22 juillet 2011
5
22
/07
/juillet
/2011
03:30
21 juillet 2011
Thierry Ndong
Thierry Ndong
La France, le Cameroun et le napalm
/http%3A%2F%2Fafrica-libre.com%2Fimages%2Fstories%2Fsociete%2FCameroun%2Fnapalm_600.jpg)
Le Suisse Franck Garbely, à travers son documentaire sur Félix Moumié, présente une version “ institutionnellement incorrecte ” de la lutte d’indépendance du Cameroun. Cette version, connue et valorisée par d’autres nationalistes comme Ngouo Woungly Massaga - alias Commandant Kisamba -, a le mérite d’aborder un sujet jusqu’ici tabou. Le génocide français au Cameroun pendant la guerre de l’indépendance du pays fait en effet l’objet d’un traitement équilibré dans le remarquable documentaire démêlant l’écheveau de l’assassinat de Félix Moumié.
Tout en mettant en perspective la stratégie militaire du colonisateur en vue de “ nettoyer le maquis ”, le réalisateur donne la parole aux victimes des exactions de l’armée française. Sa Majesté Jean-Rameau Sokoudjou n’hésite pas à utiliser le vocable “ génocide ”. Le chef Bamendjou (reconnu comme nationaliste de la première heure) confirme “ que des villages entiers de l’Ouest ont été rayés de la carte à cause des tueries à grande échelle perpétrées par l’armée coloniale française ”.
Dans la Sanaga maritime, André Nguimbous n’en dit pas moins. Son témoignage dans le documentaire donne également à constater l’effacement de la carte de plusieurs villages du pays Bassa. Me Jacques Verges – de célèbre renommée – enfonce le clou en confirmant le génocide français au Cameroun.
L’avocat français, chargé de défendre les intérêts de la famille Moumié après l’assassinat du nationaliste, indique par ailleurs l’arme de destruction massive utilisée par les soldats français. Il s’agit notamment du napalm, une essence solidifiée au moyen du palmitate de sodium ou d’aluminium, servant à la fabrication de bombes incendiaires.
Le mépris de la France
La réaction de la France à ces accusations (jusque-là inconnues de l’opinion publique internationale) sont rapportées par deux symboles de la colonisation française au Cameroun. Maurice Delaunay, agent colonial installé à Dschang dans les années 1960, rejette la responsabilité sur les nationalistes. Selon ce dernier, l’insécurité était le fait des nationalistes camerounais.
Et la France ne pouvait laisser perdurer le désordre dans ces différentes parties du pays. Maurice Delaunay, qui se coule aujourd’hui une retraite douce du côté de Cannes, estime avoir exécuté son mandat sans faiblesse : “ J’ai fait mon travail et rien que mon travail ”. Pierre Mesmer se défend aussi avec le même argumentaire. L’ancien ministre français et non moins administrateur colonial au Cameroun compare la riposte de l’armée française à la dangerosité des “ révolutionnaires ”. Pour lui, il ne saurait avoir de pitié pour des gens impitoyables. Ceci justifierait-il cela ? A chacun d’en juger.
Pierre Mesmer, fidèle serviteur de la France, finit en jetant le doute sur les commanditaires de l’assassinat de Félix Moumié. Il explique notamment “ que la France ne s’intéressait point à Moumié ”. Et de suggérer malicieusement la piste de Ahmadou Ahidjo, jadis présenté comme le “ père ” de l’indépendance du Cameroun. Pour qui roulait Ahmadou Ahidjo ? Le documentaire est sans voix sur la question.
Il l’est davantage sur d’autres questions fondamentales : la voie empruntée par les restes de Félix Moumié ; la disparition de ses dossiers médical et judiciaire ; l’acquittement du principal accusé, etc. Ce qui n’enlève rien à la qualité de ce document audiovisuel dont le plus grand mérite est de montrer la vraie histoire du Cameroun de l’indépendance.