephanie.duboisdeprisque@survie.org 

 

Contact au Gabon : 

Bruno Oondo Mintsa, du mouvement "Ca Suffit Comme ça !"

Tel : (+241) 05379046

ondomib@yahoo.fr

Contact au Togo :

André Afanou, Directeur exécutif du CACIT (Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo)

Tel : (+228) 98150288

andreafanou@gmail.com



[2] Plus largement, l'association rappelle les 5 engagements qu'elle demande au nouveau gouvernement : http://survie.org/francafrique/article/francafrique-le-changement-c-est

 -- Stéphanie Dubois de Prisque Chargée de communication stephanie.duboisdeprisque@survie.org Association Survie 107, boulevard Magenta 75010 Paris Tél : 01 44 61 03 25 Fax : 01 44 61 03 20 http://survie.org 
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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 17:11

6 juin 2012
Komla Kpogli


La conquête médiatique de l’Afrique : comment des pays et des groupes d’intérêts tissent leur toile autour de l’Afrique

 

Dans les écoles de communication, il est bien connu que la meilleure propagande est celle qu’on se fait à soi. Il est bien connu aussi que pour bien vendre un produit, il faut communiquer intensément autour de lui. Ces assertions sont en train d’être vérifiées, une nouvelle fois, en terre africaine où se déploie actuellement un gigantesque marathon visant à y implanter des médias. Surtout, la télévision. L’image étant le moyen le plus évident de convaincre.

 

Après l’enracinement des médias tels que BBC (British Broadcasting Corporation), VOA (Voice of America), RFI (Radio France Internationale), DW (Deutsche Welle), renforcés par CCTV-F (Télévision chinoise en Français), France 24 qui sont parfois plus connus en Afrique que dans les pays d’où ces radios et télévisions émettent, voici venu l’heure de Al Qarra TV, Al Jezeera qui investissent la place.

 

Pour ceux qui doutent, le dispositif médiatique est l’un des meilleurs outils du Soft Power, puissance d’influence, qu’un pays, un groupe commercial, un acteur socio-politique et idéologique puisse déployer pour atteindre ses objectifs au moindre coût possible. Capacité d’atteindre une masse, capacité de faire adhérer à une cause, capacité de répéter un message et le faire entrer dans les cerveaux, capacité de transformer le vrai en faux et le faux en vrai, capacité de fidéliser un groupe d’hommes. Voilà quelques-unes des forces des médias.

 

Pendant que le sommeil se prolonge sous les tropiques, à pas masqués et prétendant la volonté d’informer les populations africaines – l’information étant un outil de guerre et la laisser entre les mains étrangères est plus que dangereuse – des détenteurs de capitaux et des groupes d’intérêts divers et variés sont en train de tisser leur toile médiatique autour de l’Afrique. Les tout premiers à avoir compris qu’il fallait prendre les Africains en étau, les dresser, leur labourer la tête pour les paralyser aussi bien dans la réflexion que dans l’action, les piller sans qu’ils s’en rendent compte sont les occidentaux. Avec BBC, RFI, DW, VOA, CNN, les agences Associated Press (USA), Reuters (Angleterre), AFP (France)…ils ont garanti des contacts avec les populations. Ils ont noué entre ces populations et leurs pays ainsi que les entreprises multinationales qu’ils servent des liens quasi indéboulonnables.

 

Ces médias ont toujours présenté l’Afrique comme une terre misérable, minée par des conflits fratricides et ethniques, pauvre et demandant éternellement l’aide d’un Occident généreux, bienfaisant et bon samaritain pendant que les richesses africaines sont drainées vers l’étranger. Ces médias ont installé dans le décor africain l’Occident, ses intérêts, ses vues, ses désirs, ses projets, ses hommes. Cette présence est présentée comme normale, légitime puisque purement humanitaire. Il en est ainsi de la présence des bases militaires françaises en Afrique qui y seraient rien que pour « sauver les africains et empêcher des guerres ethniques ». « L’ethnie » serait la mesure de toute chose en Afrique, selon les spécialistes médiatiques occidentaux.

