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23 janvier 2009 5 23 /01 /janvier /2009 11:12

Publié le 30 décembre 2008
Source : L’Avenir 

(…) 

Qui a tué Me Goungaye et quelle est la conséquence de cette mort sur le dossier JP Bemba Gombo.


La date du lundi 29 décembre 2008 était prévue comme celle à laquelle la Cour devrait fixer l’opinion sur l’audience de confirmation des charges contre le sénateur congolais, JP Bemba. La décision est tombée effectivement lundi. L’audience de confirmation des charges aura lieu du 12 au 15 janvier 2009. Sans doute que l’un des juges retenus pour des raisons familiales aura fini ses vacances. Au moment où on attendait beaucoup de son principal accusateur, Me Goungaye Wanfiyo, le président de la ligue Centrafricaine des droits de l’homme, ce dernier vient de mourir dans un accident de circulation. Le décès du président de la ligue centrafricaine est intervenu samedi soir, dans un accident de voiture.

Une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances exactes de ce drame. Me Goungaye Wanfiyo présidait depuis quatre ans aux destinées de la ligue centrafricaine des droits de l’homme. L’homme était connu pour son franc parler et ses prises de positions à l’encontre des exactions commises par divers groupes armés sur la population au nord-ouest du pays. Sa ligue est à la base de la plainte contre le sénateur congolais, JP Bemba, leader du Mlc qui est actuellement écroué à la Haye dans une des prisons de la Cour pénale internationale. Il nous revient que Me Goungaye s’était rendu au nord de la Rca en vue de recueillir davantage de témoignages sur les exactions que les soldats centrafricains et les hommes du Mlc avaient fait subir aux populations de cette partie de la République centrafricaine. C’est donc en plein travail, en prévision de la prochaine audience, l’avocat centrafricain s’activait au point que la mort l’a surpris.

Qui a tué Goungaye ?

Comme on devrait s’y attendre, cette mort est suspecte. On apprend que le chauffeur du grand véhicule contre lequel la voiture dans laquelle se trouvait le président de la ligue centrafricaine des droits de l’homme est allée se heurter mortellement est mis aux arrêts. C’est la preuve que les enquêteurs centrafricains eux aussi soupçonnent un accident criminel. La question que l’on se pose dans cette éventualité c’est celle de savoir qui pouvait en vouloir à l’avocat au point de lui vouloir la mort.

Lorsqu’on sait que l’homme n’est pas en odeur de sainteté avec le pouvoir de son pays qu’il dérange, le doigt accusateur est vite pointé vers le pouvoir centrafricain. On part du fait qu’il y a quelques jours seulement, l’avocat était interpellé pour ses attaques contre le régime Bozize. L’autre élément qui milite en faveur de l’accusation des autorités centrafricaines, c’est que beaucoup de personnes du côté du président Bozize se sentiraient menacées par l’activisme du président de la ligue centrafricaine des droits de l’homme.

Rappelons que lors de la première intervention des hommes du Mlc pour secourir le régime Patassé, l’actuel chef de l’Etat était chef d’Etat major de l’armée centrafricaine.

A ce titre, ses hommes, aux côtés des hommes de JP Bemba, auraient participé aux exactions que l’on dénonce et sur lesquelles l’avocat et président de la ligue centrafricaine des droits de l’homme enquêtait. Lorsqu’on sait qu’après JP Bemba, une certaine opinion commençait à s’impatienter en voyant que les auteurs centrafricains de ces exactions n’étaient pas encore inquiétés.

Le dialogue centrafricain, pense-t-on, en vue de la réconciliation nationale, a motivé la décision du président de la ligue à rouvrir, sinon à dépoussiérer le dossier des auteurs centrafricains des exactions. Cela peut paraître comme une provocation. Pas étonnant que Me Goungaye soit sacrifié à l’autel de la réconciliation nationale centrafricaine. Il semble que lorsqu’on doit sacrifier une poule ou un mouton, on choisit toujours le mouton ou la poule rebelle. Par ce fait, pense-t-on, on se débarrasse de l’élément perturbateur de la paix sociale.

