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2 octobre 2013 3 02 /10 /octobre /2013 12:17

2 octobre 2013
Juliette Abandokwe

 

 

Théâtre d’une tragédie abyssale, le Centrafrique vit aujourd’hui la pire crise politico-humanitaire que le pays a connue depuis «l’indépendance». La situation, pourtant déjà épouvantable, a pris depuis le 30 septembre un nouveau tournant. 

Depuis 24h, une unité blindée de l’armée nationale tchadienne et des véhicules montés de mitraillettes lourdes, se dirigent vers la ville de Bossangoa, à 300 km au nord-ouest de Bangui, environ 200 kilomètres de la frontière du Tchad. 20 autres véhicules auraient également quitté la ville de Sarh au sud du Tchad pour la même zone. 

Idriss Deby légitime de toute évidence cette invasion formelle par le massacre de Tchadiens dans la zone par des milices en tout genre. La lutte contre l’impunité, martelée à l’ONU depuis des semaines, a très bon dos, et l’histoire de l’humanité s’apprête à s’enorgueillir d’une nouvelle page. 

Aujourd’hui, Bossangoa et sa périphérie est devenue en moins d’un mois le nouvel enfer sur terre, avec des tueries innommables de civils en majorité musulmans, des représailles en tout genre, l’anéantissement de villages entiers dans la fumée. Les témoignages de villageois terrorisés font état de véritables raids indiscriminés et tueries aveugles à bout portant et à la machette. La communauté internationale découvre, s’apitoie, crie au scandale.
Et après… ?

Pendant que les « Grands » de ce monde se perdent en palabre à l’ONU, à New York et à Genève, où pendant des heures et des heures les membres des assemblées répètent religieusement qu’ils sont choqués par les événements horrifiant en Centrafrique, que les uns et les autres plaident pour obtenir des moyens financiers, on assiste à un enlisement horrifiant de la situation. Aucune action concrète supplémentaire n’est entreprise sur le terrain. A part les véhicules de l’ONU venus avec les équipes d’inspection, à part les constats, les journalistes qui commencent à affluer, les reportages truculents d’horreur, rien d’autre ne se passe. Aucune force d’interposition en vue. Pourtant les exactions durent depuis plus de 6 mois déjà.

Le Tchad et son tyran, avide de justifier la présence massive de l’armée nationale tchadienne (ANT) en Centrafrique, attend, comme un vautour qui jauge sa proie moribonde se débattant pour le droit à la vie. Un vautour qui s’érige en justicier, qui clame sa préoccupation quant aux droits humains, alors que ses propres prisons nauséabondes sont pleines à craquer de prisonniers politiques oubliés. Un criminel contre l’Humanité, responsable de bon nombre d’assassinats politiques et de massacres de populations, régnant sur son pays avec une brutalité sanguinaire depuis 23 ans, après avoir déjà tué des milliers de Tchadiens « sous les ordres » d’Hissène Habré. 

C’est ce monsieur-là donc qui veut maintenant, unilatéralement, dans une vision de fait accompli, après avoir joué la sainte-nitouche au Mali, rétablir l’ordre en Centrafrique. Et les Grands de ce monde le regardent faire sans rien dire. 

Dans le cadre de la lutte contre la prolifération d’armes, notamment à Bangui, un curieux manque d’enthousiasme dans le soutien d’initiatives déjà existantes sur le terrain est observable. Pourtant des actions de désarmement sur le terrain ont bien lieu, depuis des semaines. Elles sont concertées et organisées, malgré le peu de moyens. Dans les médias occidentaux, on parle d’uniformes dépareillés des éléments de la FOMAC. Pourtant à Bangui, ces éléments sont parés d’uniformes tout neuf. Certains efforts de ces éléments sont énormes. Le Général Jean Félix Akaga, valeureux commandant de la FOMAC, est clair dans ses déclarations devant les officiers généraux des Forces armées centrafricaines (FACA) et ceux des ex-Séléka: « Tout individu porteur d’une arme et ne situant pas sa qualité en service doit être désarmée de gré ou de force. » 

Et pourtant, les activités formelles de la FOMAC sont manifestement poussées à la sous-estimation par les médias internationaux et les actions entamées sur le terrain grossièrement sabotées. A Bangui, le contingent tchadien de la FOMAC, outsider évident depuis plusieurs mois par rapport aux objectifs généraux de la mission, progresse dans le boycottage systématique des activités de désarmement en ville de Bangui. Encouragés, les éléments tchadiens et soudanais de l’ex-Seleka refusent publiquement de se laisser désarmer. Les témoignages de Banguissois sont innombrables. L’occupation du pays par le Tchad est une évidence pour tous depuis plusieurs mois déjà et se traduit par les comportements arrogants des éléments définis comme tchadien par la population, et qui en même temps alimentent les ressentiments intercommunautaires et surtout interreligieux dans tous les esprits. 

