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13 mai 2012 7 13 /05 /mai /2012 23:23

11 mai 2012
Ngimbis
KamerKongossa

 

Au Cameroun, la pluie c’est parfois le beau temps

 

Lorsque j’étais gosse, j’adorais la pluie. Lorsqu’il pleuvait le matin alors que j’étais encore à la maison, j’exultais. Cela signifiait pas d’école. Lorsqu’il se mettait à pleuvoir alors que j’étais en classe, je jubilais. A cause du mitraillage des gouttes sur la toiture de tôle, le maître devenu aphone hurlait : « dormez ! ». Ce qui ma foi, est le rêve de tout écolier.

 

Donc, avant, j’aimais la pluie, mais ça c’était avant. Aujourd’hui, lorsqu’il pleut, je transpire d’inquiétude. Si la pluie se déclenche alors que je suis au bureau, j’angoisse à l’idée du patinage artistique que je vais devoir effectuer sur la pente boueuse menant chez moi.

 

J’angoisse en imaginant la bousculade due à longue file de travailleurs attendant un hypothétique moyen de transport. A croire que définir une politique de transports efficace pour une ville de deux millions d’habitants relève de la sorcellerie. Mais non, on construit des parcs floraux et des boutiques.

 

Quand il pleut et que je suis chez moi, j’ai la haine. La haine vis-à-vis de mes voisins. Ces camerounais bizarres, qui profitent de la pluie pour vider leurs poubelles dans le torrent quand il ne s’agit pas de la vidange des fosses septiques.

 

Quand il pleut, je sors les bougies. Notre très respectée AES SONEL ne manquera pas de nous plonger dans le noir. En saison sèche le prétexte des délestages est l’étiage, la baisse des eaux. En saison des pluies un autre prétexte surgit : les orages, la foudre, le tonnerre… j’ose croire que le changement climatique qui est en train de remodeler le climat yaoundéen créera une saison hybride qui permettra qu’on ait l’électricité tous les jours.

 

Vous savez que la Société de distribution de l’eau dans ce pays, nous affirme souvent, que les coupures d’eau sont dues à la pénurie d’électricité qui ne permet pas que les pompes acheminent l’eau dans le réseau. Donc, pendant un orage, pas d’électricité, pas d’eau. Si! Si! Il faut vivre au Cameroun pour écouter des fables pareilles.

 

Même si je suis souvent heureux de contempler mes réserves d’eau à l’issue de la pluie, ma joie est de courte durée, car ce n’est pas bon pour le moral de passer une soirée assis, seul, dans une pièce faiblement éclairée par la lueur tremblotante d’une bougie tandis qu’il pleut dehors. Effet caverne de Neandertal garanti.

 

Après lecture de ce qui précède, vous déduisez que hier il a plu, j’ai gagné la médaille d’or du patinage dans la boue, j’ai passé ma soirée seul, dans l’obscurité, ma cour ce matin était pavée de déchets innommables déversés en amont par mon voisin durant la pluie et que pour aller au travail ce matin je me suis lavé avec de l’eau de pluie récoltée la veille. Expérience douloureuse s’il faut prendre en compte les démangeaisons qui m’ont fait danser un smurf improvisé cinq minutes après.

 

Ce qui met en rogne, c’est la conversation entendue dans un taxi tout à l’heure :

 

Deux jeunes gens:

 

- Dis donc! heureusement qu’il a recommencé à pleuvoir, la chaleur a un peu diminué et la corvée d’eau est terminée.

 

- Oui mon frère seulement je ne peux plus mettre mes tennis blanches je vais attendre demain, la boue de la montée aura séché.

 

- Ok ! espérons seulement qu’il ne va pas pleuvoir samedi, il faut pas que je loupe The Voice.

 

J’ai failli péter un câble ? Les délestages, la boue, la pénurie d’eau c’est la faute à la pluie hein? Misère ! Dans ce pays faut pas croire que les gens ne savent pas revendiquer leurs droits hein ? Que Wome Nlend loupe un penalty, que Samuel Eto’o tire sur le poteau, le lendemain, une foule enragée le cherche dans les rues de Yaoundé, ne le trouve pas, cherche ses frères, ne les trouve pas, cherche ses homonymes, trouve un malheureux, l’abreuve d’injures, maudit son village, puis ces patriotes s’en vont verser leur haine sur les chaînes de radio.

 

On coupe le courant, niet. Personne ne bronche, on accuse la pluie… Peu de gens savent que la société d’électricité a un numéro de réclamation, ceux qui le savent disent qu’ils n’appellent pas parce qu’il est payant, la majorité demandent : ça va changer quoi ?

 

Je vous l’avoue, parfois moi aussi j’ai envie de verser dans le pessimisme : on va faire comment? Cette phrase aurait dû être la devise du Cameroun.

 

Heureusement il ya des initiatives comme celle de mon amie Julie Owono qui a monté le FEOWL un projet de plateforme en ligne qui mesurera le défaut d’électricité à Douala via des enquêtes statistiques. Une initiative récemment primée lors du concours pour l’innovation en journalisme de l’Institut International de la Presse. Au moins on aura des chiffres car trop c’est trop.

 

Bon je vous laisse, j’ai trop la haine là. Et puis, mon voisin, le météorologue qui prédit le temps en crachant en l’air a prévu un orage pour ce soir. J’ai beau repéter partout que c’est un charlatan, je me dis qu’on ne sait jamais. Je vais essayer de trouver un paquet de bougies chez le Sénégalais d’en bas. La nuit a été longue hier et ma réserve est épuisée.

 

Peace!

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