 

Des militaires britanniques envoyés de temps à autre dans tel ou tel pays, comme ce fut le cas en Sierra Léone et plus récemment en Somalie serait tout aussi des missions humanitaires. Les Etats-Unis d’Amérique qui déploient actuellement leur outil militaire Africom seraient eux aussi en train de s’installer en Afrique pour permettre aux Africains de vivre en sécurité et de ne plus se faire des guerres entre eux. Eux qui se sont « tant battus les uns contre les autres et souvent tant haïs, qui parfois se combattent et se haïssent encore mais qui pourtant se reconnaissent comme frères » disait Sarkozy dans le portrait qu’il fit de l’homme africain à Dakar.

 

Ailleurs, l’Occident défend ses intérêts. En Afrique, il est en mission humanitaire. Il n’y est que, parce qu’épris d’amour pour l’homme noir qu’il a tant aimé au point de l’avoir mis dans les fers de l’esclavage et de la colonisation, pour l’aider au développement. Et cela lui coûte d’ailleurs des sommes colossales, nous apprend-on dans ces médias. Ainsi donc inversé, et cette inversion répétée à l’infini, le rôle de l’Afrique dans l’économie mondiale est celui d’une terre qui n’a rien et à qui de bonnes âmes donnent tout. Pourtant les fameux « explorateurs » et « découvreurs » au XVIIIè siècle déjà la trouvaient immensément riche. Où sont donc passées les richesses qu’ils décrivirent dans leurs récits de voyage pour que l’Afrique soit devenue si « pauvre » qu’elle ne doive sa survie qu’à « l’aide » ?

 

Considérant l’Afrique comme son domaine réservé qu’il aide en le pillant, l’Occident voit d’un mauvais œil les incursions des autres sur ses terres. Le cas le plus patent est celui de la Chine qui, en pleine croissance, vient chercher ses ressources manquantes en Afrique, éternel continent à partager et à repartager entre puissances d’hier et celles naissantes. Confrontée donc aux tentatives d’empêchement et de « déstabilisation » des premières, la Chine définit une stratégie médiatique sur deux fronts en Afrique. Il s’agit de construire et de polir son image à travers les médias qu’elle pilote elle-même et de joindre dans le même temps des journalistes africains à cette entreprise.

 

Sur le premier registre, la Chine a lancé depuis le 11 janvier 2012 sa section Afrique de la CCTV émettant depuis Nairobi au Kenya. CCTV Africa projette ouvrir 14 bureaux locaux dans différents territoires africains. Réduite pour le moment à 02 heures d’émission par jour, la CCTV Africa compte d’ici 2015 émettre 24 heures 24. Outre la chaîne de télévision, la Chine déploie son agence de presse Xinhua (Chine nouvelle) qui dispose déjà de plus de 150 correspondants dans toute l’Afrique.

 

Sur le second plan, la Chine, consciente que pour mieux évangéliser un peuple il faut associer des indigènes au projet, recrute et forme des journalistes africains. Visitant le 21 avril 2011 le Kenya, Li Changchun, membre du comité permanent du bureau politique du comité central du PCC, affirmait que la Chine a formé 208 journalistes et patrons de médias africains entre 2004 et 2010. La tactique de la formation des journalistes africains continue de faire son œuvre. La guerre psychologique est donc engagée par la Chine au travers des Africains pour rassurer les Africains et rejeter le plus loin possible l’influence occidentale dans les territoires africains. Les pays occidentaux sont eux-mêmes des adeptes de cette stratégie qui repère des journalistes locaux, leur attribue des bourses pour la formation, les invite dans leurs ambassades pour leur offrir des amuse-gueule lors de ce qu’on appelle des séminaires de formation. En la matière donc la Chine ne fait que copier ses prédécesseurs.

