Avril 2008
La Coordination des partis politique pour la Défense de la Constitution (CPDC) et le Syndrome de Stockholm
Adoum Djibrine Haroun
Notre pays traverse une crise politique sans précèdent, sans doute la crise la plus profonde de son histoire. Cette crise est la conjonction de multiples facteurs qui menacent gravement la survie du peuple tchadien et qui ne sont pas sans conséquences sur l’avenir et la souveraineté du pays.
La crise de la gouvernance induite par le régime d’Idriss Deby a engendré la naissance de mouvements de révolte sans commune mesure sur l’ensemble du territoire tchadien. Propulsé à la tête du pays par la Libye et la France, et ceci avec le concours actif de son groupe ethnique vivant au Darfour, Idriss Deby a participé à l’atomisation de la société tchadienne. Ce dernier, dès sa prise de pouvoir, eu égard à la charte de Bamina, avait autorisé une forme de multipartisme et organisé la conférence nationale souveraine dont les principales recommandations sont restées de fait lettres mortes. En effet, le cahier des charges résultant de la conférence nationale souveraine comportait en effet des orientations permettant des perspectives politiques, économiques et sociales pour le pays. Dès la clôture des travaux, Idriss Deby s’est livré à la violence politique, à la restriction des libertés, bref il a installé un régime autocratique et policier réprimant toute forme de révolte populaire. Cette situation a engendré la poursuite de massacres et de violations généralisées des droits de la personne, qui constituent aujourd’hui une des raisons de l’émergence de mouvements de révoltes armées prenant en compte les appréhensions, les inquiétudes et les frustrations d’un peuple opprimé et profondément inquiété quant à son avenir.
Du multipartisme à la confiscation du pouvoir
En vertu des dispositions de la conférence nationale souveraine, Idriss Deby avait successivement organisé des élections présidentielles et législatives dont les résultats étaient, hélas, connus d’avance. Fort du soutien de quelques pays trouvant un intérêt certain dans la pérennisation de son régime, Idriss Deby a ensuite modifié la constitution de la république limitant initialement la durée du mandat présidentiel. A la déception populaire, il brique illégalement un énième mandat.
Après 17 années de participation aux élections fantoches organisées par le pouvoir en place, les gourous de l’opposition civile, pour ne pas dire démocratique, viennent de rencontrer le dictateur Idriss Deby malgré l’absence de nouvelles de leur collègue Mahamat Saleh Ibni Oumar, porte-parole de la Coordination des Partis politiques pour la Défense de la Constitution (CPDC) kidnappé à son domicile le 03 février dernier par la garde présidentielle. Cet entretien, nous dit-on, rentre dans le cadre du prétendu accord du 13 août 2007. Est-il opportun de collaborer avec un pouvoir refusant toute forme de liberté, récusant les principes démocratiques ? Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment est-ce que cela est possible ? C’est comme si les principaux manitous de l’opposition avaient été habités par le syndrome de Stockholm.
Pourtant depuis 2001, la CPDC appuyée par la société civile s’était mobilisée contre le tripatouillage programmé de la constitution de la république limitant le nombre de mandat présidentiel. Cette mobilisation a, entre autres, permis aux Tchadiens de rejeter le projet de modification de la constitution, ce qui a été une victoire sans précédent en faveur du camp des forces de progrès militant pour l’alternance politique. Aux élections de 2006, Idriss Deby se prend encore une nouvelle claque.
Face à cette situation, Idriss Deby exerce une nouvelle forme d’hégémonie politique sur le pays. Aujourd’hui en verrouillant toute forme de liberté, le pouvoir en place prend effectivement en otage l’ensemble de la classe politique de l’intérieur, la société civile, les différents organes de presse etc.
On assiste sans cesse à l’instrumentalisation de l’opposition armée aussi bien par le pouvoir de Deby que par un certain nombre de leaders des partis politiques se réclamant de l’opposition civile dans le cadre d’une subtile sous-traitance. Nous entendons par les railleurs de tout bord jeter feu de tout bois sur les mouvements politico-militaire qui certes présentent d’innombrables insuffisances. On peut, en effet, formuler beaucoup de critiques sur le fonctionnement de ces mouvements disparates mais aussi saluer leur évolution. Mais il faut être lucide et voir d’où viennent ces attaques. Quoi qu’on en dise cette rébellion est composée par des Tchadiens et pour les Tchadiens. Cet état de fait est en soi une réelle victoire sur Idriss Deby et ses comparses agissant pour la destruction du Tchad.
N’en déplaise aux multiples détracteurs, cette rébellion a été patiemment construite et se base sur des valeurs tchadiennes. Aujourd’hui, Idriss Deby impose son hégémonie politique en épuisant non seulement les ressources économiques du pays dans la guerre qu’il inflige à la population tchadienne mais aussi en mobilisant les dirigeants des partis politiques de l’intérieur lesquels emploient une approche très sournoise.
Face à cette situation, l’opposition politico-militaire doit plus que jamais déployer une nouvelle stratégie de combat pour vaincre définitivement tous les ennemis de la démocratie et du progrès.
Cette situation n’est pas inéluctable. Le Tchad n’est pas par essence la propriété d’un groupe quelconque. Pour relever les multiples défis, la rébellion doit davantage se positionner sur le registre des valeurs, se refonder sur une cohérence nouvelle. S’unir pour être en mesure de peser et de faire sauter le verrou médiatique en mettant en avant les thématiques de justice, d’égalité et de progrès dans la société tchadienne.
Pour mener avec efficience la lutte armée, légitime et actuellement, hélas, unique alternative, la rébellion, dans sa pluralité, doit se poser la question de la pertinence des clivages en son sein. Elle doit intégrer dans ses rangs les centaines de milliers de militants vivant dans les territoires libérés, tous ceux et celles qui ont vainement cru à la dynamique portée par les partis politiques de l’opposition civile réunis au sein de la CPDC plus que jamais émiettée et acquise au pouvoir d’Idriss Deby. La rébellion ne doit aucunement négliger ces militants de l’alternative, du progrès, ceux et celles qui croient en cette lutte pour la démocratie, la justice sociale…
Il est du devoir de tout Tchadien conscient de ses responsabilités citoyennes et de la gravité de la situation, de se mobiliser en vue d’arrêter la marche effrénée vers la destruction programmée de notre pays par Idriss Deby et ses mercenaires de tout poil. La classe politique tchadienne, la société civile, les hommes et les femmes de bonne volonté sont appelés à surmonter leur peur et à soutenir, encourager, promouvoir cette dynamique qui vise l’émergence de la démocratie tant attendue. C’est aussi par la libre conscience, par nos idées qu’on peut vaincre ce régime de terreur et d’obscurité.