6 juin 2013
Juliette Abandokwe
Dix jeunes pris en otages à Baboua le 1er juin 2013, dont 5 jeunes capturés dans le secteur de ziko-mofôrô et 5 autres qui sont les enfants d’un éleveur dans le secteur de Nguèzè, par des ravisseurs se réclamant d’Abdoulaye Miskine.
Information émanant du Colonel Adam.
Désinformation médiatique
Cette information exprimée au conditionnel, reprise par Fred Krock (journaliste, reporter et photographe, journal L’Hirondelle) pour Afrik.com, s’est ensuite transformée en affirmation formelle contre Abdoulaye Miskine.
La métamorphose m’a interpellée et le manque d’indépendance del’article m’apoussé à aller au-delà de la simple information de façade.
On peut lire ensuite que le FDPC dirigé par Abdoulaye Miskine exige du gouvernement centrafricain une rançon de 10 millions de fr. CFA pour la libération des otages, soit 1 million par personne.
La question de savoir si et comment ces éléments ont été vérifiés par le journaliste est cruciale.
Miskine et Seleka
Soit dit en passant, Abdoulaye Miskine n’a jamais signé les accords de Libreville comme stipulé dans l’article de M. Krock. D’autre part, le mouvement « rebelle » de Miskine ne s’est pas séparé de Seleka sur un simple caprice. Décrire son retrait comme une option «pour faire cavalier seul » révèle une belle méconnaissance du terrain et/ou un défaut d’indépendance de l’analyse.
C’est en voyant arriver Noureddine Adam, l’homme de main d’Idriss Déby en RCA, alors que la Seleka était déjà devant Bangui, que Miskine avait décidé de quitter une coalition dorénavant complètement contrôlée par son grand ennemi Deby et son pion Noureddine. Ceux-ci allaient forcément tôt ou tard lui tendre un traquenard pour en finir avec lui.
Mobile du discrédit
En ce qui concerne l’enlèvement des 10 jeunes à Baboua le 1er juin dernier, il faut noter l’importance de la source. L’information est donnée par le colonel Adam. Noureddine Adam, actuel ministre d'État chargé de la Sécurité publique, de l'Émigration-Immigration et de l'Ordre public, 3ème homme fort à Bangui, à la solde d’Idriss Deby, est bel et bien l’ennemi juré d’Abdoulaye Miskine, qui n’a jamais voulu accorder ses violons sur ceux de Deby.
Alors que Djotodia tendait la main à Miskine pour le faire revenir à Bangui, et que l’affaire était en cours, Noureddine Adam et sa faction de la Seleka attaque les positions de Miskine à 2 reprises entre le 2 et le 4 avril dernier, le blessant la 2ème fois. Une quinzaine de ses hommes les plus fidèles sont tués, et son camp correctement pillé.
Miskine à Bangui n’arrangerait pas du tout Deby ni Noureddine Adam par extension, car leur contrôle des commandes seraient immanquablement questionné.
Un élément clé dont on ne parle pas, est que le 31 mai dernier, sachant que les éléments de Noureddine Adam, stationnés à Bouar, étaient sur le point de l’attaquer une nouvelle fois, Miskine prend les devants et les attaque à son tour, leur faisant subir une cuisante défaite. Grande est l’humiliation pour Adam et ses hommes, et on s’imagine aisément la soif de vengeance en découlant.
Stratégie boiteuse
En ce qui concerne l’enlèvement de ces 10 jeunes de Baboua, pour la plupart des enfants d’éleveurs, il est curieux que la rançon soit demandée à l’Etat centrafricain. En effet, dans les enlèvements passés de Mbororos, ce sont aux familles qu’on demandait la rançon. A l’est du Nigéria, où les enlèvements sont devenus une source de revenus très lucratives pour les coupeurs de routes, c’est encore à la famille qu’on demande la rançon et non à l’Etat nigérian ou au gouverneur.
De plus, avec tous les problèmes à Bangui en ce moment, il est difficile d’imaginer qu’une dizaine de jeunes d’éleveurs deviennent une priorité pour le gouvernement centrafricain. Donc, si le but de Miskine était d’obtenir de l’argent, ce n’est pas sûr qu’il réussisse de cette façon. Dans quel autre but le ferait-il donc ?
D’autre part, depuis plus de 10 ans que Miskine est dans le maquis, son nom n’a jamais été associé à des prises d’otage contre rançon à l’Etat centrafricain. C’est vrai que les stratégies peuvent changer, mais on peine à voir ce que Miskine y gagnerait, sachant que l’Etat n’est pas prêt à débourser 10 millions.
Otages instrumentalisés ?
Dix jeunes innocents sont en train de souffrir quelque part, privés de leur liberté, certainement affamés, brimés ou frappés. Révoltant ! Seraient-ils simplement pris en otage pour une sinistre affaire de chantage ? Qui les a vraiment enlevés ?
Si d’aventure ces 10 jeunes viendraient à périr ces prochains jours, on dirait tout d’abord que Miskine est un grand méchant, puisqu’il s’attaque à des civils sans défense. Néanmoins, nous devrions nous poser la question de savoir à qui profiterait une telle accusation d’exaction. Car il ne s’agit pour le moment que de supputations, dont la source est plus que douteuse.
Bien sûr, dans le maquis tout est possible dira-t-on.
Le manque total de scrupules aidant, notamment dans les affaires internationales autant que nationales d’Idriss Deby, qui ne recule devant rien pour criminaliser toute velléité de résistance envers lui, on est en droit de s’inquiéter pour la survie de ces 10 jeunes capturés arbitrairement, dans une région qui n’est rien d’autre qu’un far-west sans foi ni loi.
Avant de suivre des rumeurs manipulatrices les yeux fermés, diffusées par une presse pas très indépendante, voire au service de gens peu recommandables œuvrant pour des puissances étrangères occupatrices, nous devrions demander des preuves tangibles et examiner les mobiles des uns et des autres.
Ou alors des preuves du contraire !