 

Ainsi donc la combinaison de ces deux stratégies portées par le slogan de « Gagnant-gagnant » vanté par la Chine et incorporé aujourd’hui dans le vocabulaire africain, la Chine a plutôt bonne presse en Afrique. Son image polie passe mieux que celles des Occidentaux. Des « intellectuels » africains n’hésitent pas asséner à longueur d’articles ou de commentaires que la Chine est la seule et vraie « partenaire » que l’Afrique dispose. On cite le développement chinois en modèle sans jamais mentionner qu’il fut précédé de plusieurs révolutions sanglantes qui avaient détruit le règne des colons et leurs suppôts, et qui avaient ramené la Chine à ses racines culturelles. Les liens que Chine a avec l’Afrique sont présentés comme salvateurs pour une Afrique détruite par l’exploitation occidentale.

 

Sans Etats en Afrique, avec des territoires dirigés par des pions et des individus sans foi ni loi, il y a toujours des « intellectuels » africains qui trouvent que le peuple africain profite de ces relations dont la principale caractéristique est de donner des contrats miniers et des contrats de construction d’infrastructures (et quelles infrastructures ?) aux chinois. Sans Etat, avec des dictateurs corrompus et assassins des africains qu’ils régentent parce que s’opposant à eux, qui va défendre les intérêts de l’Afrique, l’Afrique de la base et non du sommet en coupure totale avec celle-ci ? Comment peut-on penser intérêt du peuple en étant son plus fervent opposant ?

 

A la veille du Forum de Pékin (Beijing) en 2006, les autorités chinoises invitèrent 23 journalistes de 16 pays d’Afrique francophone afin de leur permettre de « vivre les réalités de la République populaire de Chine comme des témoins privilégiés de la transformation d’un pays par la magie du travail. » Ces journalistes missionnaires originaires du Bénin, Burundi, Cameroun, Congo, Congo (RDC), Djibouti, Gabon, Guinée-Conakry, Madagascar, Mali, Maurice, Niger, Seychelles, Tchad, Togo et des Comores, avaient été conduits dans des villes symboles et douchés dans le bain chinois durant leur séjour du 16 au 26 septembre 2006. Suite à ce forum, un plan d’action a été publié.

 

Dans ce plan d’action de Beijing (2007-2009) Pékin annonçait sa décision d’aider les pays africains à former le personnel des radio-télévisions et à « inviter des responsables et des autorités de la presse et des groupes de médias, ainsi que des journalistes africains, à venir en Chine pour échanger des vues, faire des reportages et explorer des modalités de coopération efficaces. » Une fois rentrés dans leur territoire respectif, la prédication laudatrice en faveur de la Chine peut commencer. A côté de ce dispositif médiatique, sans cesse renforcé par des bourses et autres dons chinois, Pékin fonde des Instituts Confucius partout dans les universités africaines et attire par des bourses des étudiants africains qui devront séjourner en Chine et revenir en Afrique y apporter l’amour de la Chine et y défendre ses intérêts.

 

L’offensive médiatique en Afrique ne se limite à ces seuls pays. Le Qatar déjà propriétaire des terres fertiles en Afrique arrive avec son Al-Jezeera. En février 2012, le pays lançait à Nairobi au Kenya Al Jezeera en Swahili avec un potentiel de 100 millions de téléspectateurs. Dans un article publié le 28 mai 2012 par Georges Malbrunot et Paule Gonzales du Figaro nous informent que Al-Jezeera serait en train de réfléchir sur le lancement d’une version française qui sera basée à Dakar dans le territoire du Sénégal. Plus loin dans cet article, on apprend que le choix de Dakar est fait par le Qatar non seulement parce que « Al-Jazeera sera beaucoup plus libre de s’affranchir de certaines contraintes au Sénégal qu’à Paris », mais aussi parce que le Qatar est à la recherche d’une influence politique et entend par là contester la domination française dans la région. C’est dire combien l’Afrique est une proie discutée pendant que ses populations assommées par les pillages de toute sorte sont dans un sommeil comateux.

