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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 12:18
29 août 2011
Prismacanal

 

Guerre civile en Afrique: Le Cameroun n'est pas doté d'une immunité naturelle et définitive, selon Thierry Amougou, auteur de "Biyaïsme: Le Cameroun au piège de la médiocrité politique, de la libido accumulative et de la (dé)civilisation des moeurs". 

 

http://www.237online.com/images/stories/afrique/afrique_actualite/guerrelib.jpgDans son dernier ouvrage qui fait couler beaucoup d’encre, le Camerounais Thierry AMOUGOU ne change pas de tempérament et de style. Il va toujours droit au but et aborde sans détours ni démagogie la question très souvent effleurée, éludée et jamais analysée en profondeur d’une possible guerre civile au Cameroun.Selon lui, aborder cet aspect des choses ne consiste pas à souhaiter voir son pays à feu et à sang, mais à faire preuve de réalisme. Analyser les conditions de possibilités d’une guerre civile au Cameroun est une attitude plus réaliste, plus préventive, plus responsable et moins hypocrite et dangereuse que le soutien béat de l’hypothèse selon laquelle le Cameroun serait doté d’une espèce d’immunité naturelle et définitive contre toute guerre civile. Voir des pays jadis aussi stables que la Côte d’Ivoire connaître une guerre civile devrait mener les dirigeants camerounais à comprendre qu’il y a des situations apparentes de stabilité et de paix qui couvent un ensemble de paramètres avant-coureurs de grands troubles.

 

Par ailleurs, les Camerounais ne sont pas historiquement connus comme des pacifiques contemplatifs et/ou amoureux de l’oppression. Ils ont déjà eu à montrer, par le biais de l’union des populations du Cameroun, qu’ils peuvent prendre des armes pour combattre un régime qui confisque leur liberté. Le gène naturel qui immuniserait notre pays contre une dérive de violences extraordinaires est donc une construction factice et démagogique plus dangereuse que l’hypothèse contraire selon laquelle le Cameroun n’est pas doté d’un gène naturel qui garantirait définitivement son immunité contre une guerre civile. C’est cette dernière hypothèse, dit l’auteur, qui permet de faire attention à la santé sociale et psychique d’un peuple et de désamorcer à temps, et ceci par des politiques justes, l’accumulation de paramètres avant-coureurs d’une possible explosion de violence. 

 

Thierry AMOUGOU soutient que son hypothèse, quoique pessimiste, obéit au principe de précaution car un volcan n’est jamais autant dangereux que lorsqu’on baisse la garde parce qu’on le pense définitivement éteint. Dès lors, être conscient du fait que ce qui arrive au autres pays peut aussi arriver au Cameroun, est la seule posture qui permette de sortir le Cameroun de l’inconséquence dangereuse d’un aspect du « Biyaïsme » dont l’objectif est de faire des Camerounais des femmes et des hommes naturellement non violents à la Gandhi alors que leur histoire de libération du joug colonial français montre impeccablement tout le contraire une fois qu’ils se décident de sortir d’un état du monde oppressif. Grosso modo, l’auteur du « Biyaïsme » organise sa démonstration en quatre temps dont deux seulement son présentés ici. 

 

Les conflits opportunistes

 

La clé de lecture de la démonstration de l’auteur commence par ce qu’il appelle des « conflits opportunistes ». En partant du fait que le système immunitaire d’un homme frappé par un virus qui le détruit fait de cet homme la proie à un ensemble de maladies dites opportunistes, Thierry Amougou entend par « conflits opportunistes », des conflits qui, quoiqu’existants réellement, sont en état latents dans un écosystème sociopolitique fragilisée et deviennent brûlants une fois qu’un événement anodin ou pas, mais toujours imprévisible, met le feu aux poudres. Autrement dit, de petites violences ordinaires supportées par les populations depuis longtemps peuvent se transformer en violences extraordinaires parce que le calme apparent d’une société et d’un peuple, cache toujours une sédimentation de rancœurs, de rancunes, d’inimitiés et de frustrations fondées ou pas qui n’attendent que l’occasion d’exploser. Notre pays le Cameroun présenterait, d’après l’auteur, un spectre assez riche et large de tels « conflits latents qui ne demandent qu’à devenir opportunistes ». Sans être exhaustif autant que lui dans son livre, l’auteur cite entre autres :

 

- Le conflit historique entre ceux qui ont versé leur sang en bataillant contre l’Etat-colonial au sein du mouvement nationaliste camerounais et ceux qui ont davantage collaboré avec l’Etat-colonial qu’ils ne se sont battus pour libérer le peuple.