Un vrai accident c’est aussi possible

En Afrique, il n’y a pas de mort sans cause. C’est pourquoi, après chaque décès, on organise le « kinzonzi » pour chercher et trouver la cause de la mort et en déterminer les auteurs. C’est une occasion pour les vivants de prévenir d’autres occasions de décès. La pratique est de mise même dans la vie politique moderne. Lorsqu’un dignitaire du régime meurt, c’est Dieu qui le punit pour ses crimes et ses injustices contre la population. Si c’est un opposant qui meurt, c’est le pouvoir qui l’a tué. C’est comme si, s’il n’y avait pas de pouvoir, les opposants - dans le cas où ils pouvaient exister en dehors de l’existence du pouvoir – ne mourraient jamais.

C’est pour dire que l’accident dans lequel est mort le président de la ligue centrafricaine des droits de l’homme peut être - sauf si l’enquête prouve le contraire - un accident ordinaire comme on en connaît sur des routes africaines. C’est malheureusement difficile à faire accepter. Même si une enquête est diligentée, il y a peu de chance que ses conclusions soient acceptées. Sauf, dans une certaine mesure, si on fait appel à des enquêteurs extérieurs au pays du crime et de la victime.

Dans ce genre d’enquête généralement, il y a plus de supposition, d’équilibrisme et d’accusations en demi mots qui laissent l’opinion dans le doute (nuisible au pouvoir en place) que qui aident à l’éclatement de la vérité attendue. Même après enquête, les suspicions continueront à peser sur le pouvoir en place. Car, sur ce continent, même si tout le monde aspire au pouvoir, on développe un curieux sentiment selon lequel le pouvoir serait « diabolique » et l’opposition ne serait que « saint ».

Quelle conséquence sur le dossier JP Bemba ?

Comme souligné plus haut, la ligue centrafricaine des droits de l’homme est un d’importants accusateurs de JP Bemba. On peut dire que la ligue centrafricaine des droits de l’homme est une personnalité morale. La disparition de son président peut être sans conséquences pour le procès JP Bemba. Cependant, il faut tenir compte d’une réalité selon laquelle, Me Goungaye avait fait de cette affaire contre le sénateur congolais, une affaire personnelle. A ce titre, on ne voit personne d’autre s’investir dans ce dossier avec la même passion. Le fait qu’il soit mort est un élément important pour réduire les ardeurs d’un éventuel successeur.

On peut donc dire que le dossier Bemba pourrait connaître une évolution sensible en faveur du sénateur, leader du Mlc. On est en droit de le croire dans la mesure où, lors du procès, l’accusation aurait besoin de tous témoins et surtout de tous les témoignages. Le président de la ligue centrafricaine des droits de l’homme apporte dans la tombe un bon nombre d’éléments de ce dossier. Les avocats de JP Bemba n’ont jamais cessé de faire remarquer que le dossier de leur client était vide. Est-ce pour cela que le président de la ligue centrafricaine des droits de l’homme était-il obligé d’aller chercher d’autres témoignages ? Même à ce sujet, personne ne rassure qu’effectivement Me Goungaye était à la recherche d’autres témoignages.

La rumeur avait à certain moment fait état de l’intention de la ligue de se rebiffer après que, selon la même rumeur, on ait pris son président en possession des éléments falsifiés sur base desquelles il aurait porté plainte contre le leader du Mlc. Lorsqu’on sait que l’arrestation des JP Bemba était de nature à servir d’écran de fumée qui empêcherait de voir les auteurs centrafricains de ces crimes, il y a des gens qui seraient dans tous leurs états contre tout ce qui pouvait innocenter JP Bemba. Encore une fois, il revient aux avocats de JP Bemba de prendre en compte cette donne. L’audience du 12 au 15 janvier prochain est donc d’importance. La Cour va-t-elle confirmer les charges ou élargir le leader du Mlc ? La question reste posée. Elle s’ajoute à cette autre interrogation de savoir s’il était juste que dans ce dossier, JP Bemba puisse être seul à en porter la responsabilité?

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