 

Au-delà, prétendant condamner la diffusion d’images misérabilistes sur l’Afrique par d’autres médias, un groupe d’hommes menés par le tunisien Najib Gouiaa et le français Pierre Fauque financé par une banque dont Najib Gouiaa tait le nom, a créé Al Qarra TV. Sa rédaction permanente est basée à Paris et elle fait de l’information toute en images avec un réseau de correspondants en Afrique. On apprend par la voie de Najib Gouiaa que Al Qarra disponible pour le moment en Arabe, en Anglais et en Français, est en train de travailler sur « d’autres versions linguistiques du continent ». Cette télévision qui, selon l’aveu de son directeur Najib Gouiaa, reçoit 80% de ses images des agences Associated Press, Reuters et l’AFP et d’indépendants est suivie pour le moment massivement par les « cadres » et des « acteurs économiques et politiques ».

 

Comme on peut le voir, chacun active son Soft Power pour parvenir à ses fins en Afrique. En montrant notre incapacité à reconquérir notre espace et à l’occuper effectivement, nous avons laissé la terre africaine, ses richesses et son peuple à la merci de tous les vents et de tous les intérêts. Nous avons laissé notre espace territorial libre et à ce titre, il n’est que justice que d’autres viennent l’investir avec leurs idées et les produits. C’est dire combien le réveil sera lent et douloureux car, les résultats du Soft Power qui installe dans les cerveaux des croyances et des opinions difficilement modifiables sont les plus efficaces. En secrétant et en répétant à longueur de journées, des idées pour servir leurs intérêts divers et variés, ces médias fabriquent et conditionnent l’opinion africaine.

 

Ils peuvent grâce à leur pouvoir de manipulation à grande échelle renverser des pouvoirs indésirables ou plonger les populations dans une léthargie assurant la plus grande stabilité à une tyrannie obséquieuse et docile. On a vu d’ailleurs de quoi France 24, RFI, BBC, CNN, VOA, DW ont été capables sur la Côte d’Ivoire. On a vu de quoi a été capable Al Jezeera sur la Libye avec des images hollywoodiennes de massacre de populations civiles par les hommes de Kadhafi tournées dans ses studios à Qatar. On vu combien France 24, BBC, CNN…ont été capables de fabriquer l’opinion aussi bien dans leur pays respectif que dans les pays désignés à subir des guerres humanitaires de l’Occident.

 

Il est donc nécessaire que les milieux de combat pour une autre Afrique intègrent dans leurs réflexions la question des médias. Par quel canal et comment, dans cette bataille satellitaire qui se mène sur le continent, arriver à parler aux Africains pour faire passer le message de la nécessité de renverser le désordre organisé imposé comme un ordre établi en Afrique ? Par quel canal démontrer aux Africains que leur seul et unique allié dans le monde est eux-mêmes ? Comment faire adhérer les Africains à la réalité selon laquelle la construction de véritables Etats dirigés par des hommes ayant le devoir de rendre compte de leurs actions précède toute idée de coopération ? Par quel canal prouver aux Africains que les relations internationales sont fondées sur les logiques de puissance et d’intérêts alors qu’on leur vend l’opinion qu’elles sont l’œuvre de la paix et des fameux droits de l’homme ? Par quel canal remettre les valeurs africaines au centre des préoccupations à l’heure toute sorte de cultes investit l’Afrique et coupe les Africains de leurs capacités créatrices les plus intrinsèques ? Ce ne sont pas les satrapes africains, ces contremaîtres rétribués au prorata du travail servile fourni par les Africains sous leur surveillance sanglante qui réfléchiront sur ces questions d’enjeux majeurs. Ils sont satisfaits de leurs parts dans le système. Ils n’ont rien à foutre du reste.

 

Toutes ces questions méritent de sérieuses discussions dans ces milieux. En laissant les Africains être informés et formés (au journalisme notamment) par les autres, disons plutôt déformés par les autres, on donne à ceux-ci le droit de les programmer contre eux-mêmes, contre toute l’Afrique et son avenir.

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 22:56

4 mai 2012
Rosa Moussaoui

 

 

Pour l’essayiste, pas de doute, la grave crise dans laquelle est plongé le Mali est une conséquence directe de la guerre de l’Otan en Libye. Cette figure altermondialiste met aussi 
en accusation les ingérences extérieures et les politiques austéritaires imposées depuis trente ans à l’Afrique par les institutions financières internationales.

 

En quoi le Mali est-il victime 
de la déstabilisation régionale déclenchée par la guerre en Libye ?