Mais aujourd’hui, ce sont les blindés de l’armée tchadienne qui sont entrés sur le territoire centrafricain. Un territoire qui n’est défendu en l’état par aucune armée. Une armée qui n’existe que de nom, dont l’avenir est contrôlé par le Tchad. Pendant que des cadres très compétents sont à la proue de sa réorganisation, dans les arcanes des services du renseignement militaire, on retrouve des Tchadiens et leurs acolytes chefs de guerre Seleka.  

Tout le dispositif est en place. Des soldats tchadiens sont envoyés depuis des semaines par petits groupes successifs avec bienveillance par Deby pour « protéger » le pouvoir. La nouvelle « garde présidentielle » est là, avec l’étiquette FOMAC. Pourtant le pouvoir a bien moins besoin d’être protégé que d’être écrasé au sol, pour manger la poussière de force. Il n’est ici que question de pouvoir, rien d’autre. 

Accessoirement, Abdoulaye Miskine, un des principaux pourfendeurs des forces tchadiennes en Centrafrique depuis plus de 10 ans, est arrêté et détenu au Cameroun depuis 3 semaines dans des conditions qui restent mystérieuses. La médiatisation tortueuse autour de son arrestation, émaillée de mal-information occidentale, prouve une fois encore l’investissement politique malsain de ces médias. Les mouvements de Miskine sont parfaitement connus de tous depuis toujours, et pourtant on cherche à justifier son arrestation avec des motifs fallacieux. En avril dernier, il avait essuyé deux graves attaques par les hommes de Noureddine Adam, acolyte centrafricain d’Idriss Deby, qui avait failli lui coûter la vie. Son arrestation au Cameroun n’est que la continuation de la même démarche. 

Ce dont on ne parle pas non plus, est le massacre et la déportation dans les prisons du sud du Tchad de nombreux éléments de Miskine par l’armée tchadienne dans le cadre de l’avancée de Seleka, sous prétexte qu’il s’agissait des hommes de Baba Ladé. En bref, Miskine est une bête noire pour Deby et sa désactivation momentanée au Cameroun a fait partie du prélude à l’invasion militaire tchadienne.

Les blindés tchadiens sont sur le territoire national centrafricain depuis 2 jours. 

Qu’en dit François Hollande ? et Ban Ki Moon ? Est-ce que les Grands de ce monde ont mesurés l’implication d’une occupation militaire tchadienne en terme humain et en termes de lutte contre l’impunité ?

Le peuple centrafricain se meurt. Les Grands pleurnichent. Les vrais pourfendeurs ont carte blanche.

On a vraiment envie de demander « Où est la communauté internationale…. », tout en sachant qu’il ne sert à strictement rien de demander. 

La réponse est claire : La communauté internationale est là.
Et après… ?

Deby et ses élans hégémoniques et ses plans très grossiers de mise sous pression sont publics, il ne cache rien. Son système de fonctionnement manipulateur est connu depuis 23 ans au minimum. Les Grands de ce monde marchandent avec lui ouvertement, lui vendent des armes de guerre, le cautionnent, le regarde faire le sale boulot dans la sous-région. 

Et après… ?

Nous devons impérativement questionner l’ONU et ses partenaires. A quoi sert-elle ? et surtout comment vit-elle ? 

Car soyons lucide aujourd’hui. La crise en Centrafrique, silencieuse parait-il, fait partie d’un giron de crises extrêmement lucratif. Les bailleurs de fonds sont là, pêle-mêle. Les bouches affamées aussi sont là, pêle-mêle. Des requins et des vautours, que dis-je. 

La lutte contre l’impunité, le grand slogan en Centrafrique aujourd’hui… à l’ONU pardon !

Pourtant les crimes économiques monstrueux, rapportant aux uns et autres des dividendes qui ne disent pas leur nom, cautionnés par les Grands de ce monde, pataugent dans les marécages nauséabonds de l’impunité depuis des lustres. On fait des appels larmoyant de fonds monumentaux pour les « populations en détresse », pour des opérations de sauvetage extraordinaires pour de milliers de civils. De temps en temps, on fabrique une nouvelle « force d’interposition » avec des sigles clinquant et bling-bling. Des nouveaux uniformes, des nouvelles couleurs, des nouveaux chefs, des experts, toute l’arrogance d’un système humanitariste sur des populations profondément humiliées qui attendent juste une bouffée d’oxygène, et dont une émancipation aussi minime soit-elle n’intéresse strictement personne. 

A vrai dire, le Centrafricain lambda est superflu. 

L’impunité en Centrafrique, à l’heure où Idriss Deby envoie ses blindés sur le territoire national centrafricain, dans le mutisme de la communauté internationale, rentre dans une phase dont on ne connait pas encore la définition. 

La « lutte contre l’impunité en Centrafrique » …… et après… ?

La définition du superflu.

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