 

- Le conflit historique entre les héritiers des nationalistes radicaux qui ont été exclus du pouvoir politique dès 1960, et les héritiers du réseau politique parrainé par la France qui héritèrent de ce pouvoir politique dès l’accession du pays à l’indépendance.

 

- Le conflit historique multidimensionnel entre le french way of life et le british way of life entre Camerounais francophones et Camerounais anglophones.

 

- Le conflit comportemental et symbolique entre les Bamilékés et les Bëtis. 

 

- Le conflit fonctionnel, comportemental et idéologique entre Yaoundé capitale politique et ville institutionnelle, et Douala, capitale économique et ville populaire, lieu des affaires et de la débrouille du tout venant des anonymes.

 

- Le conflit entre les insiders de l’axe Nord-Sud qui vise à confisquer le pouvoir politique par un jeu de tu me donnes je te donne, et les outsiders de cet axe exclus du pouvoir politique.

 

- Le conflit entre les insiders et les outsiders des mangeoires principales et secondaires du régime en place.

 

- Le conflit entre les peuples du Nord dont les fils ont été exécutés après le coup d’Etat militaire raté de 1984, et ceux qui en sont les auteurs. 

 

- Le conflit entre les jeunes diplômés au chômage et les vieillards en poste. 

 

- Les conflits généalogiques ou claniques dans certains villages et dans certaines régions camerounaises, entre ceux dont les parents ont été mis en prison par le Renouveau National, et ceux qui ont cautionné ces arrestations en faisant ainsi un appel du pied au régime pour se faire une place dans les mangeoires. 

 

- Les conflits entre progressistes et conservateurs au sein du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). La même chose peut exister au sein du Social Democratic Front (SDF) où le fameux article 49 des statuts de ce parti a fait bien de morts, des malheureux et des exclus.

 

- Le conflit contemporain entre une armée exclusivement au service de la répression des populations, et ceux dont les enfants et les membres des familles ont été tués en fin févier 2008.

 

- Le conflit politique contemporain entre ceux qui veulent perpétuer le régime en place depuis 1982 en changeant la Constitution, et ceux qui veulent que la loi soit respectée de façon intégrale pour tous etc. 

 

Thierry Amougou pense que ce spectre conflictuel que d’aucuns peuvent trouver banal au point de le négliger, peut se transformer en un ensemble de « conflits opportunistes » qui font imploser un pays aussi fragilisé que le nôtre suite à un départ de feu que nul ne peu prévoir. Les guerres civiles ont effectivement montré ailleurs que ce qui déclenche les hostilités n’est que le signe visible et contemporain d’un ensemble des conflits réels mais vieux et latents.

 

Les facteurs inhibiteurs 

 

Pourquoi ça n’explose donc pas au Cameroun où les populations sont très calmes et vaquent à leurs occupations sans broncher ? L’auteur du « Biyaïsme » soutient que les Camerounais restent calmes, non parce que, comme le pensent certains, l’armée répriment dans le sang toute velléité contestataire, mais parce qu’ils sont happés par la nécessité essentielle de trouver comment faire « bouillir la marmite » au quotidien. En effet, d’après lui, l’extrême pauvreté constitue moins un facteur positif de révolte qu’un facteur inhibiteur de celle-ci car l’esprit est occupé par la satisfaction des besoins élémentaires : manger, se soigner, se vêtir, se loger. Et de continuer, les révolutions du monde arabe montrent très bien que c’est dans les pays où ces besoins élémentaires sont déjà satisfaits que les populations peuvent se libérer l’esprit des carences quotidiennes afin de penser aux libertés politiques confisquées.

 

L’autre facteur inhibiteur de la révolte populaire camerounaise, mais tout aussi passager, est ce que l’auteur du « Biyaïsme » appelle « le seuil de tolérance d’un peuple ». C’est-à- dire l’intervalle fermé au sein duquel ledit peuple peut continuer à souffrir en silence même si la borne supérieure dudit intervalle est déjà largement saturée. Et le danger, d’après l’auteur que court notre pays est que tant que les Camerounais ne réagissent pas, on dira que « le seuil de tolérance » n’est pas encore saturé et on continuera avec les politiques actuelles alors qu’il est déjà toujours trop tard quand on se rend compte que « le seuil de tolérance » était déjà largement dépassé. On n’est déjà toujours dans le précipice à cet instant-là.

 

« La gouvernance d’anticipation des problèmes en lieu et place de leur réparation » à laquelle Thierry Amougou invitent les dirigeants camerounais consiste donc à mettre en place des politiques qui peuvent mettre fin à un Cameroun dont l’état rend opportunistes et donc dangereux des conflits historiques et contemporains réels mais latents. 

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