 

Aminata Dramane Traoré. La rébellion touareg, au Mali, n’en est pas à sa première édition. Par le passé, des réponses se sont toujours dégagées, même si elles se sont avérées précaires. Jamais ce conflit n’avait atteint la portée catastrophique qui est la sienne aujourd’hui. Sans la guerre de l’Otan en Libye et la liquidation du régime de Mouammar Kadhafi, les groupes armés n’auraient jamais acquis cette supériorité militaire qui leur a permis de prendre, en un temps éclair, le contrôle des deux tiers du territoire malien. Le Mali paye aujourd’hui le prix de cette guerre et de l’ingérence des Occidentaux dans des crises qui auraient pu trouver des réponses politiques. Je suis choquée de l’appui que certaines personnalités de gauche, en France, ont apporté à cette intervention militaire. Nous aussi, nous avions nos griefs contre Kadhafi. Je pense en particulier à l’accaparement de nos terres agricoles, aux « investissements », en Afrique, de capitalistes libyens liés au régime, plus soucieux de profits que de coopération. Il y avait des questions internes à l’Afrique, internes à la Libye. Mais était-il légitime d’exposer des millions de personnes au chaos pour « protéger », à coup de bombes, les populations de Benghazi ? Nous n’en sommes, aujourd’hui, qu’au prologue d’une tragédie qui frappera, à terme, tous les pays de la bande sahélo-saharienne, déjà fragilisée par la présence d’Aqmi, par le changement climatique qui entretient les crises alimentaires, par la paupérisation de pans entiers de nos sociétés.

 

Les pays voisins, comme le Niger, sont-ils 
eux aussi menacés, à court terme,
par les effets du chaos libyen ?

 

Aminata Dramane Traoré. Ils le sont déjà. Dès l’été dernier, le Mali et le Niger s’alarmaient de la circulation d’armes et de munitions. Nous avons dû faire face au retour de dizaines de milliers de travailleurs subsahariens dont l’apport à nos économies était substantiel. Cette guerre menée au nom de la « démocratie » s’est traduite par de graves préjudices économiques et politiques pour les pays sahéliens. S’agissant du Mali, le président déchu, Amadou Toumani Touré (ATT), porte sa part de responsabilité dans la genèse de la crise qui frappe le pays. Sa gestion « consensuelle » du pouvoir, sa légèreté dans la gestion de nombre de dossiers sont en cause. Mais une chose est certaine : Nicolas Sarkozy n’a pas obtenu de lui ce qu’il voulait en matière de gestion des flux migratoires, pas plus que dans le domaine de la lutte contre Aqmi.

 

Voulez-vous dire qu’ATT a payé son refus 
de toute ingérence militaire étrangère 
pour lutter contre Aqmi sur le sol malien ?

 

Aminata Dramane Traoré. Mais bien sûr ! Après son accession à l’indépendance, le Mali a exigé et obtenu le départ de l’armée française. Nous sommes fiers de cet acquis, qu’ATT ne pouvait remettre en question. Qui voudrait d’une armée étrangère sur son sol ? Surtout par ces temps de lutte mondiale contre le terrorisme, qui dissimule d’autres intérêts, en particulier pétroliers. Certains pays voisins se sont montrés plus ouverts à l’ingérence militaire française… Si la France veut intervenir dans cette région, ce n’est pas pour nos beaux yeux. Elle est dans une démarche de reconquête. Quant aux États-Unis, qui ne sont pas parvenus, jusqu’ici, à installer le siège de l’Africom sur le continent, ils sont dans une démarche de conquête. Ne nous voilons pas la face : les enjeux pétroliers, miniers, géostratégiques sont considérables face à la Chine.

 

À Alger comme à Bamako, certains redoutent une volonté de réactiver sous une nouvelle forme un vieux projet colonial, celui 
de l’organisation commune des régions sahariennes (OCRS). Qu’en pensez-vous ?

