1er décembre 2010
Boulkindi Couldiati
Le Pays
Colonie française jadis connue sous l’appellation d’Oubangui-Chari, la République centrafricaine (RCA), proclamée en 1958, a accédé à son indépendance en août 1960. Hier donc, l’actuel président, François Bozizé, a convié ses pairs africains et quelques invités d’autres continents, à la célébration, cumulativement, de ces deux importants évènements de l’histoire de ce pays. Sans doute, la fête aura été belle. Bozizé aura mis les petits plats dans les grands pour présenter aux yeux du monde, une Centrafrique reluisante, rutilante et mirobolante. A priori, il n’y a rien de tel. Cinquante ans d’indépendance, ça se fête, pourrait-on dire. Se pose cependant une question : de quelle indépendance s’agit-il ? Ou plus précisément, Bozizé et toute la classe politique centrafricaine ont-ils de quoi être fiers au point de commémorer avec faste ces évènements historiques ? Sur bien des plans, la réponse semble plutôt négative.
D’abord au plan politique. A la tête de l’ex-Oubangui-Chari se sont succédé des chefs d’Etat des moins recommandables qui ont malheureusement instauré une instabilité chronique de laquelle peine à sortir le pays. Jean-Bedel Bokassa, l’un des présidents au monde dont la réputation n’a d’égale que celle du maréchal Amin Dada, tyran ougandais, vient de ce pays. Arrivé au pouvoir au profit d’un coup d’Etat qui a renversé son propre cousin, Bokassa s’est auto-proclamé empereur et président à vie pour finalement régner dans une terreur constante et une gabegie extravagante. Et à vrai dire, ses successeurs, s’ils n’ont pas fait autant, n’ont pas apporté non plus la paix souhaitée par les Centrafricains. La preuve, le pays est en proie à des rébellions qui menacent chroniquement sa stabilité.
Pas plus tard que le 24 novembre dernier, la ville de Birao a fait l’objet d’une attaque de rebelles venant, paraît-il, du voisin tchadien. D’ailleurs, Bozizé pour qui on a fanfaronné hier, est loin de ce faiseur de paix pour qui il se faisait passer à son accession au pouvoir après avoir renversé par un coup d’Etat, Ange-Félix Patassé démocratiquement élu. La démocratie semble être le cadet de ses soucis d’autant qu’être opposant dans ce pays qu’il gère d’une main de fer, c’est faire l’objet d’une gamme variée de répressions. Martin Ziguélé en sait quelque chose, lui qui vit au quotidien des menaces de toutes sortes.
Au plan socio-économique, la RCA ne se porte pas aussi bien. Riche en diamant, en forêts et en terres fertiles, le pays est malheureusement pauvre en hommes politiques capables d’une vision à même de le sortir de la crise alimentaire. Même Patassé, tout diplômé de l’Académie supérieure de l’agriculture tropicale de Nogent-Sur-Marne (France) qu’il est, a brillé par son incapacité à apporter l’autosuffisance alimentaire à ce pays après plus d’une décennie au pouvoir. La maladie est le lot quotidien des Centrafricains. La RCA est l’un des pays africains où le taux de séroprévalence est le plus élevé.
Au plan diplomatique, la RCA n’est pas aussi blanche comme neige. Sur son sol, se pavanent diverses rébellions, au risque d’entamer sa crédibilité. Et, comble de malheur, ce pays est au coeur d’un procès des plus célèbres au monde : celui de Jean-Pierre Bemba. Au total, il n’y a vraiment pas de quoi être fier de cette indépendance. Tout au plus, comme beaucoup de ses pairs africains l’ont fait, Bozizé a organisé cette fête des plus gargantuesques pour son plaisir et à sa gloire propres.