lundi 18 février 2008
Le Bien Public - Dépêches
A LA RECHERCHE D'UNE UNION POLITIQUE
Après avoir perdu la bataille de N'Djamena, les rebelles tchadiens promettent de renforcer une alliance qui reste fragile et montre même quelques fêlures entre des mouvements que tout oppose, hormis la volonté de renverser le président Idriss Deby Itno.
« On a décidé de ne plus repartir à N'Djamena sans avoir une direction unique », explique le porte-parole de l'alliance des trois principales rébellions du Tchad, Abderaman Koulamallah. Selon lui, une commission comprenant des personnalités des trois mouvements va « choisir un chef de consensus le plus tôt possible ». « Il faut qu'on tombe d'accord sur une union politique », confirme Mahamat Nouri, candidat à peine voilé à ce poste.
Longtemps incapables de s'entendre, l'Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) du général Nouri, le Rassemblement des forces pour le changement (RFC) de Timan Erdimi et l'UFDD Fondamentale (UFDD-F) d'Abdelwahid Aboud Makaye s'étaient alliés à la mi-décembre. Sous la pression du Soudan, leur parrain, ces trois groupes armés avaient consenti à former un commandement unifié, mais pas à désigner un chef commun.
Le Soudan en arrière-plan
Officiellement, les trois mouvements se sont bien entendus sur le terrain lors du rezzou lancé contre N'Djamena le 28 janvier à partir du Soudan. Mais mezza voce, leurs responsables reconnaissent que cette direction tricéphale a été « l'une des raisons » qui a empêché les rebelles de renverser Idriss Deby les 2 et 3 février.
« Une des colonnes ne s'est pas beaucoup investie », estime un dirigeant du RFC, visant les renforts censés arriver de l'est du pays avec le ravitaillement, menés par l'UFDD. « Ils ont mis beaucoup trop de temps, on a dû abandonner nos positions en ville car on n'avait plus une seule munition ».
Selon ce responsable, le « brassage » des troupes issues des trois mouvements au sein de colonnes « mixtes » a également joué au détriment d'une offensive bien coordonnée. « Certains hommes répondaient aux chefs de leur groupe mais pas à ceux de leur colonne », explique-t-il. De fait, lors de leur reflux vers le sud-est du Tchad, les rebelles ont recomposé des colonnes distinctes non « brassées ».
Surtout, au-delà de la coordination militaire, les trois groupes sont loin d'avoir surmonté leurs divergences profondes, illustrées par un épisode : « A N'Djamena, nous voulions faire une déclaration à la radio », raconte le général Nouri, « mais nous n'avons pas réussi à nous entendre sur qui allait la lire ». « Après la chute du régime, nos objectifs restent différents, » explique le chef de l'UFDD.
D'ethnie gorane comme Hissène Habré, le président renversé en 1990 par Idriss Deby, le général Nouri ne cache pas sa méfiance toujours intacte envers Timan et Tom Erdimi. Ces derniers, neveux et anciens directeurs de cabinet de l'actuel chef de l'Etat, sont membres comme lui de la communauté zaghawa. En face, l'UFDD est soupçonnée de vouloir rétablir la puissance des Goranes et Mahamat Nour d'être le candidat du Soudan à la présidence du Tchad.