 

Aminata Dramane Traoré. La colonisation est à l’origine de la déstructuration des sociétés touareg, du démantèlement de leurs repères. La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui est le résultat d’une longue histoire. Le commerce transsaharien, séculaire, était assuré par des peuples nomades, qui vivaient des transactions entre les deux rives du Sahara. Ce mode de vie fut chamboulé par la colonisation. Les premières rébellions touareg n’étaient pas dirigées contre un État africain quel qu’il soit, mais bien contre le pouvoir colonial. Après les indépendances, nous avons hérité des séquelles de la colonisation, qui a bouleversé nos sociétés de fond en comble. La question touareg fait partie de cet héritage colonial. Elle a été compliquée, ensuite, par la difficulté à constituer des États solides, organisés, capables de répondre à l’immense demande sociale.

 

Les précédentes rébellions touareg avaient plutôt une orientation « développementaliste ». Pourquoi les plans de développement en direction du nord n’ont-ils porté aucun fruit ?

 

Aminata Dramane Traoré. Cette nouvelle rébellion est révélatrice des failles d’un modèle de développement orienté par la demande de matières premières des pays industrialisés plutôt que par les demandes sociales de nos peuples. Nous nous sommes « développés » selon des schémas sans rapport avec notre besoin de dignité et de justice. Le résultat est un échec lamentable d’un bout à l’autre du continent. Les programmes d’ajustement structurel de la décennie 1990, sous prétexte de « redressement économique », ont eu pour résultats la flambée du chômage, le gonflement des flux migratoires, l’exacerbation des luttes intestines. Avec leurs institutions financières, depuis trente ans, nous subissons ces politiques d’austérité. Qu’y a-t-il d’étonnant, dès lors, à ce que des jeunes, revenus de Libye sans avenir, sans perspective, prennent des armes, revendiquant un territoire ? La France, elle, joue avec le feu, en cautionnant, en sous-main, cette revendication indépendantiste.

 

Pourtant la France a-t-elle rejeté la proclamation d’indépendance de l’Azawad. Pourquoi pensez-vous qu’elle appuie la rébellion ?

 

Aminata Dramane Traoré. Les médias français ont assuré aux rebelles touareg une visibilité inouïe. On cultive, en France, ce mythe des hommes bleus, qui constitueraient une partie de la population oubliée. Mais le modèle économique et politique qui nous est imposé plonge tous les peuples d’Afrique dans la misère, le chômage, la faim, le désespoir. J’entends, je comprends les revendications des Touareg. Mais j’estime qu’elles n’ont rien de spécifique. La rébellion n’aurait pas, je crois, revendiqué deux tiers du territoire au nom de 10 % de la population si elle n’avait pas reçu l’assurance d’un appui extérieur. Paris n’a cessé de s’en prendre, ces dernières années, à l’État central malien, accusé de faiblesse dans la lutte contre Aqmi. Avec l’idée que les Touareg seraient plus efficaces sur ce terrain.

 

Pour vous, Paris voulait donc « sous-traiter » aux Touareg la lutte contre les groupes islamiques armés ?

 

Aminata Dramane Traoré. Oui. Quitte à entretenir là un foyer de tension interne au Mali. Je veux que les Touareg sachent que les Peuls, les Songhaï, les Bamana et tous les autres souffrent eux aussi. Nous souffrons tous d’un modèle économique et d’un système politique qui doivent changer. C’est ensemble que nous devons les changer, en nous prémunissant des ingérences. La France instrumentalise cette crise, en se moquant éperdument des conséquences. Plus de 320 000 Maliens sont aujourd’hui déplacés, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. Parce que Nicolas Sarkozy prétendait en finir avec Aqmi. Manque de chance pour lui : la brèche ouverte par la rébellion a permis à Aqmi de s’installer durablement dans ces régions, avec d’autres groupes islamistes armés. Les dégâts du quinquennat de Sarkozy en Afrique sont incommensurables. Nous nous sommes toujours plaints de la Françafrique. Mais en cinq ans, outre la guerre aux migrants, Nicolas Sarkozy nous a infligé deux guerres, menées au nom de la « démocratie ». Je ne veux plus, quant à moi, entendre parler d’une démocratie dictée de l’extérieur, quand les peuples, en réalité, n’ont pas voix au chapitre. Il s’agit de faire comme le Quai d’Orsay et l’Élysée l’entendent. Le peuple français lui-même est exclu de ce débat. Nous 
attendons de l’alternance politique en France une politique africaine radicalement différente. Que l’on cesse de nous cacher les intérêts miniers, pétroliers et géostratégiques de la France, qui cherche une sortie de crise passant par l’Afrique, au prix de milliers de vies humaines. C’est cela qui se joue aujourd’hui au Mali.

 

Avec un pays coupé en deux, une armée défaite, une classe politique désorientée, une transition chaotique, les conditions ne sont-elles pas réunies pour que le Mali finisse par abdiquer toute souveraineté ?

 

Aminata Dramane Traoré. Nous nous leurrons, nous nous mentons à nous-mêmes en disant que nous sommes des pays indépendants, souverains, en voie d’émergence, où les coups d’État viennent entraver la marche de l’Afrique vers le progrès. C’est faux. Les conditions de ces coups d’État sont réunies parce que nous sommes dans des situations où les contre-pouvoirs n’existent pas, où les opposants, au lieu de s’opposer à un système politique, s’opposent à ceux qui sont au pouvoir dans l’idée de prendre leur place pour poursuivre les mêmes politiques. Depuis la fin de la guerre froide, nous avons assisté à des alternances, jamais à des changements porteurs d’alternatives économiques. Ce système capitaliste est en crise. La vitrine de la démocratie occidentale implose. Vous le dites en France, pourquoi ne pourrions-nous pas le dire chez nous ?

 

À la fin de la décennie 1990, le discours sur « la mondialisation heureuse » était dominant. À l’immense aspiration démocratique ont répondu des politiques de privatisation, de désindustrialisation, d’abandon des plans de développement agricole. Il fallait tout liquider, libéraliser, supprimer les subventions, les bourses, les budgets alloués à la santé. Ce sont ces mêmes questions qui sont aujourd’hui à l’ordre du jour en Europe ! La classe politique s’est tue, parce qu’elle avait besoin des financements extérieurs, de « l’aide internationale ». Les soi-disant démocrates arrivés au pouvoir en 1992 ont donc accepté de circonscrire la démocratie à sa dimension purement institutionnelle, pour fermer les yeux sur la question de la souveraineté politique, économique, monétaire. Au lieu de bâtir un projet politique répondant aux aspirations du peuple en matière d’emploi, de revenus, d’éducation, de santé, on a bricolé une classe moyenne avec de l’argent volé. Le mot d’ordre était : « Enrichissez-vous ! » On a fabriqué une génération d’hommes d’affaires à travers les passations de marché. Avec la bénédiction de la « communauté internationale », des bailleurs de fonds, des agences de développement. Le résultat ? Une « démocratie » affairiste et corrompue, où aller aux affaires signifie s’enrichir, enrichir le parti, pour être en capacité d’acheter les voix qui permettront de se maintenir au pouvoir sans jamais rien changer.

 

Dans l’immédiat, quel scénario de sortie 
de crise entrevoyez-vous pour créer 
les conditions d’une réunification et d’un retour à la stabilité au Mali ?

 

Aminata Dramane Traoré. Dans cette équation, les islamistes constituent une inconnue. Que veulent-ils réellement ? Quant aux Touareg, tous ne veulent pas la partition. Les rebelles eux-mêmes sont, je pense, capables d’entendre raison si l’on situe le débat sur le terrain du changement auquel nos populations aspirent, au nord comme au sud. Pour reprendre, tous ensemble, le contrôle des richesses de nos pays, qui doivent profiter au peuple et non à une petite élite corrompue. Nous devons remettre en cause ce modèle de développement, ce processus de « démocratisation » imposés de l’extérieur et penser le changement en des termes autres que ceux de l’enrichissement personnel, de la captation des ressources.

 

Dangereux chaos malien

 

L’offensive de la rébellion touareg, déclenchée le 17 janvier dernier, a plongé en quelques semaines le Mali dans une guerre qui s’est muée en grave crise politique, jusqu’au coup d’État du 22 mars. Ce jour-là, des soldats mutins, partis du camp de Kati, ont renversé le président Amadou Toumani Touré, accusé d’« incompétence » sur le front du nord, théâtre d’une lutte inégale entre la rébellion, lourdement armée et encadrée par des militaires touareg revenus de Libye, et l’armée malienne, mal équipée et peu familière de ces régions désertiques. Les groupes armés sillonnant le septentrion ont tiré avantage de la confusion politique régnant à Bamako, prenant, en un temps éclair, le contrôle des deux tiers du territoire malien et les villes de Kidal, Gao, Tombouctou. Si les rebelles touareg revendiquent l’indépendance, les groupes djihadistes, à l’instar d’Ansar Eddin, visent, eux, l’instauration d’un émirat régi par la charia au Mali. Alors que le chaotique processus de transition politique supervisé par la Communauté des États d’Afrique 
de l’Ouest (Cedeao) apparaît bien fragile, des centaines de milliers de personnes ont fui les zones contrôlées 
par les groupes armés.

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 02:50

5 mai 2012
Source: Afrikarabia

 

 

Dans un court essai, le journaliste Vincent Hugeux, dresse un portrait sans concession du continent africain et de ses pseudos "progrès démocratiques". Pour ce spécialiste de l'Afrique, il s'agit d'une "mascarade" :  "les caïmans du marigot ont appris à manier le lexique du pluralisme, de la transparence et de la "bonne gouvernance"… pour mieux s'affranchir de ses effets". L'analyse est imparable, notamment au regard des dernières élections en République démocratique du Congo (RDC). Un essai revigorant.


6557-1409-Couverture.jpgAfro-optimiste s'abstenir.

 

Le court essai de Vincent Hugeux, "Afrique : le mirage démocratique", risque de vous ébranler dans vos dernières certitudes. Non, la démocratie ne progresse pas en Afrique subsaharienne. Dans ce livre d'une soixantaine de pages, le journaliste de l'Express et auteur des excellents "Sorciers blancs" et "L'Afrique en face" estime que "les simulacres électoraux auxquels on assiste suffisent à relativiser la démocratisation réelle du continent africain". Et de citer la Côte d'Ivoire, le Zimbabwe, le Gabon ou la RDC. L'auteur y dénonce les tripatouillages électoraux et les "bricolages constitutionnels permettant à des chefs d’État d’être réélus indéfiniment".

Nous apporterons une mention particulière pour les passages concernant la République démocratique du Congo qui occupent spécialement Afrikarabia. Vincent Hugeux est particulièrement pertinent sur la question. L'auteur dénonce le "tour de passe-passe" que constitue les modifications constitutionnelles avant les scrutins. Des modifications qui "ont l'apparence de la légalité, mais constituent autant de forfaitures sur le plan éthique et politique" (on pense bien sûr aux élections de novembre 2011 en RDC). "Dans leur panoplie" continue Vincent Hugeux, "figure aussi la pince-monseigneur du monte-en-l'air électoral : le scrutin unique. Rien de tel pour valoriser la prime au sortant (…). L'Oscar revient cette fois à Joseph Kabila commanditaire d'une révision (…) un trimestre avant la remise en jeu de son titre". Et de continuer : "la présidentielle congolaise (…) offre un éloquent condensé des travers énoncés ici. Rien n'aura manqué à ce funeste festival. Ni le fichier électoral fantaisiste, ni la Commission électorale prétendument "indépendante" mais gravement vassalisée, ni le recours massif, par le sortant, à l'appareil étatique et à ses instruments, ni le harcèlement policier des opposants, ni la fraude, souvent grossière, ni la violence, parfois meurtrière. Ni bien sûr, les verdicts alambiqués de "missions d'observations" frileuses qui se bornent pour la plupart à observer un silence gêné et complice". Tout est dit. Fermez le banc. "Afrique : le mirage démocratique" (*) de Vincent Hugeux est à lire de toute urgence.

Christophe RIGAUD

(*) "Afrique : le mirage démocratique" - Vincent Hugeux
CNRS Editions, Paris, 2012, 64 pages, 4 euros.

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